À quoi joue l’Allemagne ? Berlin pousse l’UE à ouvrir de nouveaux gisements de gaz, « dans le cadre de l’Accord de Paris »

Dans un document lié au sommet des chefs de gouvernement européens qui se tient en ce moment-même à Bruxelles, l’Allemagne fait part de sa volonté de voir l’UE nouer des partenariats pour développer de nouveaux gisements de gaz à l’étranger.

Pourquoi est-ce important ?

Avec l'Accord de Paris de 2015, le monde s'est engagé à limiter le réchauffement climatique à moins de 2 °C au-dessus des niveaux préindustriels et à viser une élévation maximale des températures de l'ordre de 1,5 °C. Depuis le début de l'année, une crise énergétique touche principalement l'Europe, poussant certains pays à prendre des décisions bien peu en accord avec ces objectifs.

Dans l’actualité

  • Selon un document dévoilé par Euractiv, l’Allemagne veut pousser les gouvernements de l’Union européenne et la Commission à « travailler avec les pays qui ont la capacité de développer de nouveaux gisements de gaz« .

  • Cette manœuvre entrerait « dans le cadre des engagements de l’Accord de Paris sur le climat ».

Le détail

  • Cette proposition est incluse dans un document énumérant les commentaires de l’Allemagne sur le projet de conclusions du sommet des chefs de gouvernement européen, qui se tient ces jeudi et vendredi à Bruxelles.

  • A l’heure actuelle, personne ne sait à quelle partie de l’Accord de Paris la demande allemande fait référence.

  • L’an dernier, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a indiqué que pour atteindre le zéro émission nette d’ici 2050 et avoir une chance de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C, il ne pourrait y avoir aucun investissement dédié à l’ouverture de nouveau gisement gazier et – cela va sans dire – pétrolier.

  • Lors de la COP26, il y a moins d’un an, l’Allemagne faisait partie des pays qui s’étaient engagés à « mettre fin à tout nouveau soutien public direct au secteur international de l’énergie fossile sans relâche d’ici la fin de 2022, sauf dans des circonstances limitées et clairement définies qui sont compatibles avec une limite de réchauffement de 1,5 °C et les objectifs de l’Accord de Paris ».

Les réactions

  • Forcément, la fuite de ce document a fait réagir les organisations de défense de l’environnement.

  • « Forer pour plus de gaz renforce la dépendance à long terme de l’Europe vis-à-vis des combustibles fossiles, et les conséquences seront plus de sécheresses, plus d’inondations et des coûts énergétiques plus élevés pour les décennies à venir. Olaf Scholz devrait le savoir, car cela fait à peine un an que le gouvernement allemand a promis de ne pas soutenir l’expansion des combustibles fossiles pour ces mêmes raisons. L’UE devrait réduire le gaspillage d’énergie et accélérer le déploiement des énergies renouvelables, sans renoncer aux engagements climatiques », a commenté Silvia Pastorelli, pour Greenpeace.

  • Un porte-parole du gouvernement allemand n’a pas souhaité en dire davantage, se contentant de renvoyer à une déclaration ultérieure d’Olaf Scholz. Le chancelier avait alors déclaré qu’il fallait travailler avec les pays capables de développer de nouveaux gisements, afin de remplacer le gaz russe manquant. Déjà à ce moment-là, il avait précisé que cela devait être fait « en accord avec nos engagements dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat ».

Et maintenant ?

  • Dans la nuit de jeudi à vendredi, les chefs de gouvernement européens se sont mis d’accord sur un plafonnement des prix du gaz naturel importé. Comme attendu, ils ont opté pour un « corridor de prix dynamique » censé lisser les plus fortes augmentations de prix.

  • L’Allemagne faisait partie des principaux opposants à cette mesure. Elle était surtout contre le plafonnement.

  • Ce « corridor de prix dynamique » comprend bien un plafonnement, mais aussi un plancher. De quoi donner aux producteurs la garantie que le prix final convenu ne tombera pas en dessous d’un certain seuil. En outre, pour rassurer l’Allemagne, une condition a été intégrée : la réglementation européenne des prix ne doit pas compromettre la sécurité de l’approvisionnement.

  • Le diable se cache peut-être dans les détails, mais ceux-ci n’ont pas encore été éliminés. Il appartient maintenant aux ministres de l’Énergie de l’UE d’élaborer un mécanisme viable, dans le cadre de l’accord de principe obtenu. Ceux-ci se réuniront mardi prochain à Luxembourg.

  • Reste à voir si l’Allemagne parviendra, peut-être en contrepartie, à obtenir de ses partenaires l’assurance qu’un pas pourrait être fait en vue de nouer de nouvelles collaborations avec des pays susceptibles d’ouvrir de nouveaux gisements de gaz.

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