Après trois semaines de combats et de bombardements, la Russie arriverait-elle à court de missiles ?

L’armée russe a tiré pour la première fois ce vendredi des missiles hypersoniques Kinjal sur un entrepôt ukrainien. Une annonce fort médiatisée car il s’agit d’une arme « secrète » du Kremlin supposée révolutionnaire. Mais si Moscou fait tirer ce genre de bijou technologique, c’est peut-être bien car ses troupes sont à court de projectiles moins chers et tout aussi efficaces.

À l’est, rien de nouveau : après l’échec initial de l’invasion devant les villes ukrainiennes, de lourdes pertes et de nombreux cafouillages logistiques, les forces russes semblent se résoudre à tenir leurs positions, au moins le temps qu’il faut pour se réorganiser. Afin de maintenir la pression, le Kremlin fait un usage croissant des bombardements, mais cette tactique de destruction et de terreur n’est pas si aisée : les Russes ne disposent pas de la suprématie aérienne, et la DCA ukrainienne – ainsi que quelques sorties des pilotes aux cocardes bleues et jaunes – empêche les aviateurs russes d’opérer sereinement et de frapper avec précision. Pour limiter les pertes en appareils et en pilotes (13 au moins avions ont été abattus), le Kremlin a donc principalement recours aux missiles.

Tueur de porte-avion hypersonique

Vladimir Poutine joue d’ailleurs de la surenchère à ce niveau-là, faisant lancer des engins toujours plus puissants et plus perfectionnés. Vendredi dernier, les forces russes ont annoncé avoir tiré des missiles hypersoniques Kh-47M2 Kinjal afin de détruire un dépôt souterrain de munitions situé dans l’ouest de l’Ukraine. Cet engin, tiré depuis un avion MiG-31, est censé défier les systèmes de défense antiaérienne grâce à sa très grande manœuvrabilité et surtout son exceptionnelle vitesse : il atteindrait Mach 10, soit environ 12 000 km/h, et pourrait toucher sa cible avec précision à 2.000 km. C’est la première fois que ce genre « d’arme secrète » est utilisée en Ukraine.

Sauf que ces jouets-là sont chers et encore rares, donc précieux, d’autant que ce genre d’engin semble plutôt conçu pour envoyer par le fond des portes-avions et autres navires de guerre de gros tonnage. Ce qui laisse dire à certains observateurs que, au-delà de la valeur médiatique de l’usage de ces armes pour faire démonstration de sa détermination, l’armée de Vladimir Poutine commence à manquer de missiles plus ordinaires.

Des usines d’armement qui tournent 24h sur 24

Selon Ukrainska Pravda, un média ukrainien qui, forcément, risque d’être partial et dont les analyses sont à prendre avec des pincettes, les troupes russes auraient « épuisé la quasi-totalité de leurs stocks de missiles et de certains types de munitions. » Une information avancée par l’état-major général des armées ukrainiennes.

« En raison de la consommation de la quasi-totalité des munitions de missiles et de certains types de munitions, les dirigeants militaro-politiques ont décidé de faire passer toutes les entreprises travaillant dans l’industrie de l’armement russe et produisant des missiles de croisière « Kalibr » et des munitions pour les systèmes de fusées à lancement multiple « Tornado » en mode 24 heures sur 24″, assure encore le commandement ukrainien. Un signe qui ne trompe pas, selon eux : les tirs pourraient bien cesser prochainement faute de projectiles, d’autant que le secteur militaro-industriel russe mettrait l’accent sur des engins moins perfectionnés. Le Kalibr n’est pas une arme de conception ancienne, mais il s’agit d’un « simple » missile multirôle subsonique, bien que certains modèles soient capables d’une accélération finale avant d’atteindre leur simple afin d’être moins aisément détectés. Un engin qui ne tient pas des « armes secrètes » du Kremlin, malgré son efficacité meurtrière.

Le missile, une arme politique et géostratégique avant tout

Quant aux lanceurs « Tornado« , il s’agit d’une modernisation des lanceurs de fusées Grad, soit des armes très polyvalentes capables de saturer une zone de projectiles incendiaires, explosifs, voire poseurs de mines. Des engins redoutables pour qui se retrouve sous leur grêle de fusées, mais pas vraiment une technologie hors-norme non plus.

L’usage de missiles n’a rien d’anodin : ces engins autopropulsés représentent aussi l’assurance-vie d’une grande puissance, car ils incarnent la majeure partie de sa capacité de frappe nucléaire. Afin de rester crédible dans ce bras de fer permanent, la Russie se doit donc de garder un stock de missiles opérationnels, et ne peut se permettre de tous les tirer sur l’Ukraine dans le cadre de frappes aux explosifs conventionnels.

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