L’entreprise énergétique d’État d’un des plus grands producteurs de pétrole au monde vise le « zéro carbone » pour 2045 : faut-il y croire ?

Plus c’est gros, plus ça passe, certains diront : Adnoc annonce accélérer sa transition vers la neutralité carbone… Juste avant la COP28 sur le climat, qui se tiendra dans ce pays du Golfe en décembre. Une volonté honnête pour l’un des plus gros producteurs de pétrole de faire mieux, ou un simple écran de fumée ?

Dans l’actu : La société d’État des Émirats arabes unis, Adnoc, spécialisée dans l’énergie, a avancé son objectif de réduction des émissions, révèle le Financial Times.

  • Elle vise désormais à atteindre la neutralité carbone dans ses opérations d’ici à 2045, soit cinq ans plus tôt que prévu, et à éliminer complètement les émissions de méthane d’ici à 2030.
  • Pour ce faire, Adnoc prévoit d’augmenter l’utilisation d’énergie renouvelable dans sa production de pétrole et de gaz, tout en capturant et stockant 5 millions de tonnes d’émissions de carbone par an d’ici à 2030.
  • Pour réaliser ces objectifs, elle avait déjà annoncé l’allocation de 15 milliards de dollars à des initiatives de décarbonation, telles que la capture et le stockage du carbone, l’électrification et l’efficacité énergétique entre 2023 et 2027.
  • Un changement à 180 degrés pour le huitième plus grand producteur de pétrole au monde.

Le contexte : Cette décision intervient alors que les Émirats arabes unis se préparent à accueillir les négociations sur le climat de la COP28 en décembre.

  • Le pays du Golfe fait face à des critiques sur son rôle dans les négociations sur le climat… présidées par le CEO d’Adnoc, Sultan al-Jaber. On pourrait donc se demander dans quelle mesure il s’agit d’une annonce sérieuse ou d’une volonté de faire bonne figure.
  • Sultan al-Jaber a ainsi récemment présenté sa vision pour la COP28, qui prévoit un calendrier “à mi-chemin du siècle” pour la réduction progressive des combustibles fossiles produits sans capture des émissions. « Ces objectifs marquent un nouveau chapitre dans le parcours transformationnel d’Adnoc vers un avenir à faible teneur en carbone », a déclaré l’entreprise.
  • Autre élément en ce sens : Adnoc a publié pour la première fois des détails sur ses émissions de carbone, indiquant que les émissions totales de portée 1 et 2 de sa production de pétrole et de gaz (celles produites par ses propres opérations) étaient d’environ 24 millions de tonnes d’équivalent CO₂ l’année dernière, soit environ 7 kg de CO₂ par baril équivalent pétrole.
    • Ces chiffres sont présentés comme étant parmi « les plus bas au monde », en comparaison notamment avec les émissions de son rival, Saudi Aramco, et de BP.
    • En comparaison, Saudi Aramco émet environ 10 kg de CO₂e/bp, tandis que BP émet environ 15 kg de CO₂e/bp.

« Les émissions annuelles de la Chine »

Le détail : Quelle est l’ambition de la société énergétique d’État ?

  • L’objectif de neutralité carbone d’Adnoc est qualifié de « plus ambitieux » parmi les grandes entreprises pétrolières et gazières étatiques.
  • Cependant, il ne couvre que les émissions de portée 1 et 2, laissant de côté les émissions de portée 3 qui résultent de la combustion des carburants.
    • Or ces émissions de portée 3 représentent la majorité des émissions liées à la consommation de combustibles fossiles. Un peu un coup d’épée dans l’eau, donc…
  • Et pendant ce temps, ses projets d’augmenter la production de pétrole au cours de cette décennie. Adnoc prévoit de produire l’équivalent de plus de 28 milliards de barils de pétrole d’ici à 2050, selon les données de Rystad Energy.
    • Selon une récente analyse de Global Witness, Adnoc produira ainsi du pétrole et du gaz qui, lorsqu’ils seront brûlés pour l’énergie, émettront plus de 11 milliards de tonnes de CO2. Soit presque autant que les émissions annuelles de la Chine.
    • De leur côté, les militants pour le climat estiment que les plans d’Adnoc sont insuffisants et appellent le futur président de la COP à s’engager à réduire la production de nouveaux combustibles fossiles.
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