La « drinkflation », quand les brasseurs allègent les bières pour payer moins de taxe

Encore une grave attaque contre la British Way of life : les bières traditionnelles, boissons les plus emblématiques outre-Manche après le fameux thé, se voient modifiées suite à la crise économique. Shoking.

Dans l’actualité : c’est un vrai scandale qu’a révélé l’édition de dimanche dernier du Daily Mail, repris depuis par CNN : les consommateurs britanniques se voient trompés sur la qualité d’un de leurs produits favoris, la bière. Les brasseurs diminuent le taux d’alcool de ces dernières, sans pour autant que le prix au détail suive.

  • En Grande-Bretagne, les taxes sur les boissons alcoolisées sont proportionnelles au taux d’alcool que celles-ci contiennent. Un système logique, mais, dans le contexte économique particulièrement désastreux qui frappe le royaume, il crée chez les producteurs la tentation d’alléger un peu leurs produits pour abaisser leurs taxes.
  • Un phénomène que les tabloïds britanniques ont déjà baptisé la « drinkflation » – un mot valise inspiré de la « shrinkflation », quand la quantité d’un produit vendu diminue, mais que le prix reste le même. Car si les bières britanniques sont tout d’un coup plus légères, elles n’en deviennent pas moins chères pour autant.
  • Greene King, l’un des principaux brasseurs et chaînes de pubs du Royaume-Uni, a réduit la teneur en alcool de la Old Speckled Hen pale ale de 5 % à 4,8 %, a déclaré un porte-parole de la firme King à CNN. Le plus ancien brasseur du pays, Shepherd Neame, a quant à lui réduit la teneur en alcool de ses bières Spitfire et Bishops Finger à 4,2 % et 5,2 % respectivement, contre 4,5 % et 5,4 % auparavant, liste encore le média américain. On peut donc parler d’un mouvement de fond dans le monde brassicole d’outre-Manche.

Un allègement des boissons houblonnées qui, pour le Daily Mail, tient de la trahison envers les consommateurs. Le média n’hésite pas à titrer que les brasseurs empochent ainsi des millions de livres plutôt que de répercuter la baisse des prix jusqu’aux ventes au détail pour en faire bénéficier les buveurs du royaume. La réalité est un peu plus nuancée, on s’en doute.

  • Les interlocuteurs de CNN présentent au contraire cette mesure comme une manière de compenser un peu la hausse des coûts, après des années de « pressions inflationnistes sur les matières premières, les coûts d’emballage et les prix de l’énergie. »

« Les brasseurs ont dû faire face à des augmentations de prix croissantes tout au long de la chaîne d’approvisionnement au cours des deux dernières années et, dans la mesure du possible, ils ont absorbé les coûts afin d’éviter que les clients ne paient leur bière plus cher que prévu. »

Emma McClarkin, directrice générale de la British Beer and Pub Association

En outre, la tendance n’est pas aux bières fortes – encore que de Belgique, on n’a pas les mêmes critères pour désigner une boisson ainsi. Les produits plus légers se vendent mieux, soulignent les brasseurs, alors que la société britannique prend petit à petit conscience de l’ampleur de sa consommation d’alcool.

En 2021, les citoyens de Sa Majesté étaient encore surnommés les « champions du monde de la beuverie », avec 94 % des personnes au Royaume-Uni déclarant avoir bu de l’alcool au cours de l’année écoulée, et 5% des personnes de moins de 25 ans assumant que ça les a déjà menées aux urgences. La moyenne de consommation d’alcool pur par habitant et par an est de 12,3 litres, alors que la moyenne européenne de l’époque – tirée donc vers le haut par ce genre de « performance » – était de 10,3 litres.

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