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« Au fond, l’Europe ne peut pas survivre sans le diesel russe »: ses importations augmentent encore, alors qu’elle est censée bientôt s’en passer totalement

« Au fond, l’Europe ne peut pas survivre sans le diesel russe »: ses importations augmentent encore, alors qu’elle est censée bientôt s’en passer totalement
Getty Images

L’Europe a augmenté ses importations de diesel russe de plus d’un cinquième en juillet. Ainsi, les différents pays européens ont importé près de 700.000 barils du combustible russe par jour le mois dernier, selon les données de Vortexa. C’est un peu plus que le mois précédent, et une (notable) augmentation de 22% par rapport à juillet de l’année dernière.

Pourquoi est-ce important ?

Les sanctions de l'Union européenne contre la machine de guerre russe impliquent que tout le pétrole brut russe par voie maritime sera interdit à partir de début décembre, et tous les produits raffinés russes deux mois plus tard. Toutefois, l'augmentation des importations de diesel montre combien il sera difficile pour les États membres de l'UE de réduire à zéro leurs importations de diesel russe d'ici février.

« Nous sommes encore loin d’une Europe qui remplace le diesel russe », souligne David Wech, économiste en chef chez Vortexa, une agence de données qui suit les pétroliers, interrogé par le Financial Times. « Je me demande si les Européens parviendront à mettre pleinement en œuvre l’interdiction annoncée des importations de diesel. »

Ces dernières années, la dépendance de l’Europe à l’égard de la Russie pour son approvisionnement en diesel n’a cessé d’augmenter. La Russie représente plus de la moitié des importations de diesel de la région, selon les données de Vortexa.

L’Europe aime le diesel

« Au fond, l’Europe ne peut pas vraiment survivre sans le diesel russe », confirme Kevin Wright, analyste au cabinet de recherche sur les matières premières Kpler, auprès de Reuters.

Les voitures particulières fonctionnant au diesel représentent plus de 40 % du marché européen, selon les données de Rystad Energy. En comparaison, ce chiffre atteint à peine 4,5% aux États-Unis.

Outre l’impact direct sur les quelque 140 millions de conducteurs qui font le plein de diesel en Europe, les prix élevés ont également des répercussions sur l’économie au sens large et sur l’inflation, le diesel étant le carburant de prédilection de l’industrie et des agriculteurs.

Compte tenu de la forte dépendance à l’égard des produits pétroliers de la Russie, on peut se demander si les dirigeants de l’UE sont préparés à la crise qui surviendra si les sanctions sont pleinement appliquées.

Les prix du gaz compliquent l’équation

Les prix galopants du gaz – qui sont 10 fois plus élevés en Europe qu’au cours de la dernière décennie – pourraient par ailleurs ajouter de la pression sur le marché du diesel, note le Financial Times.

Les prix du gaz naturel sont si élevés que les entreprises énergétiques et les fabricants sont incités à passer au diesel pour la production d’électricité. Cela pourrait stimuler la demande mondiale de pétrole de 700.000 barils par jour pendant l’hiver, estiment les analystes de la banque d’investissement JPMorgan.

« Cette demande supplémentaire de pétrole pour la production d’électricité pourrait resserrer davantage le marché mondial du diesel et envoyer les prix du diesel vers de tout nouveaux sommets », a déclaré JPMorgan.

Quid des raffineries européennes ?

Une grande partie de l’approvisionnement en diesel de l’Europe est produite dans les raffineries, par la transformation du pétrole brut en produits pétroliers. En théorie, l’Europe pourrait faire travailler davantage ses propres usines.

Mais suite aux réductions de l’ère coronavirus (la demande de carburant a diminué, les gens ayant moins voyagé, par exemple), notre continent souffre aujourd’hui d’une pénurie de capacités de raffinage.

En outre, une conséquence de la future interdiction du pétrole russe est que les usines européennes sont susceptibles de produire plus d’essence que de diesel. En effet, les usines européennes cherchent à remplacer le pétrole de l’Oural et optent pour un brut plus léger et plus doux, qui est plus susceptible de produire de l’essence que du diesel, plus lourd.

Les États-Unis ou la Chine ?

Selon David Wech, analyste chez Vortexa, la « question clé » pour l’avenir est de savoir si les raffineries des États-Unis seraient attirées par les marges importantes pour fournir davantage de diesel à l’Europe. Car ces usines concentrent généralement leur production sur l’essence.

En tout état de cause, le diesel supplémentaire ne viendra pas de Chine. Pékin dispose de capacités de raffinage excédentaires pour produire davantage de diesel. Mais la superpuissance asiatique a demandé à ses raffineries de se concentrer sur l’approvisionnement du marché intérieur.

(OD)

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