Coalition fédérale: quand les sorties du sp.a fragilisent… le PS

Que reste-t-il des familles politiques en Belgique? Plus grand-chose si l’on observe la famille socialiste ces derniers jours, et plus généralement la famille démocrate-chrétienne. Les libéraux sont également concernés. La tentative de formation d’un gouvernement fédéral expose les difficultés à se retrouver politiquement. Et ce qui devait être une force face à la N-VA – qui n’a pas de pendant francophone – peut devenir une faiblesse.

Il ne vous aura pas échappé que la formation d’un gouvernement fédéral tarde à se mettre en place. Face aux objectifs peu lisibles de la N-VA, chaque parti tente de renforcer sa position au sein d’une future coalition fédérale.

Mais alors que tous les yeux se tournaient vers le CD&V, qui persiste à croire qu’il faut rassembler PS et N-VA dans un mariage impossible, les coups les plus durs assénés aux socialistes francophones sont venus de leurs homologues flamands.

Dernière sortie en date, celle de la députée socialiste Freya Van den Bossche, pour qui le PS n’est pas le sp.a: ‘Nous ne sommes pas mariés au PS. Nous ne constituons pas un parti unique. Il y a des points d’accord mais aussi des différences. Nous nous comprenons, mais nous n’avons pas toujours le même point de vue’, a-t-elle déclaré ce matin dans De Ochtend, la matinale de Radio 1.

Frederic Sierakowski / Isopix

Cette sortie illustre assez bien les différences de perception entre le nord et le sud. Les francophones étaient prêts à entamer une coalition Vivaldi le week-end dernier, les néerlandophones sont eux beaucoup plus réservés. Et c’est tout à fait logique: ils craignent davantage une N-VA dans l’opposition (avec le VB) dans une Flandre à droite.

La contre-attaque de Bart De Wever

‘PS et N-VA doivent se rencontrer’, plaidait en début de semaine Johan Vande Lanotte, l’ancien président des socialistes flamands et encore informateur quelques mois plus tôt, partageant la même position que le CD&V.

Ces déclarations ne sont pas le fruit du hasard. Et pour le coup, Bart De Wever a plutôt bien manœuvré. Vendredi, constatant l’échec d’un front suédois (N-VA/Open vld/CD&V), refusé par les libéraux flamands, le président des nationalistes est arrivé avec une surprise dans son chapeau: une sorte de front entre la N-VA, le CD&V et… le sp.a. ‘J’ai ma majorité côté flamand, qu’en est-il de votre côté’, aurait-il alors annoncé fièrement en négociations. Le lendemain, lors des vœux du Nouvel an à Malines, il précisait son plan, ouvrant la porte à des politiques plus sociales.

Bart De Wever (N-VA)
Isopix

Comment en est-on arrivé là? D’abord, il faut savoir que le sp.a flamand a beaucoup moins d’aversion à s’acoquiner avec la N-VA. On a un temps parlé d’une association N-VA-sp.a au moment de la formation d’un gouvernement flamand. Et puis, socialistes et nationalistes gouvernent ensemble à Anvers, dans le fief de Bart De Wever.

Ensuite, son tout jeune président, Conner Rousseau, a l’impression d’avoir été quelque peu snobé durant les négociations. C’est que le duo d’informateurs, et particulièrement Georges-Louis Bouchez (MR), décrit comme le ‘mâle alpha’ par ses collègues néerlandophones, pensait tout simplement que la famille socialiste parlait d’une seule voix, celle de Paul Magnette (PS).

Les dernières déclarations montrent qu’ils avaient tort. Le plan de Bouchez de former une coalition Vivaldi (libéraux, socialistes, démocrate-chrétiens, écologistes) tombe à l’eau, c’est un échec pour celui qui annonçait un accord pour ‘ce lundi’. L’alliance des quatre familles politiques, les fameuses ‘Quatre Saisons’, est mis au frigo.

Les familles politiques en plein test

Historiquement, les familles traditionnelles socialiste, libérale et démocrate-chrétienne se sont séparées au gré des réformes de l’Etat. Accentuant un phénomène qu’on a appelé la dépilarisation.

Des liens demeurent toutefois entre les partis d’une même famille politique, mais ils sont mis à rude épreuve en temps de crise, et force est de constater que la Belgique est à nouveau dans l’impasse.

  • La famille libérale n’y échappe pas. Si pour l’heure, les bleus se montrent toujours soudés, les tensions apparues entre la N-VA et l’Open VLD, et plus particulièrement entre Bart De Wever et Gwendolyn Rutten, poussent le MR à se positionner. Bart De Wever aimerait voir les libéraux flamands dehors au niveau fédéral. Le MR devient donc une sorte d’assurance-vie pour l’Open VLD, mais jusqu’à quand? Lors des voeux du MR, ce n’est pas un hasard si libéraux flamands et francophones se sont affichés ensemble. Rutten et Alexander De Croo, le numéro 2 de l’Open VLD, étaient présents. Il fallait faire passer un message. Mais les questionnements sont là.

Frederic Sierakowski / Isopix
  • Même du côté des écologistes, l’union sacrée est testée. Francophones et néerlandophones sont bien plus sur la même longueur d’onde qu’ailleurs. Mais en négociations, il a été demandé à Groen s’il pouvait avancer sans Ecolo. Après tout, dans une coalition Vivaldi avec le CD&V, Ecolo n’est pas indispensable et son retrait ferait pencher la balance moins à gauche dans une Flandre à droite. ‘Pas question’, a répondu Groen. Les verts néerlandophones tentent par contre de former un rapprochement avec le sp.a pour court-circuiter la N-VA. Bienvenue dans la politique belge. Les deux partis les plus à gauche du nord du pays seraient sans doute plus forts à deux, mais pour l’heure c’est un échec.
  • Enfin du côté démocrate-chrétien, cela fait bien longtemps que les contacts sont rompus. L’arrivée de Maxime Prévot comme président du cdH n’a pas changé la donne.

‘Zwarte Piet’

Du côté socialiste, on tombe un peu des nues. Le PS était jusqu’à présent en position de force. Il se sait (presque) indispensable dans n’importe quelle formule et la mission de l’ex-informateur, Paul Magnette, a été unanimement appréciée, sauf par qui vous savez.

Mais avec cette contre-attaque de la N-VA, la donne change quelque peu. Car le PS serait alors isolé. Son refus d’entrer dans un gouvernement avec la N-VA alors que les socialistes flamands n’y seraient pas contraire (ils veulent en tout cas discuter) leur ferait porter le chapeau. Le fameux ‘valet puant’ ou ‘zwarte Piet’ comme on aime l’appeler au nord du pays.

Les téléphones chauffent entre socialistes néerlandophones et francophones depuis hier. Mais pour l’heure, c’est toujours ‘non’ pour le PS. Pas avec la N-VA.

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