Un euro vaut un dollar : une situation qui n’aura sans doute rien de passager. Et qui aura de fortes conséquences économiques, jusqu’au pouvoir d’achat des ménages.
C’est désormais acté : depuis ce mardi, un euro ne vaut plus qu’un dollar, alors que la monnaie unique européenne avait doublé le billet vert il y a 20 ans. Une situation qui aurait semblé impensable il y a de cela seulement un an, et pour laquelle les causes sont multiples. L’inflation a bien sûr joué un rôle majeur dans cette dépréciation, d’autant plus que la BCE a tardé à réagir en relevant les taux d’intérêt, à l’inverse de la Fed, son équivalente américaine. Avec en plus une guerre aux portes de l’Union, des pénuries énergétiques, et une productivité en baisse, le cocktail dépréciatif était prêt.
Une BCE qui ne parle pas d’une seule voix
Il faut aussi souligner que, contrairement à la banque centrale américaine, la BCE ne parle pas tout à fait d’une seule voix. Il y a des dissensions connues entre les membres du conseil des gouverneurs à propos de l’ampleur et du rythme du resserrement monétaire, entre ceux qui veulent être très prudents et
ceux qui veulent une réponse très forte pour juguler l’inflation, souligne Eric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG School of Management.
Or selon l’analyste, il ne s’agit pas là d’un simple hoquet passager de la monnaie unique européenne, et celle-ci ne va pas reprendre de la distance tout de suite. « Les causes de la dépréciation de l’euro contre le dollar ont une forte probabilité de persister », estime-t-il dans une analyse rédigée ce mardi et envoyée à BusinessAM. « À moins qu’un choc asymétrique affecte par surprise les États-Unis, les fondamentaux vont rester assez longtemps en faveur du dollar et en défaveur de l’euro. » En résumé, tant que le dollar se porte plutôt bien, il n’y a aucune raison que l’euro arrive à le doubler à nouveau.
Tant que le dollar va, l’euro est en berne
Ce petit séisme économique aura en tout cas des conséquences certaines. Elle peut favoriser les exportations de certains pays de l’Union, selon le principe que les acheteurs extraeuropéens auront des sommes moins élevées à payer pour la même quantité d’un produit, ce qui favorise la compétitivité. Mais les importations, elles reviendront à plus cher. « Pour de mêmes prix en dollars de biens et services importés, les prix en euros augmentent. Les biens et services dont le prix est déterminé en dollars sont donc moins attractifs pour des importateurs de la zone euro. Cela peut donc diminuer les importations de tels biens et services par les pays de la zone euro », résume Eric Dor.
Et au final, c’est le pouvoir d’achat qui trinque
Quant aux particuliers, tout en bas des chaines d’approvisionnement, ils vont sentir passer ce glissement économique, prédit l’analyste: « La dépréciation de l’euro contre le dollar ajoute de l’inflation à l’inflation. La dépréciation de l’euro contre le dollar aggrave l’augmentation de l’inflation en zone euro. En effet, la zone euro subit déjà fortement l’augmentation des prix en dollars du pétrole et des matières premières alimentaires, métalliques et autres. Les prix en dollars de toute une série de composantes industrielles en pénurie, ainsi que du fret maritime, augmentent aussi déjà fortement depuis l’année passée. Lorsque ces prix en dollars sont convertis en euro, la hausse est encore supérieure à cause de la dépréciation de la monnaie unique. Les coûts en euros des entreprises européennes augmentent donc très fortement, et elles doivent le répercuter sur leurs prix de vente aux consommateurs. »