La fameuse turbine que doit fournir Siemens à Gazprom est toujours bloquée en Allemagne. Moscou l’utilise comme prétexte pour réduire sa production de gaz vers l’Europe, accusent les dirigeants européens. On affirme pourtant du côté occidental que tout est en règle pour qu’elle parvienne à la Russie.
Il s’agit de la fameuse turbine réparée au Canada, puis acheminée en Allemagne en vue de son transfert vers la Russie. Pour l’heure, cette turbine est toujours bloquée en Allemagne. Moscou affirme que les sanctions économiques occidentales empêchent son arrivée sur le territoire russe. En conséquence, Gazprom a ralenti le flux de Nord Stream 1 à 20% de sa capacité.
L’Allemagne, tout comme la Commission européenne, accuse le Kremlin d’utiliser la turbine comme prétexte pour réduire l’approvisionnement. Il s’agit de son moyen le plus efficace pour maintenir les prix hauts, inquiéter l’Europe et tenter de la diviser.
« Le régime de sanctions de l’UE n’affecte pas les biens et services liés au transport industriel de gaz naturel vers l’UE et Nord Stream 1 ne fait l’objet d’aucune sanction », a indiqué vendredi midi une porte-parole de la Commission européenne, Arianna Podesta. « Il n’y a rien dans les sanctions qui empêche que la turbine aille en Russie. Toute autre affirmation est simplement fausse, ce que dit la Russie est une excuse pour ne pas fournir de gaz à l’UE », a renchéri Eric Mamer, le porte-parole en chef de l’exécutif européen, cité par l’AFP.
1 turbine sur 6
On en entend parler depuis des semaines, sans vraiment comprendre de quoi il retourne. Le patron de Siemens Energy, Christian Bruch, interrogé par CNBC, est venu apporter quelques éclaircissements. « Pourquoi la turbine est-elle nécessaire ? Ce que nous faisons ici est le cours normal du programme de maintenance. Vous avez six turbines installées en Russie, cinq fonctionnent normalement. Et puis vous avez une unité de rechange qui a récemment fait le tour du monde entre le centre de maintenance et celui des opérations – et c’est cette unité que Gazprom attend. »
« Elle se trouve toujours en Allemagne et nous avons préparé tous les documents d’importation nécessaires, mais nous avons évidemment besoin de certaines informations sur l’importation de la part du client russe, ce qui n’a pas encore été fait », a-t-il ajouté.
« Pas de commentaire »
Pour le patron de Siemens, c’est clair, cette seule turbine n’explique pas les problèmes d’approvisionnement. En fait, il n’y a même pas de retard à proprement parler, car cette turbine doit être changée en septembre, selon le planning initial. Christian Bruch dit être quotidiennement en discussion avec Gazprom, mais ne peut apporter plus de précision sur un éventuel délai.
Le problème pourrait-il provenir d’ailleurs ? « Et il y a bien sûr d’autres turbines qui doivent être révisées, mais nous n’avons toujours pas d’annonce majeure concernant une quelconque interruption des opérations. Et c’est pourquoi je ne peux pas rapprocher une raison technique avec l’approvisionnement en gaz ».
« Il pourrait y avoir d’autres raisons – et c’est là que je ne peux pas vraiment faire de commentaires », a-t-il ajouté.
Une arme à double tranchant
Comme nous l’avons déjà écrit, le manque de gaz russe ne devrait pas poser de problème pour les consommateurs européens. En l’état, même avec Nord Stream 1 à 20% de sa capacité, l’Europe devrait passer l’hiver au chaud. Le problème se situe davantage pour l’hiver prochain, avec des stocks qui pourraient être très affaiblis à la fin de l’hiver.
L’autre grande inconnue se situe surtout au niveau de l’industrie allemande qui a besoin du gaz russe, faute de terminaux GNL. « Si la Russie venait à couper le gaz, l’Allemagne sombrerait dans une crise semblable à celle de 2009 », a écrit la semaine dernière la 2e plus grande banque allemande, Commerzbank.
Côté russe, Vladimir pourrait, lui, se tirer une balle dans le pied. Sa production en juillet était au plus pas depuis 2008, un avant-goût de ce qui pourrait arriver une fois que l’Europe aura déserté le marché russe. Pour certains analystes, la Russie doit s’attendre à un contre-choc gazier, comme l’ont connu les monarchies pétrolières après les chocs pétroliers des années 70.