La France bloque le plan européen de munitions pour l’Ukraine

La France bloque le plan européen de munitions pour l’Ukraine
Le président français Emmanuel Macron. (Ludovic Marin/AFP via Getty Images)

Il y a deux semaines, de nombreux États membres de l’UE ont conclu un accord pour fournir à l’Ukraine des munitions supplémentaires pour son artillerie. Cependant, lors de la réunion des ambassadeurs européens auprès de l’UE mercredi, de fortes divergences d’opinion sont apparues. Surtout entre la France et les autres.

Pourquoi est-ce important ?

Afin de mieux défendre ses positions, et avec une éventuelle offensive en tête, l'Ukraine recherche de toute urgence des munitions supplémentaires pour son artillerie. La pression est mise principalement sur l'Occident, d'où proviennent également la plupart des systèmes d'armes récupérés par les Ukrainiens. Les calibres sont plus ou moins standardisés au sein de l'OTAN. C'est pratique, car cela signifie que les Ukrainiens peuvent utiliser les munitions de différents fabricants.

Deux milliards d’euros

A la une : pas encore d’accord européen sur la fourniture de munitions.

  • Pour intensifier et structurer l’approvisionnement en munitions de l’Ukraine, l’UE a débloqué deux milliards d’euros. Une moitié en guise de compensation pour les États membres de l’UE qui font don de munitions de leurs propres stocks à l’Ukraine. Une autre pour commander auprès de « l’industrie européenne » des obus de 155 mm à envoyer ensuite à l’Ukraine. 
  • Tous les pays s’accordent sur les grandes lignes de l’accord. Dans un premier temps, les réserves de chacun sont censées être examinées afin de voir quelles munitions peuvent encore être données à l’Ukraine. Après, l’UE doit frapper à la porte des fabricants pour leur acheter des munitions. Et c’est là que les problèmes surgissent.
  • « Le gros problème, c’est la définition juridique de ce que ‘l’industrie européenne’ signifie réellement », note un diplomate européen auprès d’Euractiv. De nombreux pays souhaitent que ce concept soit aussi large que possible, afin de récupérer le plus rapidement possible des munitions pour l’Ukraine. Mais certains pays, dont la France, pensent différemment.

La France défend son industrie

Opposition : la France s’efforce de rendre la définition la plus étroite possible. Son raisonnement semble logique : moins la définition du terme « industrie européenne » est large, plus les fabricants français obtiendront de commandes.

  • Mercredi, la quasi-totalité des diplomates autour de la table s’accordaient sur la définition de l’industrie européenne comme étant « les opérateurs économiques établis dans l’Union européenne et en Norvège ». 
    • Le pays scandinave compte en effet un certain nombre de fabricants importants, dont Kongsberg et Nammo, spécifiquement pour les munitions de 155 mm. 
  • Ce rétrécissement du concept semblait bon pour tout le monde sauf pour la France, qui voulait une définition encore plus étroite.
    • Et la France a reçu le soutien de la Grèce et de Chypre. Ces derniers veulent à tout prix éviter que l’industrie turque (la Turquie est un allié de l’OTAN, mais pas membre de l’UE) ne profite de l’argent libéré par l’UE. 
    • La Turquie et la Grèce sont en conflit depuis des années au sujet de certaines îles de la mer Égée, et en particulier autour des champs de pétrole et de gaz environnants. 

Des capacités insuffisantes ?

Dans le même temps : il est très difficile de savoir de quelles sont les capacités de production des fabricants européens. Mais certains craignent qu’elles ne sont pas aussi importantes que ce que de nombreux États espèrent pour pouvoir aider l’Ukraine rapidement.

  • La capacité exacte des usines, et plus encore du nombre de grenades et de balles stockées, est considérée comme confidentielle et est donc rarement divulguée au public. Plusieurs États membres participants exigent donc que la Commission fournisse d’abord un aperçu de ce que les fabricants peuvent fournir avant de signer un accord.
  • Le commissaire européen au marché intérieur Thierry Breton est en tournée depuis plusieurs semaines. Il visite les entreprises de défense de plusieurs États membres. Il devrait pouvoir cartographier la capacité totale doit dès ce mois-ci. Notons qu’il ne fera pas escale en Belgique, aucune entreprise belge ne fabricant les obus de 155 mm recherchés.

À ne pas oublier : le plan comporte une troisième étape.

  • Mercredi, les ambassadeurs en ont également discuté. A plus long terme, l’industrie européenne doit être rendue plus flexible afin de povoir renforcer l’armée des Etats membres. Car nombre d’entre elles n’ont de munitions que pour combattre quelques jours. 

(OD)

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