Ce qui devait arriver arriva. La « question Bouchez » qui est latente depuis des semaines au sein de la formation libérale a fini par exploser, en bureau de parti élargi, ce lundi, en fuitant dans toute la presse. Mais la question est plus complexe qu’il n’y parait. Les pontes qui remettent en cause la mainmise de Bouchez sur le parti n’ont pas toutes les cartes en main. Faut-il le prolonger et l’encadrer ou faut-il organiser des élections internes ? Le Montois ne redouterait pas cette deuxième piste qui assoirait sa légitimité. En fait, Bouchez est sûr de ses forces et ne se laissera donc pas museler. Mais depuis vendredi dernier, le Grand Baromètre RTL/Le Soir pourrait avoir changé la donne : les Engagés, qui flirtent avec le centre-droit, sont en progression. Forcément, la pression s’accentue.
L’actu : Georges-Louis Bouchez doit-il rester président ? Au MR, on commence à se poser de sérieuses questions.
- La bête a-t-elle échappé à son créateur ? Quand il est question de la place des élus libéraux sur les listes électorales, un vent de révolte se lève au sein du MR.
- Pourtant, le « style Bouchez », sa manière de communiquer et sa volonté de positionner le parti sur un axe plus conservateur, n’est pas neuf.
- Mais l’approche des échéances électorales rend naturellement tout le monde plus nerveux. Certains pontes du parti commencent à se poser de sérieuses questions. La première d’entre elles, bien sûr, c’est de savoir si le MR peut être exclu des majorités, comme l’ont de nombreuses fois évoqué le PS et Ecolo. Et aujourd’hui, c’est tout à fait envisageable dans les Entités fédérées. Les derniers sondages montrent, et c’est une surprise, une progression nette des Engagés.
- Le mouvement initié par Maxime Prévot marche clairement sur les plates-bandes du MR, en recrutant tous azimuts dans la société civile, avec des personnalités plutôt marquées à droite, comme Jean-Jacques Cloquet (ex-aéroport de Charleroi), Olivier de Wasseige (ex-UWE) ou encore Yves Coppieters (épidémiologiste).
- Ce n’est pas neuf : les Engagés tentent de conquérir le cœur des libéraux sociaux déçus, comme en atteste le recrutement de Jean-Luc Crucke. Les Engagés ont désormais un récit pour les électeurs et ont donc lancé la campagne électorale très tôt, c’est normal pour un challenger.
- Pour le moment, cela a suscité surtout des moqueries et du dénigrement de la part des élus MR, mais ce dernier sondage met à présent le doute.
L’essentiel : le rififi est plus complexe qu’il n’y parait.
- L’enjeu, c’est la réélection de Georges-Louis Bouchez comme président du MR. Son mandat se termine normalement fin novembre. Mais une question agite maintenant le parti : doit-il être prolongé jusqu’aux élections en étant « encadré » ou faut-il organiser une élection interne, au risque de voir GLB réélu pour 5 ans avec des prérogatives totales ? Cela a donné lieu à un bureau de parti houleux, ce lundi, comme l’a rapporté presque toute la presse, hier soir.
- Sophie Wilmès et d’autres poids lourds, dont Willy Borsus, sont montés au créneau pour contester l’emprise de GLB sur le parti. La personnalité politique la plus populaire au sud du pays verrait d’un bon œil que le fougueux président soit mieux « entouré ». Comprendre : « mieux encadré ».
- Ce n’est pas la première fois que le président du MR subi des tentatives de muselage : les supposées 11 belles-mères n’ont pourtant eu aucun effet sur Bouchez, qui a su, petit-à-petit, mettre sa patte sur le parti, jusqu’à le contrôler. Même le clan Michel, qui l’a installé sur le trône, « ne sait plus trop quoi faire ».
- Bouchez ne veut pas mener une campagne électorale sans toutes ses prérogatives. Il a d’ailleurs reçu le soutien de son ex-challenger, Denis Ducarme. « À sa place, je n’accepterais d’aller aux élections sans toutes mes prérogatives de président de parti », a-t-il lancé sur LN24. « Qu’est-ce que ça donne comme image face aux autres présidents de parti, qui eux ont toutes leurs prérogatives durant la campagne électorale et nous, on n’aurait qu’un demi-président ? », s’interroge-t-il.
- Faut-il alors passer par une élection interne, en novembre, pour définitivement régler la question ? Cette possibilité n’enchante pas non plus les pontes du MR. Pierre-Yves Jeholet, ministre-président de la Fédération Wallonie-Bruxelles, s’est déjà positionné contre cette possibilité qui afficherait « la division du parti à quelques mois des élections ».
- Mais le plus frappant, et sans doute le plus révélateur, est que Georges-Louis Bouchez lui-même, sûr de ses forces, ne s’opposerait pas à une telle élection. Le Montois pense avoir conquis la base du parti par son positionnement et sa communication. Il ne redoute pas des élections internes qui pourraient asseoir définitivement sa légitimité. En outre, il n’y a actuellement pas de candidats sérieux pour rivaliser.
- L’autre enjeu, plus terre-à-terre mais tout à fait déterminant, est l’établissement des listes électorales. Certains ténors ne veulent pas laisser les pleins pouvoirs à Bouchez qui pourrait in fine décider tout seul.
- Selon L’Echo, la question remonte à l’été dernier. Le président du MR a proposé à ses troupes que les principaux candidats pour les listes lui soient communiqués en janvier 2024, soit après son éventuelle prolongation. Or, il était initialement prévu que ces propositions soient établies en octobre, juste avant la fin de son mandat.
En résumé : qui pliera en premier ?
- Faute de candidats sérieux et face aux divisions que cela pourrait créer, en plus de prendre le risque de voir un Bouchez légitimé sur son trône, les cadres du MR ne font pas d’une élection interne une priorité.
- C’est pourquoi ils s’évertuent à prolonger le président du MR jusqu’aux élections, en l’encadrant si possible. Mais Bouchez ne veut rien lâcher, car il s’estime en position de force. Trop sûr de lui ? « Même un chien avec un chapeau gagnerait contre lui », a osé dire un ministre libéral, sous couvert d’anonymat, à Bertrand Henne (RTBF).
- En fait, une personnalité pourrait mettre tout le monde d’accord : Sophie Wilmès. Mais aucun élément ne laisse pour le moment présager un retour au premier plan. L’ancienne Première ministre a fait un pas de côté, après la maladie de son mari, et elle n’envisage toujours pas un retour pour une fonction aussi déterminante et chronophage.
- La grande question reste donc de savoir qui pliera en premier entre les cadres du parti et l’impétueux président du MR ? Un autre bureau de parti élargi s’annonce déjà brûlant lundi prochain.
Chez Vooruit : ils restent soudés, surtout lorsque leur président est sous le feu des critiques.
- Des gros titres comme « Comment Conner Rousseau entend museler la presse » ou « Kingconnah perd pied » dans les journaux De Standaard et De Morgen n’ont pas été bien reçus par les membres de Vooruit. Rousseau est sous le feu des critiques, certains allant même jusqu’à l’accuser de menacer la démocratie. Suite à une requête unilatérale, son avocate a bloqué la publication de sections d’un rapport concernant une éventuelle ivresse et des allégations de propos potentiellement racistes.
- Mais l’unité du parti reste intacte. En marge de ces critiques sévères, Rousseau a été massivement soutenu lors d’une réunion interne. Pas de commentaires venimeux, pas de critiques acerbes de la base ou des cadres du parti. Au contraire : « Lors du bureau de parti lundi, où Conner est venu expliquer toute l’affaire, il a reçu un soutien massif. Il se sentait renforcé par la solidarité du parti », raconte un participant.
- « À chaque génération, le parti voit émerger un talent exceptionnel qui doit être protégé. Mais ce talent est soumis à une énorme pression, souvent de la part des médias. C’est une situation que nous connaissons bien », déclare un membre éminent des socialistes flamands, faisant allusion à Steve Stevaert sans le citer.
- Bien que Vooruit soit en difficulté dans les sondages, l’ambiance est combative. Rousseau a redynamisé le parti et a renforcé sa détermination à ne pas se laisser marginaliser, que ce soit par les écologistes, les organisations de la société civile, et encore moins par les médias. « Les sondages internes nous placent encore un peu plus haut », déclare-t-on au sein du parti.
- C’est avec ces médias que les relations sont particulièrement tendues. Rousseau, à mi-chemin entre le politicien et la célébrité, a fait savoir à la presse qu’il pouvait très bien se débrouiller sans elle.
- Parmi les socialistes les plus expérimentés, le sentiment est clair : « On essaie littéralement de détruire notre leader, c’est évident. »
La conséquence : Cela a abouti à un bras de fer judiciaire entre Rousseau et DPG Media, le plus grand groupe de médias du pays.
- Parlant de l’incident de l’état d’ivresse lors du bureau de parti, Rousseau a promis de ne plus toucher à une goutte d’alcool jusqu’aux prochaines élections. Cependant, il ne se souvient pas de cette nuit-là, lorsqu’il a été trouvé ivre dans un bar et que la police est intervenue à deux reprises.
- Mais en dépit des rumeurs et des controverses entourant ce rapport, la solidarité du parti est inébranlable. Le revirement de la police, qui a rédigé un rapport dix jours après l’incident, demeure un mystère. Mais ce rapport a conduit à l’ouverture d’une enquête sur de présumées déclarations racistes faites par Rousseau.
- Alors que certains médias ont réussi à obtenir des passages du rapport, Rousseau et son avocate ont obtenu une interdiction de publication contre DPG Media.
- Cela a provoqué une vive réaction, détournant l’attention de l’incident initial vers la façon dont Rousseau a tenté de contrôler la narration. Et cela a conduit à l’effet Streisand : des journaux comme De Standaard et De Morgen ont crié au scandale sur la liberté de la presse et ont braqué les projecteurs sur Rousseau. Presque rien n’est sorti de l’histoire initiale sur l’incident, mais une tempête s’est déchaînée sur la manière dont Rousseau a tenté d’éviter la publication.
- Dans le même temps, il y a également des rumeurs selon lesquelles le bureau du procureur enquête sur les agissements et les fuites de la police locale. Le fait que le procureur juge nécessaire d’enquêter sur les fuites ajoute à la complexité de l’affaire. La police ne peut pas simplement divulguer des informations, surtout lorsque celles-ci n’ont pas encore été confirmées ou validées.
- Quoi qu’il en soit, le bureau de parti de Vooruit, au lieu de se distancer de son président, se rassemble autour de Rousseau : « La pression médiatique n’a jamais été aussi grande, mais nous restons fermes et soutenons Conner à 100% », déclarent les cadres du parti. Et le reste de la base ? Elle ne semble pas trop s’en préoccuper.