« Déconfiture ». C’est par ce mot que l’un des principaux responsables des libéraux flamands a décrit la soirée d’hier. La nomination inattendue de Paul Van Tigchelt (Open Vld) au poste de ministre de la Justice et simultanément comme vice-premier ministre a suscité un vent de mécontentement interne.
- Lors de la réunion en bureau de parti, situé rue Melsens – le siège central –, aucune confrontation majeure n’a eu lieu. La raison principale étant l’absence de nombreuses figures emblématiques et critiques de l’Open Vld : ni Gwendolyn Rutten, ni Bart Tommelein, ni Mathias De Clercq, ni Patrick Dewael, ni Karel De Gucht, pour n’en nommer que quelques-uns, n’étaient présents. La liste était longue.
- Certains d’entre eux n’ont pas hésité à exprimer publiquement leur mécontentement. Rutten, par exemple, a annoncé son retrait de la politique nationale sur Facebook, évoquant un « manque flagrant de respect » de la part de la direction du parti. De Gucht, qui a toujours soutenu Rutten, a évoqué une « erreur politique majeure, entraînant la perte d’une figure centrale pour le Brabant flamand ».
- Au sein même du bureau, aucune remise en question fondamentale n’a été faite : personne n’a envisagé de remettre en cause la décision relative à Van Tigchelt. Ce choix a toutefois mis en lumière une stratégie de l’Open Vld, celle du G4, consistant à présenter les choses sur le fait accompli : seuls le président Tom Ongena, son mentor politique Bart Somers, le Premier ministre Alexander De Croo, et Vincent Van Quickenborne semblent tenir les rênes du parti.
- L’exclusion manifeste des autres, réduits au rôle de spectateurs, est un point de discorde. La communication du G4 avec le reste du parti, singulièrement dans les 24 heures précédant la nomination de Van Tigchelt, semblait déconnectée de la réalité : par exemple, l’avocat Kris Luyckx, bien que novice en politique, avait été approché dès le vendredi. Il a décliné l’offre, mais cela a laissé des traces chez bon nombre de membres du parti.
- De plus, Van Tigchelt, bien qu’expert absolu des questions de sécurité, n’est pas un politicien de carrière et n’a donc aucune légitimité politique. Pourtant, il est maintenant propulsé au rôle de vice-premier ministre. Van Tigchelt vient aussi agrandir les rangs des ministres non-élus au sein de la Vivaldi. Cette décision contredit les dires d’Ongena qui avait promis un candidat expérimenté pour ce poste.
- Peut-être s’agissait-il d’une ruse pour éviter des fuites, mais cela a amplifié la frustration de figures comme Patrick Dewael et la toujours diplomate Lydia Peeters (Open Vld). À son arrivée rue Melsens, cette dernière n’a pu s’empêcher d’exprimer sa déception face à la gestion actuelle, notant un mécontentement grandissant de la base du parti.
- En réponse, Tom Ongena, président de l’Open Vld, a tenté d’apaiser la situation face à la presse. Il a indiqué avoir été mandaté pour consulter la base du parti et resserrer les liens. Cependant, il n’a pu s’empêcher de lancer une pique aux absents, suggérant qu’ils feraient mieux de participer activement aux débats internes. Face à la menace de Patrick Dewael de devenir député indépendant, Ongena s’est engagé à ouvrir un dialogue. Une mission délicate l’attend.
Frappant : l’ancienne ligne de fracture refait immédiatement surface au sein de l’Open Vld.
- Il n’est pas étonnant que tout le monde au sein du parti n’ait pas suivi la « canonisation » de Rutten. L’aile droite, avec une forte présence au Parlement fédéral, n’était guère en soutien de l’ex-présidente, perçue par eux comme le principal porte-voix de l’aile gauche du parti.
- Que ce soit précisément Egbert Lachaert, l’autre ex-président, qui critique Rutten devant le bureau de parti était toutefois plus surprenant : « Il y a une place pour un parti libéral puissant en Flandre, mais pour cela, nous devrons collaborer et avancer dans la même direction. Chacun nourrit des ambitions, et j’ai moi-même des raisons de me sentir blessé. Cela peut arriver à quiconque au cours de sa carrière. »
- Ce discours a déplu à beaucoup de personnes présentes : « Il n’a vraiment aucune légitimité pour parler ainsi. C’est pourtant Lachaert qui a sciemment plongé le parti dans le chaos cet été, en démissionnant brusquement via WhatsApp. Il envisage de faire défection avec un petit groupe et nous offre maintenant cette explication », s’insurge une source influente du parti.
- De plus, le fait qu’Eva De Bleeker (Open Vld), une autre figure de proue de l’aile droite, se soit exprimée ouvertement devant le bureau en s’interrogeant sur « l’objectif actuel du parti », a été reçu avec un certain scepticisme par plusieurs libéraux flamands. Personne n’a oublié qu’elle a eu des discussions avec Jean-Marie Dedecker concernant un éventuel transfert.
- Dans le Brabant flamand, choisir De Bleeker comme tête de liste semble presque une évidence : Rutten n’est plus dans la course, et Goedele Liekens (Open Vld) a également décliné une place sur les listes. Il semble que le G4, bien qu’à contrecœur, doive opter pour De Bleeker.
- Cependant, la situation au sein de l’Open Vld demeure profondément fragmentée, où chacun parait s’opposer à tout le monde. Le camp de Rutten s’est ouvertement et vivement opposé au G4 : « Nous voulions faire de ce siècle le ‘Siècle de la femme’. Mais il semble que nous soyons encore coincés au siècle dernier », a déclaré Maurits Vande Reyde (Open Vld), faisant allusion au livre du Premier ministre sur le féminisme. Cette critique résonne : le journal Het Laatste Nieuws parle notamment d’une « lutte d’hommes cherchant à conserver leur pouvoir » au sein de l’Open Vld. Le journal évoque souvent la « lutte des genres » à la rue de la Loi.
- Et cela a des répercussions. À Courtrai, Vincent Van Quickenborne doit actuellement combattre cette perception : la très populaire Ruth Vandenberghe (Liste du Bourgmestre) a dû céder sa place à ‘Q’. Cela a provoqué des reportages acerbes dans sa ville natale et d’autres allusions désagréables à son féminisme auto-proclamé. « Il aurait simplement pu rester député. Jasper Pillen avait déjà dû céder sa place. Mais cela ne semblait pas suffire », commente amèrement un membre du parti.