Malgré le récent effort budgétaire de la Vivaldi, le déficit public reste un énorme défi pour la Belgique. Le réduire pourrait à nouveau devenir une réelle obligation si l’Europe se remet à serrer la vis.
Les nouvelles règles de l’UE vont-elles plomber le budget de la prochaine législature ?
Pourquoi est-ce important ?
Les rapports internationaux et nationaux sont multiples et unanimes : notre pays a un problème avec son déficit public et plus largement avec sa dette qui pourrait s'approcher des 120% du PIB en 2028. Or, après les crises sanitaire et énergétique, l'Europe est en passe de remettre à l'ordre du jour les fameux critères de Maastricht, voire à les renforcer.Dans l’actu : un nouveau rapport du Conseil supérieur des finances.
- Ce rapport établit 3 trajectoires pour assainir nos finances publiques, de la moins stricte à la plus sévère, mais aussi de la plus risquée à la moins risquée.
- 3 trajectoires pour atteindre 2 objectifs : ramener le déficit en dessous des 3% et entamer une diminution de la dette publique, comme nous y oblige le Pacte de stabilité européen, après trois années de dérogation.
- Ces 3 trajectoires dépendent du point de départ plus (Comité de monitoring) ou moins (Bureau fédéral du Plan) optimiste, et de la sévérité du prochain programme de stabilité 2023-2026 (nous y reviendrons).
- En résumé, dans le scénario le moins risqué, le prochain gouvernement devrait consentir un effort budgétaire de 2,8% entre 2024 et 2026 pour abaisser le déficit autour des 3% et stabiliser la dette. Selon les scénarios, l’effort budgétaire à consentir se situe entre 10 et 20 milliards d’euros.
Zoom avant : les chiffres actuels et à venir.
- La Vivaldi a mis des semaines pour s’accorder sur un effort budgétaire 0,3% supplémentaire, soit environ 1,8 milliard d’euros. Et encore, le dernier conclave budgétaire a pu être conclu grâce à l’apport inattendu des recettes monstrueuses d’Euroclear, qui a mis sur la table 625 millions d’euros supplémentaires en impôt des sociétés, grâce aux avoirs gelés des Russes. En fait, aucune réelle coupe dans les dépenses ou réformes structurelles n’a été consentie.
- En attendant les hypothétiques réformes des pensions et fiscale, le déficit devrait tourner autour des 4,8% en 2023, soit 27 milliards d’euros, c’est un peu mieux qu’espéré suite à une meilleure conjoncture économique. Mais, à trajectoire inchangée, le déficit devrait s’alourdir entre 5 et 6% dans les prochaines années. La dette devrait, elle, atteindre les 119 % du PIB en 2028, selon le Bureau fédéral du Plan (le CoMo est un tout petit peu plus optimiste).
- La tâche s’annonce donc lourde pour le prochain gouvernement, d’autant si des efforts ne sont pas consentis dès 2024, prévient le Conseil supérieur des finances. Or, 2024 est une année électorale en Belgique. Et tout le monde sait qu’il faut beaucoup de temps pour former une coalition dans notre pays.
Au niveau politique : une salle, deux ambiances.
- Pour régler un déficit, il faut soit augmenter les recettes, soit diminuer les dépenses. La gauche de la Vivaldi, PS en tête, a déjà clairement fait savoir que l’assainissement budgétaire n’était pas une priorité absolue. Paul Magnette a prévenu qu’il ne se laisserait pas « prendre en otage » par les instances européennes, tandis que le secrétaire d’Etat à la Relance, Thomas Dermine, reste un fervent défenseur de la théorie monétaire moderne. Cette dernière voit l’endettement public comme un investissement et non une tare. Cela reste à prouver dans un environnement où les taux d’intérêt ont grimpé en flèche. Quoi qu’il en soit, le socialiste soutient que la transition énergétique et le défi écologique nécessiteront d’énormes moyens et que cela devrait être pris en compte dans l’endettement. Il est soutenu sur ce point par Ecolo.
- Mais de toute manière, le vice-premier Pierre-Yves Dermagne (PS) a récemment soutenu que si un effort budgétaire devait être consenti, il faudrait aller le chercher du côté des recettes, et donc des impôts, notamment sur la fortune.
- À droite, du côté du MR, le président Georges-Louis Bouchez a plusieurs fois indiqué qu’un effort devrait être fait au niveau des dépenses, la Belgique étant l’un des pays de l’UE où le pourcentage de PIB des dépenses publiques est le plus élevé et où la pression fiscale est la plus forte. Oui, mais dans quoi, a répondu Pierre-Yves Dermagne (PS) en défiant son partenaire ? « La santé, la justice ? Qu’on nous le dise… ».
- Le prochain gouvernement héritera peut-être d’une réforme fiscale qui taxera moins le travail et plus la fortune. Mais son initiateur, le ministre des Finances, Vincent Van Peteghem (cd&v), a indiqué dès le départ qu’il s’agissait d’une réforme budgétairement neutre. Il s’agit donc plus d’un tax shift que d’un tax down.
- Enfin, le prochain gouvernement ne pourra pas non plus compter sur un taux d’emploi de 80%, même si les perspectives s’améliorent un peu dans ce domaine. Ce serait pourtant la solution miracle pour rebooster les recettes.
L’essentiel : que va décider l’Europe ?
- Les discussions sont en cours, mais il semble déjà acquis que ce sera le retour de la rigueur budgétaire et des critères de Maastricht (3% de déficit et 60% de dette publique). Le plafond de la dette ne parait plus très réaliste pour un grand nombre de pays européens, mais 3 options sont sur la table.
- Option 1 : Les pays qui affichent un déficit budgétaire supérieur aux 3% actuellement en vigueur devront réduire leur dette excédentaire de 0,5 point de pourcentage par an. Cela doit constituer une « garantie » au cas où les pays dépenseraient trop. Certaines sources parlent du double, avec un effort de 1% par an.
- Option 2 : Il deviendra impossible de reporter la majeure partie de la dette sur les gouvernements suivants. La Commission veut faire respecter ce principe en introduisant une clause de « non-report » (« no backloading » en anglais). Cette clause implique que la plupart des ajustements de dette doivent être effectués au cours des quatre premières années du plan.
- Option 3 : les pays dont la dette dépasse 60% du PIB devraient la réduire dans un délai de quatre ans.
La Commission européenne devrait faire sa proposition législative dans « les semaines à venir ». Au vu des multiples défis budgétaires à venir, nul doute que la pression sera énorme sur le prochain gouvernement.