Dans un rapport spécial dédié aux efforts que doivent fournir les géants du pétrole et du gaz pour soutenir la transition, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) porte un fameux coup à ce que ceux-ci présentent souvent comme une solution miracle. Les ambitions centrées autour du captage du CO2 n’ont aucun sens.
Dans l’actu : l’AIE gronde les producteurs de pétrole et de gaz.
- Dans son rapport, l’agence souligne que les investissements de ces compagnies dans les énergies propres sont totalement insuffisants. Et elle tire à boulets rouges sur le captage du dioxyde de carbone.
1% des investissements mondiaux dans les énergies propres
La situation actuelle : intenable.
- L’AIE a calculé les investissements dans les énergies propres de l’ensemble des compagnies pétrolières et gazières en 2022. Et elle les a évaluées. Conclusion ? C’est totalement insuffisant.
- L’an dernier, ces compagnies y auraient ainsi consacré 20 milliards de dollars. Cela représente à peine 2,5 % de leurs dépenses d’investissement totales.
- Aussi, les sociétés pétrolières et gazières ne représenteraient actuellement que 1% des investissements mondiaux dans les énergies propres.
- Précision encore plus inquiétante : 60% de ces investissements ont été fournis par seulement quatre entreprises.
« L’industrie pétrolière et gazière est confrontée à un moment de vérité lors de la COP28 à Dubaï. Alors que le monde subit les conséquences d’une crise climatique qui s’aggrave, poursuivre le statu quo n’est ni socialement ni écologiquement responsable »
Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE.
Investir massivement dans les énergies propres et arrêter de croire au captage du CO2
Ce qu’il faut faire : passer plusieurs vitesses immédiatement.
- Selon l’AIE, il n’y a qu’une option pour que les producteurs de pétrole et de gaz s’aligner vraiment sur les objectifs de l’Accord de Paris. Consacrer 50 % de leurs dépenses d’investissement à des projets d’énergie propre d’ici 2030, en plus des investissements nécessaires pour réduire les émissions de leurs propres opérations.
- Encore faut-il convaincre les principaux concernés que ça leur sera bénéfique sur le plan financier. Car à en voir leurs plus récentes annonces, ils en doutent. Plusieurs d’entre eux ont repoussé des objectifs de réduction d’émissions et/ou de baisse de leurs investissements dans les énergies fossiles. C’est notamment le cas de deux supermajors :
- BP s’était engagé à réduire de 40% ses investissements dans sa production de pétrole et de gaz d’ici 2030. Début d’année, le groupe britannique a indiqué que cette réduction serait finalement de 25%.
- Shell avait promis de réduire chaque année de 1 à 2% sa production de pétrole d’ici la fin de la décennie. Elle est revenue sur sa décision : sa production restera stable.
- Des décisions basées sur les juteux bénéfices réalisés l’an dernier grâce à l’envolée des prix du pétrole et du gaz, en partie liée à la guerre en Ukraine. Le filon fonctionne toujours : à quoi bon arrêter de tirer sur la corde ?
- C’est là que l’AIE oppose son argument : le pétrole et le gaz vont devenir moins rentables et plus risqués. « La valorisation actuelle des sociétés pétrolières et gazières privées pourrait chuter de 25% (…) si tous les objectifs nationaux en matière d’énergie et de climat sont atteints, et jusqu’à 60% si le monde s’efforce de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C », prévient l’agence.
- La solution pour éviter pareille chute est toute trouvée : les énergies propres. Elles offriraient déjà un retour sur capital équivalent aux fossiles. Et les bénéfices ne devraient qu’augmenter par la suite.
Ce qu’il ne faut pas faire : croire en l’impossible.
- Dans son rapport, l’AIE harponne également une solution prônée par à peu près toutes les compagnies pétrolières et gazières : le captage et le stockage du CO2.
- « L’industrie doit abandonner l’illusion selon laquelle des quantités invraisemblablement importantes de captage du CO2 sont la solution », tance Birol.
- Le constat de l’AIE est cinglant. En tenant compte de l’évolution prévue (selon les politiques actuelles) de la consommation de pétrole et de gaz, limiter l’augmentation de la température à 1,5 °C nécessiterait un captage de 32 milliards de tonnes de carbone pour utilisation ou stockage d’ici 2050, dont 23 milliards de tonnes via le captage direct dans l’air.
- Bien sûr, de prime abord, ces chiffres ne vous diront pas grand-chose. En fait, cela signifie que la quantité d’électricité nécessaire pour alimenter ces technologies serait… supérieure à la demande mondiale actuelle en électricité. « Tout à fait inconcevable », conclut l’AIE.