Près de deux mois après ses déclarations triomphantes à l’issue du second tour des élections présidentielles, Emmanuel Macron doit déchanter après le premier tour des législatives de ce dimanche. La coalition présidentielle Ensemble ! se retrouve au coude à coude avec la Nupes, large alliance de formations de gauche ou écologistes menée par Jean-Luc Mélenchon, et ce avec une avance de seulement 0,09% selon les chiffres de ce lundi matin.
Affinés et nuancés, les résultats accorderaient la place de tête à la Nupes, selon le quotidien français Le Monde, avec 26,11% contre 25,88%. Quant au Rassemblement national (RN) de Marine Lepen, il totaliserait 18,68% des voix. Ces chiffres peuvent toutefois encore évoluer.
Un président qui n’a pas fait campagne
Des scores trop serrés en tout cas pour que se dégage déjà une majorité, ce qui entraîne donc un second tour, qui aura lieu dimanche prochain, et qui ne s’annonce pas plus prometteur pour un président qui ne s’est pas vraiment donné la peine de faire campagne, comme s’il était certain que se draper dans sa légitimité présidentielle constituait l’ultime argument.
Et cette fois, l’adversaire principal n’est plus la candidate d’extrême droite Marine Lepen, mais un front uni de gauche qui se révèle plus solide qu’attendu, et qui compte bien mettre sur la table tous les reproches possibles et imaginables à la gestion d’Emmanuel Macron depuis 2017. Dans ce contexte, il est bien plus difficile de se présenter comme le seul rempart républicain et à appeler les indécis et les abstentionnistes au vote utile, comme Macron l’a allègrement fait aux présidentielles, en 2017 comme en 2022.
Mauvais perdants
Plus grave encore est la question des consignes de vote dans les circonscriptions où Ensemble a été éliminé dès le premier tour. C’est le cas dans 59 d’entre elles, qui verront donc un duel Nupes – Rassemblement national dimanche prochain. Or, certains candidats malheureux affiliés à Ensemble! refusent ces résultats, comme Jean-Michel Blanquer, ancien ministre de l’Éducation nationale, qui souhaite faire « un recours juridique » contre son adversaire de la Nupes dans sa circonscription du Loiret, l’accusant d’avoir triché sur les règles de campagne en diffusant encore des publications ciblées sur les réseaux à la veille du scrutin.
D’autres encore ont refusé spontanément d’apporter leur soutien à la coalition de gauche au nom du rempart à l’extrême droite. Quant aux candidats qui se retrouvent au second tour face à la gauche, ils n’hésitent parfois pas à reprendre contre elle cette rhétorique du front républicain qui a tant servi à Macron, présentant volontiers Ensemble ! comme la seule alternative à des extrêmes, de droite comme de gauche, mis dos à dos. Et c’est là une très mauvaise stratégie.
Front républicain à géométrie variable
Si Macron se retrouve à nouveau président en 2022, c’est aussi grâce à la mobilisation de l’électorat de gauche qui a, au moins en partie, joué le jeu du barrage républicain contre l’extrême droite que le candidat sortant Macron voulait incarner. Or, voilà qu’au sein de l’aile droite de Ensemble!, on n’hésite pas à utiliser les mêmes arguments contre cette même gauche, qui regroupe bien plus largement que des partis qualifiés « d’extrêmes » malgré il est vrai l’omniprésence de Jean-Luc Mélenchon, le très clivant leader de La France Insoumise.
De là à penser que chez Ensemble !, c’est gagner qui compte plus que de faire barrage au RN, il n’y a qu’un pas, ce qui a contraint la Première ministre Élisabeth Borne – ancienne socialiste – à prendre position en fin de matinée. « Notre proposition c’est aucune voix pour le RN », a-t-elle expliqué. « Et pour la Nupes si on a affaire à un candidat qui ne respecte pas les valeurs républicaines, qui insulte nos policiers, qui demande de ne plus soutenir l’Ukraine, qui veut sortir de l’Europe, alors nous n’allons pas voter pour lui », a poursuivi Mme, Borne qui est arrivée en tête dans sa circonscription, et qui par ces mots vise Mélenchon sans le nommer. »Si on a affaire à un candidat de la Nupes qui respecte les valeurs républicaines, nous le soutiendrons », a-t-elle fait savoir donnant l’exemple notamment du leader communiste, Fabien Roussel, selon Le Monde.
Une prise de position qui donne quand même une certaine latitude aux membres de Ensemble !, alors que certains comme Pap Ndiaye, actuel ministre de l’Enseignement, sont bien plus directs. « Le combat contre l’extrême droite n’est pas un principe à géométrie variable », rappelle l’universitaire.
La ligne du « cas par cas »
Un mot d’ordre qui ne semble pas tout à fait faire l’unanimité au sein de la coalition du président, où certains voient Nupes comme un danger au moins aussi grand que le RN pour les institutions démocratiques françaises, signale le diplomate français Nicolas Chapuis dans un feed sur le site du Monde : « C’est la position d’une partie d’Ensemble ! […]. Une grande partie de la droite est également sur cette ligne et appelle depuis des années à tirer un trait d’égalité entre tous les extrêmes. Ce n’est pas la ligne d’une partie de la coalition présidentielle et de la gauche. Et encore faut-il se mettre d’accord sur les personnalités que l’on range à l’extrême gauche. Dans sa classification des partis politiques, Le Monde ne range pas la Nupes à l’extrême gauche. Élisabeth Borne semble, elle, vouloir procéder à un tri au sein des candidats Nupes. C’est la ligne du « cas par cas ». »
Comment vont réagir à cette rhétorique les plus de 50% de Français qui n’ont pas daigné voter ? Réponse dimanche prochain.