Jeudi, la ministre française de l’Énergie a vivement critiqué la stratégie anti-nucléaire de l’Allemagne dans le quotidien économique le plus important du pays. La riposte allemande aura été immédiate.
Encore taclée par la France sur le nucléaire, l’Allemagne riposte : « Paris déforme les faits »
Pourquoi est-ce important ?
Depuis de nombreux mois, la France et l'Allemagne s'écharpent autour de questions énergétiques. Chacune prêche pour sa chapelle : tout (ou presque) pour le nucléaire d'une part, rien (ou presque) de l'autre. Forcément, ça fait des étincelles.Dans l’actu : nouvel incident franco-allemand autour de l’atome.
- Dans un entretien accordé au Handelsblatt, Agnès Pannier-Runacher a déclaré que l’Allemagne allait devenir de plus en plus dépendante de l’électricité d’origine nucléaire – qu’elle devra importer depuis la France, notamment.
- Berlin a visiblement très mal pris la remarque : plusieurs responsables contre-attaquent.
Du berger allemand à la bergère française
Attaque : la France critique l’anti-nucléarisme allemand.
- « L’Allemagne risque de dépendre de plus en plus de l’électricité nucléaire de ses voisins ». Un tacle bien appuyé signé Pannier-Runacher sur le terrain de l’Allemagne, le Handelsblatt.
- Cette remarque est liée au fait que l’Allemagne a fermé ses dernières centrales nucléaires en avril dernier et qu’elle est depuis redevenue importatrice nette d’électricité, achetant notamment l’électricité (nucléaire) française.
- « Il y a quelque chose d’incohérent d’importer massivement de l’électricité nucléaire française et en même temps de s’opposer à tout texte et toute législation dans l’Union européenne qui reconnaît la valeur ajoutée de cette forme d’électricité décarbonée », a ajouté la ministre française de l’Énergie.
Contre-attaque : l’Allemagne répond qu’elle aussi a déjà dû secourir la France.
- L’Allemagne a choisi Euractiv pour riposter.
- « Cela déforme les faits », a réagi Ingrid Nestle, porte-parole des Verts (à la tête du ministère concerné via Robert Habeck) sur les affaires énergétiques. « L’Allemagne avait assuré l’approvisionnement de la France l’hiver dernier lorsque de nombreuses centrales nucléaires françaises n’étaient pas disponibles en raison de problèmes de sécurité. »
- C’est exact, l’Allemagne était encore exportatrice il y a peu. Et notamment vers la France, effectivement.
- Il reste toutefois difficile de déterminer si le fait qu’elle soit redevenue importatrice (elle l’a déjà été par le passé) est directement et uniquement lié à la fermeture de ses dernières centrales nucléaires. Ni si cette situation va persister à l’avenir, l’Allemagne déployant les grands moyens pour développer rapidement ses capacités en matière de renouvelable.
- « L’énergie est produite là où elle est la moins chère sur le marché européen de l’électricité. L’Allemagne n’avait pas besoin d’importer de l’électricité. Au lieu de cela, nous avons couvert une partie de notre consommation d’électricité avec des importations simplement parce que c’était moins cher », a complété un porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères, lui aussi chapeauté par une écologiste, Annalena Baerbock.
- Un argument déjà soutenu par par le chef de l’Agence allemande des réseaux avant l’interview de la ministre française : « Cela arrive qu’importer soit moins cher que produire ».
Deux visions diamétralement opposées
Contexte :
- Depuis de nombreux mois, Français et Allemands s’écharpent autour des questions énergétiques. Cela mène à des batailles acharnées au niveau européen – et parfois même à des blocages -, chacun ayant sa propre petite équipe d’alliés derrière lui.
- L’un des points d’orgue de cette querelle a été le blocage opposé en mai par la France à la directive sur les énergies renouvelables. Elle jugeait un point du texte bien trop en défaveur de l’hydrogène d’origine nucléaire, qu’elle compte produire massivement.
- Après de longues semaines de négociations, un compromis a finalement été trouvé à la mi-juin.