Alors que la majorité de l’opinion publique allemande était favorable à la décision de sortir du nucléaire après la catastrophe de Fukushima, deux sondages d’opinion réalisés l’année dernière ont dressé un nouveau tableau.
L’Allemagne a des œillères : plus de 80 % des Allemands souhaitent que les centrales nucléaires restent ouvertes mais la sortie du nucléaire est toujours d’actualité

Pourquoi est-ce important ?
Actuellement, l'Allemagne compte trois réacteurs nucléaires opérationnels (Emsland, Isar 2 et Neckarwestheim 2), qui assurent environ 6 % de l'approvisionnement en électricité du pays. La situation était autrefois différente : dans les années 1990, 19 centrales nucléaires assuraient environ un tiers de l'approvisionnement en électricité de l'Allemagne.La nouvelle, avec un peu de retard : un sondage réalisé par le radiodiffuseur public allemand ARD a révélé qu’une majorité de la population allemande est favorable au maintien en activité des trois réacteurs nucléaires restants du pays.
- Ce sondage a été réalisé en août de l’année dernière ; il a depuis été décidé de maintenir les réacteurs en fonctionnement jusqu’en avril de cette année.
Le(s) vote(s) en chiffres : 41% des personnes interrogées se sont prononcées en faveur d’une prolongation de la durée de vie de plusieurs mois, tandis que 41% ont déclaré que le pays devait continuer à utiliser l’énergie nucléaire à long terme.
- Dans un autre sondage réalisé l’année dernière à la demande de Der Spiegel, 78 % des personnes interrogées se sont déclarées favorables au maintien en activité des trois derniers réacteurs jusqu’à l’été 2023.
- Même parmi les partisans des Verts, notoirement critiques à l’égard du nucléaire, une faible majorité se dégage aussi pour le maintien de la filière de l’atome, rapporte World Nuclear News.
- En outre, ce sondage a également montré un large consensus pour laisser les réacteurs restants connectés au réseau pendant beaucoup plus longtemps, 67 % des personnes interrogées préférant voir les réacteurs maintenus en activité pendant cinq années supplémentaires. Seuls 27 % ont clairement rejeté cette perspective.
Opposition verte
Contexte : L’histoire de la relation amour-haine d’une superpuissance économique avec une source d’énergie à faibles rejets de carbone et très productive en énergie, mais controversée. Les protagonistes : les Verts allemands, un tsunami au Japon, et Vladimir Poutine.
- Pour mieux comprendre la situation actuelle, il faut remonter à 1998, lorsque le nouveau gouvernement de centre-gauche de Berlin a demandé la sortie du nucléaire. Ce dernier point était un souhait de longue date des Verts allemands, qui faisaient alors partie d’un gouvernement pour la première fois, rappelle le site d’information sur l’énergie Oilprice.
- Le parti écologique allemand doit une grande partie de son succès électoral au profil distinct qu’il avait dans les années 1980. Dans le contexte de la guerre froide, les Verts ont alors entamé leur lutte acharnée contre (les risques et les dangers) de l’énergie nucléaire et des armes nucléaires.
- Les derniers réacteurs nucléaires construits chez nos voisins de l’Est datent de 2002. Ensuite, il a été prévu d’éliminer progressivement toutes les centrales allemandes existantes au cours des prochaines décennies.
L’histoire a frappé à la porte
- Toutefois, lorsqu’une coalition composée du parti libéral FDP et du parti conservateur CDU est arrivée au pouvoir en 2010, ce sentiment critique sur le nucléaire s’est inversé. Le gouvernement de centre-droit a prolongé de 14 ans l’utilisation de l’énergie atomique en Allemagne.
- Mais, hélas, l’amour atomique retrouvé de l’Allemagne ne durera pas longtemps : un an plus tard, les fusions de la centrale nucléaire japonaise de Fukushima, provoquées par un tsunami, ont entraîné une détérioration de l’opinion publique sur l’énergie nucléaire.
- Cela a obligé les politiciens de Berlin à réajuster leurs politiques. Ainsi, en mars 2011, le gouvernement de la chancelière de l’époque, Angela Merkel, a décidé d’abandonner progressivement l’utilisation de l’énergie nucléaire d’ici à la fin de 2022 au plus tard.
- Onze ans ont passé, jusqu’à ce que l’histoire frappe à nouveau à la porte : la guerre de la Russie en Ukraine a obligé l’Allemagne, premier consommateur européen de gaz naturel russe, à repenser son approvisionnement énergétique.
« 6 pour cent, ça peut faire beaucoup »
Et maintenant ? Les Allemands, à cause de Vladimir Poutine, doivent maintenant réécrire cette histoire d’adieu à l’énergie nucléaire.
- L’automne dernier, il a donc été décidé que trois réacteurs nucléaires, représentant 6 % de l’approvisionnement en énergie, resteraient en service jusqu’au 15 avril 2023. Elles seront utilisées comme stations de secours en cas de pénurie d’énergie en hiver.
- C’est le chancelier Scholz qui a imposé le compromis – les libéraux voulaient les garder ouvertes plus longtemps, les Verts voulaient en garder seulement deux ouvertes pendant un certain temps – à son gouvernement.
- Et après cette prolongation de la durée de vie, Berlin envisage toujours de maintenir les réacteurs nucléaires en activité plus longtemps. Le public est d’accord.
- « Nous aurons besoin de plus d’énergie électrique à l’avenir. C’est un fait. Et 6 %, c’est beaucoup à manquer s’il n’y a rien de nouveau [pour le remplacer]. Nous perdrions 6 % alors que nous avons vraiment besoin de plus », a fait remarquer M. Scholz au site d’information Deutsche Welle.
- Cependant, beaucoup de choses peuvent se passer en politique d’ici avril, et notamment dans la saga nucléaire allemande. Pendant ce temps, le démantèlement des autres centrales nucléaires allemandes se poursuit.
MB