Les scénaristes américains se couchent un peu trop vite devant les exigences chinoises pour pouvoir diffuser leurs films dans l’Empire du Milieu, estime le Pentagone. Une raison suffisante pour les priver de tout soutien de l’armée américaine, si l’agenda de Pékin est avéré. Un enjeu qui est en train de devenir électoral.
Barbie, Top Gun ou Spiderman : le Pentagone en a marre de voir Hollywood se coucher devant le récit chinois
Pourquoi est-ce important ?
Il y a quelques jours, le Vietnam a décidé d'interdire la diffusion du film Barbie sur son sol. En cas : une carte qui apparait à l'écran durant ce long métrage qui n'a pourtant pas l'air porté sur la géopolitique... Et qui montre les frontières maritimes revendiquées par Pékin, malgré l'opposition de tous les autres pays qui bordent la mer de Chine. Et ce genre de "prise de position" dictée par la Chine n'a rien d'un cas isolé dans le cinéma américain.Des films largement retouchés
L’enjeu : la Chine représente un marché d’un milliard et demi de consommateurs, dont le pouvoir d’achat a fortement augmenté sur les dernières décennies, et qui est avide de divertissement. Un immense public que le cinéma américain ne peut pas négliger. Mais auquel on ne peut pas tout montrer sous peine de censure.
- Hollywood courtise l’audience chinoise depuis le grand rattrapage économique du pays, dans les années 90 : on peut songer à Mulan, l’une des premières héroïnes de Disney à ne pas provenir d’un folklore occidental.
- Depuis, les films américains prennent de plus en plus en compte le marché chinois. Mais ils y adaptent leur propos, plus ou moins subtilement : dans le trailer de Top Gun: Maverick par exemple, la veste du héros n’arbore plus les drapeaux japonais et taïwanais.
- Selon Politico, les producteurs du film ont voulu « apaiser » Tencent, le géant de la tech chinois et investisseur potentiel. Celui-ci a toutefois retiré ses billes, permettant aux drapeaux de revenir… Du moins sur les écrans occidentaux.
- Car la pratique n’est pas neuve rappelle Military Watch : depuis trente ans au moins, les films diffusés en Chine sont largement édités par rapport à leur version originale. Pas de baisers homosexuels (Bohemian Rhapsody), pas trop de nudité (Titanic) et surtout pas de méchants qui s’en sortent (Lord of War). Et, bien sûr, Taïwan et les contestataires hongkongais n’existent pas dans les salles obscures chinoises.
Quant Tom Cruise a peur des communistes
Le ras-le-bol américain : toujours selon Politico, un document récent du Pentagone indique que l’armée américaine n’offrira plus d’assistance technique aux cinéastes, à moins qu’ils ne s’engagent à ce que le produit final ne soit pas modifié pour obtenir l’approbation du gouvernement chinois.
- Selon ce document, le ministère de la Défense « ne fournira pas d’aide à la production s’il existe des preuves tangibles que la production s’est conformée ou est susceptible de se conformer à une demande du gouvernement de la République populaire de Chine… de censurer le contenu du projet d’une manière matérielle afin de promouvoir l’intérêt national de la République populaire de Chine. »
- Or l’aide de l’armée américaine n’a rien d’anecdotique, dans l’histoire du cinéma : c’est elle qui a permis le tournage de nombreux monuments, en particulier des films de guerre bien sûr, qui bénéficiaient de la logistique et surtout du véritable matériel de l’oncle Sam. On notera par exemple que Top Gun : Maverick a été en partie tourné sur un authentique porte-avions, et que sa star Tom Cruise a bénéficié de véritables leçons de pilotage.
- À condition bien sûr que le scénario plaise au Pentagone : des brûlots comme Apocalypse Now n’ont pas pu en profiter. Mais plutôt que de s’assurer que le cinéma reflète une image positive de l’armée, le Pentagone doit maintenant s’assurer qu’il ne colporte pas le narratif du grand rival.
- Il faut dire que l’enjeu devient politique alors que les USA se rapprochent d’une année électorale. Le sénateur républicain du Texas, Ted Cruz, s’est emparé de ce combat : « Qu’est-ce que cela dit au monde quand Maverick a peur des communistes chinois ? » at-il ainsi lâché à l’époque de la sortie du film. Rappelons que Cruz se verrait bien en candidat républicain à la présidence en 2024.