Nouvelles révélations issues des Pentagon leaks : le groupe de mercenaires russes Wagner aurait tenté de se rapprocher d’Haïti, pays des Caraïbes voisin des États-Unis. Il chercherait à se faire engager par le gouvernement pour « régler » la guerre des gangs endémique qui ravage l’île.
Après l’Afrique, Haïti ? Wagner s’internationalise et se rapproche géographiquement des États-Unis
Pourquoi est-ce important ?
Un temps utilisé comme troupe de choc en Ukraine par le gouvernement russe, le groupe Wagner a perdu de sa superbe dans les durs combats pour Bakhmut. Les mercenaires ne sont plus vraiment en odeur de sainteté au Kremlin. Mais leur activité principale continue à se développer : offrir leurs services dans des pays en détresse, et tisser ainsi la sphère d'influence de Moscou.Dans l’actualité : la fuite de documents confidentiels américains, qualifiée tour à tour de « Pentagon leaks » ou de « Discordgate », n’est toujours pas tarie. Entre autres révélations, on apprend que le groupe Wagner s’intéresserait de près à Haïti. Un pays qui se trouve à un peu plus de 1.000 km de Miami, sur la côte des États-Unis.
- Des associés de la société de mercenariat avaient, en février dernier, l’intention de se rendre sur l’île afin de rechercher d’éventuels contrats gouvernementaux qui leur permettraient de lutter contre les gangs locaux, selon des documents analysés par NBC News.
- On ne sait pas si la rencontre a eu lieu, mais, de toute évidence, Wagner cherche à diversifier ses lieux d’activités. Les mercenaires sont principalement actifs dans divers pays africains, au Mali et en Centrafrique en particulier, où ils ont mis leurs armes au service des gouvernements en place.
- En pratique ça ne va pas sans frictions, et les mercenaires sont accusés de s’en prendre très violemment aux populations locales. Tout en combattant d’éventuels rebelles, ils assurent un accès privilégié pour la Russie aux ressources précieuses de ces pays.
Pourquoi Haïti ?
La partie occidentale de la grande île de Saint-Domingue a tout de l’État failli : violence endémique, guerre des gangs, gouvernement impuissant. Le 7 juillet 2021, le président Jovenel Moïse a même été assassiné dans sa résidence privée par un commando armé, et depuis le pouvoir est assuré – si l’on peut dire – en intérim par le gouvernement dirigé par le Premier ministre Ariel Henry.
- C’est déjà du pain bénit pour Wagner ; et à cette situation politique précaire s’ajoutent de nombreuses ressources naturelles, de l’or à la bauxite.
- Autre indice, relevé par le journaliste Colin Gérard et le chercheur en politiques russes Maxime Audinet : la couverture médiatique des actualités haïtiennes par RIA FAN. Il s’agit de la principale façade publique du projet Lakhta, un ensemble médiatique piloté par Evgueni Prigojine, le tristement célèbre ancien détenu/restaurateur/ figure publique de Wagner.
- Celles-ci semblent assez précises pour suggérer un réel intérêt pour le pays, ce qui pourrait traduire une volonté de s’implanter, ou, à tout le moins, de le faire croire. Car si les mercenaires servent le pouvoir russe à l’étranger, c’est aussi le cas de réseaux médiatiques « alternatifs » qui veillent à propager les sirènes du Kremlin dans d’autres pays. On connait Russia Today, mais c’est là une galaxie parmi d’autres.
« Il existe une volonté avérée de Prigojine d’instiller l’idée que ses entités sont omniprésentes aux 4 coins du globe, tant cela fait parler de lui et sert ses intérêts. La production de contenus sur Haïti, même si elle n’est pas massive, pourrait donc en être un énième exemple. »
Colin Gérard, journaliste, sur Twitter