Les prix des denrées alimentaires ont sensiblement baissé en juillet par rapport au mois précédent, en particulier les coûts du blé et de l’huile végétale, selon les derniers chiffres de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Et c’est une bonne nouvelle, même s’il faut garder en tête que ces prix sont en baisse par rapport à un très haut niveau, et que les prix sur le marché restent élevés. Mais l’organisation internationale appelle à garder la tête froide, car les tensions sur l’approvisionnement alimentaire sont sans doute loin de toucher à leur fin.
« De nombreuses incertitudes subsistent, notamment les prix élevés des engrais qui peuvent avoir un impact sur les perspectives de production et les moyens d’existence des agriculteurs, les perspectives économiques mondiales peu encourageantes et les fluctuations monétaires, autant de facteurs qui posent de sérieuses contraintes à la sécurité alimentaire mondiale », a déclaré Maximo Torero, économiste en chef de la FAO, dans un communiqué de presse.
Du grain américain ou australien
Il n’empêche que les prix ont baissé, contre toute attente : l’indice FAO des prix alimentaires, qui suit l’évolution mensuelle des prix mondiaux d’un panier de produits alimentaires, a baissé de 8,6% en juillet par rapport au mois précédent. En juin, l’indice n’avait baissé que de 2,3% en glissement mensuel.
À court terme, les prix pourraient encore diminuer : les contrats à terme sur le blé, le soja, le sucre et le maïs ont chuté depuis leurs sommets de mars pour revenir aux prix observés au début de 2022. Les contrats sur le blé ont clôturé à 775,75 dollars le boisseau vendredi, en baisse par rapport au record de 1.294 dollars de mars, ce qui marque aussi un retour aux alentours du prix de 758 dollars observé en janvier.
Les raisons en sont nombreuses : la reprise des exportations de céréales par la mer Noire après des mois de blocus en fait bien sûr partie, mais les récoltes s’annoncent bien meilleures que ce qui était prévu aux USA et en Australie, souligne CNBC. Et celles-ci devraient permettre de compenser, au moins en partie, les exportations de grains venus de Russie ou d’Ukraine.
En outre, le ralentissement économique mondial et un dollar fort ont tendance aussi à tirer les prix vers le bas, car les prix des produits de base sont fixés en billets verts, et quand celui-ci monte, les négociants en produits de base ont tendance à revoir leurs commandes à la baisse.
« Il faudrait 30 ou 40 cargaisons par mois »
Mais Rob Vos, spécialiste des marchés à l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires, estime que ça ne sera pas suffisant pour stabiliser les prix, malgré les premières cargaisons de céréales qui ont quitté l’Ukraine la semaine dernière. « Pour faire la différence, il ne suffira pas de faire sortir quelques cargaisons, mais il en faudrait au moins 30 ou 40 par mois pour faire sortir les céréales stockées en Ukraine, ainsi que le produit de la prochaine récolte », estime-t-il. « Pour contribuer à stabiliser les marchés, l’accord devra être maintenu dans son intégralité également au cours du second semestre de l’année, car c’est à cette période que l’Ukraine réalise la plupart de ses exportations. »
La Russie reste en effet un interlocuteur peu sûr : peu de temps après la signature de l’accord, un missile a été tiré sur le port ukrainien d’Odessa. Une raison suffisante pour que les armateurs y réfléchissent à deux fois avant d’envoyer leurs navires faire le plein de céréales en mer Noire.
Un accord qui doit tenir
En outre, la guerre a rendu inexploitable une partie des terres ukrainiennes les plus fertiles, théâtre des combats, minées, ou rendues impropres à l’agriculture par les bombardements, ce qui risque de peser sur les récoltes à venir.
« Ce qui risque de réduire encore la surface des champs cultivés l’année prochaine » prédit rappelle Carlos Mera, responsable de la recherche sur le marché des matières premières agricoles chez Rabobank. « Une fois que ce corridor céréalier sera refermé, nous pourrions assister à des augmentations de prix encore plus importantes à l’avenir. » Or l’impact d’une saison agricole se fait sentir trois à neuf mois plus tard sur les prix des denrées.