Au mois de mars, malgré le début de la guerre en Ukraine, la coalition au pouvoir en Allemagne avait maintenu le calendrier préalablement fixé: une fermeture des trois dernières centrales nucléaires en activité pour le 31 décembre 2022. Mais ces dernières semaines, la piste d’une prolongation semble de plus en plus envisagée. Ou en tout cas de moins en moins exclue. Et les difficultés éprouvées par le parc nucléaire français n’y seraient pas étrangères.
Si une bonne partie des États membres de l’Union européenne ont des craintes pour l’hiver à venir, l’Allemagne est dans une situation particulièrement délicate. Ultra-dépendante du gaz russe jusqu’à cette année, elle multiplie les efforts depuis plusieurs mois pour trouver des alternatives. Parmi celles-ci, on retrouve la prolongation du nucléaire. Proposition qui s’était jusqu’ici toujours heurtée à la rigidité des Verts (au pouvoir) en la matière, le mouvement antinucléaire étant profondément ancré dans les racines du parti.
Dimanche dernier, Ricarda Lang, co-présidente des Verts, a encore émis ses griefs à l’encontre d’une prolongation des centrales nucléaires allemandes, jugeant l’idée « absolument mauvaise ». Mais d’autres membres de son parti ont tenu un discours différent ces derniers jours. Le vent tournerait-il ?
Test de résistance
A priori, tout va dépendre d’un test de résistance actuellement en cours pour déterminer si l’approvisionnement en électricité de l’Allemagne peut continuer à fonctionner même « dans des conditions aggravées ». Ce test permettra notamment de démontrer si la Bavière, particulièrement dépendante du nucléaire et du gaz, risque d’être soumise à un manque d’approvisionnement en électricité lors du prochain hiver.
Les conclusions de ce test devraient être annoncées d’ici quelques semaines. Aucune décision sur le nucléaire ne devrait être prise avant, selon le porte-parole du chancelier Olaf Scholz. Le gouvernement prendra ensuite sa décision d’une manière « totalement dénuée d’idéologie et en faisant preuve d’ouverture d’esprit », a-t-il ajouté, cité par le Financial Times.
Qu’est-ce que la France a à voir là-dedans ?
De prime abord, la décision du gouvernement allemand dépendra donc d’un test de résistance permettant de jauger les capacités nationales. Mais ce n’est pas tout. L’opération va aussi consister à analyser si la solidarité en matière d’électricité avec les voisins de l’Union européenne sera nécessaire en hiver. Cela concerne surtout la France, dont le parc nucléaire est en souffrance.
Dans la foulée, Franziska Brantner, une membre influente des Verts qui est actuellement secrétaire d’État au ministère de l’Économie, s’est empressée de préciser qu’une éventuelle prolongation du parc nucléaire allemand ne serait pas décidée uniquement afin que Berlin puisse assurer sa solidarité envers Paris.
« Bien sûr, nous sommes solidaires avec nos voisins français. Tous ceux qui me connaissent le savent, mais cela ne veut pas dire que nous allons étendre le nucléaire ici à cause de la situation difficile des centrales nucléaires françaises », a-t-elle indiqué sur Twitter.
De quoi tenter d’éviter de fâcher les Allemands anti-nucléaires qui auraient compris que leur pays prendrait une telle décision non pas dans leur propre intérêt, mais pour aider les Français. Mais également de quoi confirmer une chose: chez les Verts, la prolongation du nucléaire n’est plus aussi taboue qu’il y a quelques semaines, voire quelques jours.
Une centrale sur trois prolongée ?
Une prolongation du nucléaire ne veut toutefois pas dire que les trois centrales allemandes pourraient voir leur durée de vie allongée. Même si c’est ce que les libéraux (coalition) et les chrétiens-démocrates (opposition) demandent. Pour l’instant, la piste la plus probable – en tout cas celle qui semble susceptible d’obtenir le feu vert des Verts – est la prolongation de quelques mois d’une seule d’entre elles. À savoir Isar-2, en Bavière.
Katrin Göring-Eckardt, autre membre des Verts et actuelle présidente du parlement allemand, a d’ailleurs elle-même reconnu que la Bavière avait un « problème spécial » qui pourrait être résolu en permettant à Isar-2 de continuer à fonctionner au-delà de la fin de l’année.