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Avec la probable prolongation de son parc nucléaire, l’Allemagne brise un 3e tabou

Avec la probable prolongation de son parc nucléaire, l’Allemagne brise un 3e tabou
Olaf Scholz (C), Robert Habeck (G) & Christian Lindner (D) – JOHN MACDOUGALL/AFP via Getty Images

Certains hauts fonctionnaires ont fait savoir au Wall Street Journal que la prolongation des centrales nucléaires allemandes n’était qu’une question de temps. Encore une fois, l’Allemagne devra changer radicalement sa politique initiale. Les certitudes d’hier ne sont plus celles d’aujourd’hui.

Officiellement, le chancelier allemand Olaf Scholz et son gouvernement attendent une étude de résistance, sur les problèmes d’approvisionnement, en Allemagne, mais aussi au niveau européen, qui tiennent compte de la crise nucléaire française. Elle doit déterminer si les trois dernières centrales en activité, dont la fermeture a été planifiée pour le 31 décembre, doivent être prolongées. Il s’agit des centrales Neckarwestheim (Bade-Wurtemberg), Isar 2 (Bavière) et Emsland (Basse-Saxe), qui ensemble ont une capacité d’environ 4 GW.

Que de chemin parcouru. Lors de l’accord de gouvernement, entre les sociaux-démocrates, les libéraux et les Verts, il n’était nullement question de revenir sur la sortie du nucléaire. Puis, comme en Belgique, la guerre en Ukraine a tout changé. Mais les Allemands ont mis encore plus de temps à l’admettre. « Le nucléaire n’est pas une option », voici ce que déclarait encore le ministère allemand de l’Environnement, mi-juin. Les Verts ont longtemps bloqué la possibilité d’une prolongation, avançant des arguments d’ordre technique, juridique et de sécurité. Comme en Belgique.

Une question de temps

D’après trois hauts fonctionnaires du gouvernement qui se sont entretenus avec le Wall Street Journal, il est déjà acquis que la prolongation des trois centrales nucléaires ne posera pas de problème de sécurité. « Les réacteurs sont sûrs jusqu’au 31 décembre, et il est évident qu’ils le resteront également après cette date », a déclaré un haut fonctionnaire.

L’autre condition de la prolongation était une probable pénurie de gaz. Si l’Allemagne est en passe de remplir ses stocks à temps, un hiver rugueux pourrait les vider à la fin du mois de mars. C’est en tout cas une projection avec un Nord Stream 1 qui continuerait à fonctionner à 20% de sa capacité. Mais il n’est pas du tout exclu que Moscou coupe entièrement les vannes. Dans ce cas de figure, l’Allemagne aurait trois mois de gaz devant elle, a prévenu le régulateur allemand, dans Bloomberg. Le risque de pénurie est donc bien là.

En fait, le gouvernement allemand n’attendrait que le rapport pour acter la décision de prolonger les trois centrales. Une décision qui devrait passer par le parlement, mais il semble acquis, là aussi, qu’une majorité puisse être trouvée. La seule vraie inconnue est la durée de la prolongation et si toutes les centrales seront prolongées.

Dans un communiqué officiel, les ministères de l’Économie et de l’Environnement ont bien sûr rejeté les affirmations du journal économique américain. On sait par contre avec certitude que les lignes bougent du côté des Verts, qui sont désormais prêts à un compromis.

Les trois tabous

Entamée sous le chancelier Gerhard Schröder, la sortie du nucléaire a été actée par Angela Merkel en 2011, sous l’émotion de la catastrophe de Fukushima. C’est en tout cas ce que ses détracteurs lui reprochent. L’Allemagne, 9e puissance nucléaire du monde à l’époque, est passée de 32 réacteurs en activité à 3 en 2022. En cas de prolongation, la guerre en Ukraine aura fait voler en éclat un tabou de plus.

Le premier tabou qui a été levé est lié à cette sortie du nucléaire. L’Allemagne se rêvait championne du monde du renouvelable, en se reposant provisoirement sur le gaz, qui était vu comme une meilleure option que le charbon, hyper productif en CO2. En particulier le gaz russe, dont Nord Stream 2 devait être l’aboutissement, au grand dam des États-Unis. Toute cette politique et ses conséquences sautent aujourd’hui à la figure de l’Allemagne qui a décidé de faire marche arrière. Berlin demande une solidarité européenne et a peur pour son industrie. « Quand j’entends solidarité européenne, je bondis de ma chaise! », a récemment déclaré l’ex-ministre des Finances grec, Yanis Varoufakis, dans Die Welt.

La guerre en Ukraine aura fait voler un autre tabou: le pacifisme accommodant dans lequel Berlin s’était réfugié depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Après avoir longtemps hésité, l’Allemagne a fini par adopter les sanctions occidentales contre Moscou, mais a aussi décidé de livrer des armes à l’Ukraine. En outre, Olaf Scholz a lancé un plan à 100 milliards d’euros pour reconstruire la défense allemande.

Sacrées années 2020. Après la pandémie, qui aura brisé la sacro-sainte rigueur budgétaire allemande, 2022 restera quoiqu’il arrive un véritable tournant pour l’Allemagne.

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