Les majors de la musique discutent avec Google pour obtenir leur part d’un nouveau gâteau : les deepfakes musicaux

Des artistes bien connus qui chantent des morceaux avec lesquels ils n’ont rien à voir : c’était la suite logique du développement des IA génératives capables d’imiter des voix à s’y méprendre. Mais pour les artistes, c’est le sacrilège ultime : on leur prend leur voix. Et pour l’industrie musicale, ça doit être encadré pour pouvoir se rentabiliser.

Pourquoi est-ce important ?

L'IA peut potentiellement tout faire, et c'est bien ce qu'on lui reproche. Car ses talents d'imitation semblent sans limites, ce qui pourrait bien conduire à ce qu'on pourrait qualifier de plus grande opportunité de piratage jamais imaginée. Et celle-ci sera largement autorisée et monétisée par de grandes entreprises. Du moins si l'on ne fait rien.

On a parlé de la grève des scénaristes et d’une partie des acteurs d’Hollywood qui s’inquiètent, entre autres, de l’avenir de leur métier dans un monde où le pitch d’un film peut être généré par un ordinateur, puis le physique du casting scanné pour « jouer » sans sa présence en studio. Mais cette problématique de capitalisation massive de l’IA et des deepfakes n’est pas qu’un futur dystopique, fût-il proche : dans l’industrie musicale, c’est déjà une réalité.

  • Johnny Cash qui chante Barbie Girl – en live à la prison de Folsom bien sûr – ou encore Frank Sinatra qui reprend « Gangsta’s Paradise » illustre le Financial Times. Alors qu’il y a quelques années, on pensait voir les stars du passé ressuscitées sur scène grâce aux hologrammes, voilà que l’IA peut leur faire chanter n’importe quoi.
  • Et ce n’est pas qu’un simple sujet de montages surréalistes : on peut faire dire, donc chanter, n’importe quoi à n’importe qui, y compris des choses que l’artiste n’aurait jamais acceptées. Et ça inquiète l’industrie musicale.
https://www.youtube.com/watch?v=HyfQVZHmArA

Universal Music, la plus grande des trois majors traditionnelles de l’industrie musicale, a d’ailleurs entamé des discussions avec Google à ce sujet, rapporte le quotidien économique.

  • Elles n’en seraient qu’au stade préliminaire, mais elles auraient pour objectif de développer un outil permettant aux fans de créer ces morceaux de manière légitime et de payer les détenteurs des droits d’auteur, selon une source proche du dossier qui s’est confiée au Financial Times. Warner Music serait aussi en train de discuter avec Google d’un système similaire.
  • En outre, les artistes auraient la possibilité de décider de prêter leur œuvre ou non à ce système. On ne sait toutefois pas comment ça s’appliquera aux ayants droit des artistes décédés. Souvent, ce ne sont pas les héritiers qui disposent de la propriété intellectuelle des chansons, mais bien les compagnies de disques.
  • En résumé, l’industrie musicale n’est pas strictement opposée aux deepfakes et autres reprises improbables, à une seule condition : qu’elle puisse contrôler un minimum le processus, et surtout y toucher sa part du gâteau.

‘IA pourrait permettre aux fans de rendre le plus grand hommage à leurs idoles à travers un nouveau niveau de contenu généré par l’utilisateur, y compris de nouvelles reprises et mash-ups. Mais certains [artistes] pourraient ne pas l’apprécier, et c’est totalement compréhensible. »

Robert Kyncl, PDG de Warner Music, dans une note aux investisseurs

Du côté des Big Tech, c’est aussi une nouvelle raison de se faire concurrence : Google et Microsoft sont en guerre pour développer des outils nourris à l’IA, y compris des systèmes capables de générer de la musique à la demande depuis un simple descriptif textuel. Un gadget d’ambiance qui pourrait très facilement se nourrir d’airs existants au mépris des droits d’auteurs. Au grand désespoir des artistes, même s’il n’y a pour l’instant aucun projet de commercialiser ce genre d’application. De là à ce que l’on compose des morceaux sans eux pour y coller leur voix – devenue propriété intellectuelle d’une entreprise – il n’y a qu’un pas. Notre monde trouve toujours de nouvelles méthodes de virer dystopique, même si pour le coup, George Orwell avait aussi prédit, sans trop développer, la génération artificielle de nouvelles musiques et de nouvelles chansons.

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