En Chine, l’agriculture fait son grand retour : des zones industrielles sont accaparées par l’État pour planter du maïs et du soja. Objectif : l’autosuffisance, alors que Pékin craint de plus en plus les perturbations de l’approvisionnement alimentaire mondial. Il faut dire que parmi ses principaux fournisseurs, on peut compter à la fois les États-Unis, la Russie, et l’Ukraine.
« La Chine doit être capable de nourrir son peuple » : 170.000 hectares de terre accaparés pour la sécurité alimentaire du pays
Pourquoi est-ce important ?
C'est un élément de sa stratégie à long terme qui motive à peu près toutes ses actions à l'internationale : le gouvernement chinois vise l'autonomie, qu'elle soit énergétique, technologique ou alimentaire. Hors de question qu'on puisse faire pression sur l'Empire du Milieu en contrôlant son accès à certaines ressources.Le contexte : dans un monde où l’approvisionnement en ressources stratégiques peut ne plus être assuré du jour au lendemain – on l’a vu récemment avec le pétrole russe et les microprocesseurs taïwanais et japonais – la Chine prend les devants. Depuis 2021, le pays veut garantir sa sécurité alimentaire en ne dépendant plus des importations. Ce sont pas moins de 170.000 nouveaux hectares de terre qui ont été dédiés à l’agriculture.
- Pékin n’hésite d’ailleurs pas à exproprier des entreprises et à raser des commerces pour planter du maïs ou du soja, note le Financial Times. À Chengdu, dans la province du Sichuan, ce sont pas moins de 6.700 hectares qui ont été réquisitionnés, ce qui a entrainé la fermeture de plusieurs entreprises.
- Pékin estime que, pour nourrir sa population en cas de coup dur à l’international – au hasard : face aux États-Unis – il faut mettre en culture un total de 120 millions d’hectares.
« La Chine doit être capable de nourrir son peuple par ses propres moyens. Nous tomberons sous le contrôle d’autres si nous ne pouvons pas maintenir notre bol de riz stable. »
Xi Jinping lors d’un discours sur l’autosuffisance en 2022
De puissance agricole à pays ultra urbanisé en 40 ans
- Or, la Chine est loin d’être autosuffisante, bien au contraire : sa dépendance aux importants de nourriture a fortement augmenté, avec l’urbanisation rapide du pays. La proportion de population rurale est passée de 81 à 37% entre 1981 et 2021, selon la Banque mondiale.
- La crise mondiale du riz qui se profile à l’horizon est sans doute la plus inquiétante à court terme, pour Pékin. L’Inde, première exportatrice mondiale, a annoncé un moratoire sur l’exportation de riz blanc non basmati. La Thaïlande, deuxième sur la liste, doit réduire le volume de ses récoltes pour économiser l’eau en période de sécheresse. De quoi perturber largement le marché alimentaire asiatique.
- La Chine produit 30% de la production mondiale de riz, mais en exporte très peu : seulement 4,5% de sa production. Mais cette culture est très vulnérable aux sécheresses, comme celles qui ont frappé le pays l’année dernière.
- Elle est par contre encore dépendante du soja étranger : la Chine produit 18% de sa consommation, mais en importe encore 26% des USA et 48% du Brésil, détaille le Financial Times.
- Quant au maïs, une autre culture en pleine expansion en Chine, il est encore largement importé aussi. Pékin est le premier acheteur mondial, et en a acheté pour plus de 5 milliards de dollars aux USA seulement. Les autres fournisseurs sont, dans l’ordre, l’Ukraine, la Bulgarie, la Russie, et le Myanmar.
Un approvisionnement plus fragile qu’avant
Est-ce que la Chine risque vraiment la pénurie alimentaire à moyen terme ? Pas vraiment : même en cas de sanctions économiques massives comparables à celles imposées à la Russie, les denrées alimentaires restent intouchables, à l’import ou à l’export. À moins que Pékin n’envisage une véritable confrontation militaire avec les États-Unis sur la question de Taïwan ou des détroits, qui pourrait en effet perturber durablement l’approvisionnement.
On peut aussi noter que parmi ces fournisseurs importants, il y a l’Ukraine et la Russie. Deux pays en guerre l’un contre l’autre, Moscou considérant les récoltes ukrainiennes comme des cibles légitimes, ce qui perturbe déjà l’approvisionnement alimentaire mondial et fait augmenter les prix. Pékin préfère donc planter davantage pour jouer avec deux coups d’avance.