La plateforme digitale d’échange d’actions Robinhood, mal en point, lance un programme de prêt d’actions. Le prêt d’une action est nécessaire pour la pratique du short-selling, la spéculation sur la baisse du cours d’une action. Auparavant, la plateforme a été le théâtre d’une vague de boursicoteurs voulant prendre d’assaut Wall Street.
Robinhood est à la recherche de sources de revenus. La plateforme d’échange d’actions pour investisseurs particuliers s’était fait un nom avec la vague de boursicoteurs venus Reddit, qui avaient fait gonfler les cours des actions « mème » comme Gamestop et AMC au début de l’année 2021. Voulant surfer sur cette vague, la plateforme Robinhood (créé en 2013 et pour qui les affaires allaient bien jusqu’après cette vague) s’est alors lancée en bourse, fin juillet 2021, mais la sauce n’a jamais vraiment pris.
Cette vague des investissements amateurs, suscitée en partie par l’ennui des confinements, avait créé un fort engouement pour la plateforme, mais depuis, les revenus et les utilisateurs sont en baisse. Au premier trimestre 2022, elle comptait 15,9 millions d’utilisateurs, contre 17,7 il y a un an et 17,3 au quatrième trimestre 2021. Les revenus, constitués à 75% des commissions sur les échanges d’actions, sont en baisse 48% par rapport à il y a un an, rapporte CNN Business.
La plateforme essaie donc de se diversifier. Elle a récemment étendu les heures de négociation et même proposé des portefeuilles crypto. Maintenant, elle annonce un programme de prêt d’actions – un business florissant, ayant rapporté près 830 millions de dollars, à échelle mondiale, en avril 2022, soit 20% de plus qu’il y a un an, selon les données de DataLend. Pour les détenteurs des actions, il s’agit d’une source de revenu passif, comme un loyer, mais ils perdent le droit de vote à l’assemblée générale et le droit de récolter les dividendes.
Ce programme est curieux, car les prêts d’actions sont nécessaires à ce qu’on appelle le short-selling : une pratique que tous ces boursicoteurs derrière les actions mème avaient voué de combattre.
Le short-selling et ses risques
Le short-selling consiste à louer une action, la vendre, spéculer sur sa chute, et la racheter au prix bas avant de la rendre à son propriétaire. Or, le marché boursier est actuellement dans une période baissière forte, depuis les hausses des taux d’intérêt de la Fed la semaine dernière. Cette période peut donc attirer les short-sellers, qui vont voir moins de risques à la pratique vu que le marché est déjà en baisse. La pratique poussera ainsi les taux à baisser encore davantage. De plus, la plateforme est réputée pour attirer des investisseurs amateurs, qui pourraient y voir une aubaine pour faire de l’argent facilement.
Mais ce n’est pas toujours si simple : le pari peut ne pas marcher, et l’action peut repartir à la hausse. Si les adeptes de cette pratique perdent l’intérêt de l’action, elle reçoit normalement un coup de pouce supplémentaire (appelé short squeeze). Mais en fin de compte, l’action (ou les centaines ou milliers d’actions) devra néanmoins être retournée au propriétaire.
D’autres risques sont la perte des actions, notamment si un important short squeeze a lieu. La société pourrait être incapable de retourner les actions aux propriétaires ou de les dédommager. « Il existe un risque que Robinhood Securities manque à ses obligations envers vous dans le cadre du programme de prêt de titres et ne parvienne pas à restituer les titres qu’elle a empruntés. Si Robinhood Securities fait défaut et n’est pas en mesure de restituer les titres prêtés, vous ne serez pas en mesure de négocier ces titres comme d’habitude », admet même Steve Quirk, responsable du courtage auprès de Robinhood, cité par CNN.
En termes de garanties, Robinhood indique tout de même que « les actions participantes sont couvertes par une garantie en espèces auprès d’une banque tierce pour une protection supplémentaire », mais sans indiquer la banque ni le montant. Une autre garantie mise en place est que le programme des prêts reste réservé à des investisseurs ayant déjà fait leurs preuves, c’est-à-dire qui ont plus de 5.000 dollars sur leur portefeuille et qui ont déjà gagné plus de 25.000 dollars dans les échanges. A voir si cette barrière est assez haute pour garder les short-sellers (et une vague potentielle, comme celle des boursicoteurs de Reddit, venue de nulle part) à distance.