La Chine, contrepoids à la surenchère militaire de Poutine ? « Notre amitié éternelle n’est pas une alliance »

Ça n’est pas tous les jours qu’un expert des relations internationales et ancien officier de l’armée chinoise se confie auprès d’un média occidental. Et encore moins sur la guerre en Ukraine, sa vision de l’OTAN, et le rôle de son pays.

Pourquoi est-ce important ?

Pour parvenir à une paix durable en Ukraine, la collaboration de la Chine est un enjeu majeur. Mais ce que l'Empire du Milieu estime comme la voie à suivre pour atteindre ses propres objectifs n'est pas toujours très transparent. Le pays a bel et bien déclaré une "amitié illimitée" avec la Russie de Poutine. Mais celle-ci ne signifie pas que Pékin suivra Moscou aveuglément.

Dans l’actualité : Zhou Bo, ancien colonel de l’Armée populaire de libération – APL, les forces armées chinoises – s’est exprimé auprès du Financial Times sur la situation militaire entre la Russie et l’Ukraine et sur le rôle de la Chine. Or celui-ci rappelle que son pays n’est pas forcément sur la même longueur d’onde que Poutine.

« La Chine n’a pas voulu de cette guerre »

  • « La Chine n’a pas voulu de cette guerre, personne n’en voulait, et je pense que Poutine va regretter de l’avoir déclenchée au vu de son résultat : il ne peut pas se permettre de la perdre, mais il ne peut plus espérer la gagner », annonce sans détour l’ancien officier, depuis devenu membre senior du Centre pour la sécurité internationale et la stratégie de l’université de Tsinghua.
  • « Les médias se focalisent sur cette déclaration « d’amitié illimitée » [entre la Chine et la Russie] mais ce terme est fort mal compris ; on ne peut pas évoquer une amitié et espérer qu’elle soit limitée. Mais quand nous faisons cette mention, nous devons préciser qu’il ne s’agit pas là d’une alliance militaire.

Le contexte : pour une bonne partie du reste du monde – et l’occident en particulier – la Chine a une responsabilité sur les épaules : peser – ou non – de tout son poids diplomatique et économique pour précipiter la fin de cette guerre. Pour les Américains et les Européens, de préférence en condamnant l’invasion russe.

  • Zhou Bo estime toutefois que cette logique très binaire de type « l’ami de mon ennemi » n’est pas forcément celle de son pays. « La guerre affecte nos intérêts économiques, en particulier l’initiative ‘Belt and Roads », e elle affecte nos relations avec diverses capitales européennes qui voudraient nous voir prendre parti […] Mais la responsabilité de la Chine, c’est plutôt de ne pas ajouter du bois sur le feu. »

Le contrepoids au point de non-retour nucléaire

L’enjeu : la Chine peut-elle réellement influencer les décisions militaires de Poutine ? Et surtout, en tant que grande puissance, pourrait-elle le dissuader de nourrir une escalade contre l’Occident, voire de recourir à l’arme nucléaire contre l’Ukraine ?

  • « Je pense que l’influence de la Chine existe certainement. Le monde craint que le président Poutine ne recoure à l’arme nucléaire. La voix de la Chine compte, et l’amitié de la Chine avec la Russie compterait d’autant plus sur cette question. Elle a donc probablement déjà joué un rôle important pour empêcher qu’un tel cauchemar ne se produise » lâche, sibyllin, l’ancien militaire.
  • Pour autant, Zhou Bo ne cache pas qu’il estime que l’expansion de l’OTAN vers l’est reste la cause profonde de la guerre, même s’il admet que l’élément déclencheur du conflit reste la décision de Poutine de recourir à l’argument militaire sur cet enjeu global.
  • Je pense que l’Occident doit réfléchir au rôle de la Chine, non seulement à travers son propre prisme, mais aussi en se mettant à la place de la Chine. Mettez-vous à la place de l’Inde. Mettez-vous à la place des pays du Sud. Vous constaterez que la position de la Chine n’est pas unique.
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