Une nouvelle victime d’agression sexuelle au sein de l’un des métavers de Meta est à déplorer. Un nouveau cas qui pourrait bien porter préjudice à l’entreprise de Mark Zuckerberg, ainsi qu’à son projet de développer un monde virtuel révolutionnaire.
À travers un rapport, le groupe de défense à but non lucratif SumOfUs relate la rencontre violente d’une chercheuse au sein du monde virtuel Horizon World de Meta. Selon ses dires, son avatar aurait été victime d’une agression sexuelle – d’un viol pour être plus précis. Et si les faits relatés se sont produits en dehors de la réalité, dans un univers virtuel, la chercheuse en est ressortie « désorientée ».
Une expérience réaliste qui brouille les frontières pour le meilleur et pour le pire
Ce n’est pas la première fois que des explorateurs de métavers rapportent avoir été victimes d’agressions physiques ou sexuelles, de même que verbales. Meta a d’ailleurs été pointé du doigt pour cela. Critique à laquelle l’entreprise de Mark Zuckerberg avait réagi en mettant en place une protection pour les joueurs : les avatars ne peuvent s’approcher à moins d’un mètre des autres.
Le groupe de défense détaille ainsi l’expérience vécue par la chercheuse. Cette dernière se trouvait dans une fête privée sur Horizon World, une plateforme de réseautage social virtuelle, avec plusieurs autres participants. Certains d’entre eux lui ont alors demandé de désactiver le paramètre les bloquant à une certaine distance, puis se sont rapprochés de son avatar en se passant une bouteille (virtuelle) de ce qui semble être de l’alcool – comme le suggère une vidéo de l’incident –, tout en faisant des commentaires obscènes.
Après quoi, l’avatar de la chercheuse « a été conduit dans une pièce privée lors d’une fête, où elle a été violée par un utilisateur qui n’arrêtait pas de lui dire de se retourner pour qu’il puisse le faire par derrière, alors que les utilisateurs à l’extérieur de la fenêtre pouvaient voir – tout cela pendant qu’un autre utilisateur dans la pièce regardait et faisait passer une bouteille de vodka », indique le rapport « Metaverse : another cesspool of toxic content », consulté par Business Insider.
Bien que ces agissements se soient passés dans un monde virtuel, la chercheuse s’est dite « désorientée » par ce qu’il s’était passé. Le fait est que sa manette réagissait à ce que son avatar subissait, entrainant une sensation physique chez la chercheuse.
« Une partie de mon cerveau s’est dit : ‘Qu’est-ce qui se passe ?’, une autre partie s’est dit : ‘Ce n’est pas un vrai corps’, et une autre partie s’est dit : ‘C’est une recherche importante’ « , a-t-elle déclaré dans le rapport.
D’autres chercheurs du groupe de défense à but non lucratif ont rapporté avoir été agressés sexuellement ou harcelés, d’autres d’avoir été victimes d’insultes homophobes et raciales au sein d’Horizon World ou d’autres plateformes de Meta VR. Ils ont également été témoins de violences armées.
Des protections insuffisantes
Ces cas ne sont malheureusement pas les premiers et Meta est au courant que ce type d’abus ont lieu sur ses plateformes. Plusieurs d’entre eux lui ont en effet été reportés. En novembre d’ailleurs, suite au récit d’attouchement à l’encontre de l’avatar d’une bêta-testeuse, une responsable de l’entreprise de Mark Zuckerberg, Kristina Milian, avait indiqué au MIT Technology Review que les utilisateurs devaient avoir « une expérience positive avec des outils de sécurité faciles à trouver – et que ce n’est jamais la faute d’un utilisateur s’il n’utilise pas toutes les fonctionnalités que nous proposons ». « Nous continuerons à améliorer notre interface utilisateur et à mieux comprendre comment les gens utilisent nos outils, afin que les utilisateurs soient en mesure de signaler les choses facilement et de manière fiable », avait-elle ajouté. Une promesse qui ne semble toujours pas avoir porté ses fruits.
« Désactiver la fonction de sécurité avec les personnes que vous ne connaissez pas » n’est pas recommandé, a déclaré un représentant de Meta au Daily Mail, en réponse au récit relaté dans le rapport de SumOfUs.
Un impact psychologique
Les récits similaires à celui de la chercheuse de SumOfUs ne manquent pas, de même que d’autres abus plus dérangeants et révoltants les uns que les autres, car bien que tout se passe dans un univers virtuel, l’impact psychologique sur les victimes est bien réel. Assister à des agressions sexuelles sur son avatar – un personnage virtuel censé nous représenter ou non, mais que l’on incarne tout simplement – peut être vécu comme une expérience réelle dans une certaine mesure, en raison de la proximité avec celui-ci, mais aussi du sentiment d’immersion générée par la réalité virtuelle.
Qui n’a jamais été mal à l’aise par des scènes de viols réalistes dans des films ? Ici, c’est un peu la même chose, mais en pire puisque les victimes sont « actives », elles incarnent un personnage qu’elles contrôlent.
Améliorer la protection des utilisateurs, une nécessité pour Meta
Or, la multiplication des cas d’abus au sein des plateformes de réalité virtuelle de Meta commence à prendre de l’ampleur et à inquiéter ses investisseurs.
Fin 2021, les investisseurs Arjuna Capital et Storebrand Asset Management ont en effet exprimé leurs inquiétudes à ce sujet et d’autres pourraient suivre. Ils ont d’ailleurs déposé une motion demandant à Meta de publier un rapport examinant les préjudices auxquels pouvaient être confrontés les utilisateurs sur ses plateformes de métavers.
« Les investisseurs doivent comprendre la portée de ces préjudices potentiels et se prononcer sur la pertinence de cette idée avant de jeter de l’argent par les fenêtres », a déclaré Natasha Lamb, associée directrice d’Arjuna Capital, dans un communiqué.
Car, outre les questions morales, la prolifération de récits d’abus et de harcèlement est une mauvaise publicité pour les plateformes VR de Meta et pourrait nuire à son projet de développer un métavers de plus grande ampleur dans les années à venir, mais aussi à ses investisseurs. Rappelons que l’entreprise de Mark Zuckerberg a misé son avenir sur son projet, allant jusqu’à changer son nom.
Une proposition a été récemment soumise à Meta afin d’évaluer les « préjudices psychologiques et civils et des droits de l’homme potentiels pour les utilisateurs qui peuvent être causés par l’utilisation et l’abus de la plateforme » et « si les préjudices peuvent être atténués ou évités ou sont des risques inévitables inhérents à la technologie », mais cette dernière a été rejetée.
Et le commentaire du président des affaires mondiales de Meta Platforms, Nick Clegg, ne laisse pas beaucoup d’espoir pour un mieux.
« Dans le monde physique, ainsi que sur internet, les gens crient et jurent et font toutes sortes de choses désagréables qui ne sont pas interdites par la loi, et ils harcèlent et attaquent les gens d’une manière qui l’est. Le métavers ne sera pas différent. Les personnes qui veulent abuser des technologies trouveront toujours des moyens de le faire », a-t-il indiqué dans un post.