Suite au discours d’Ursula von der Leyen ce mercredi, la Commission a proposé une nouvelle salve de sanctions – la 6e – à l’encontre de Moscou. La sanction la plus importante concerne le boycott du pétrole brut russe dans les six mois et de tous les produits pétroliers d’ici la fin de l’année. Mais pour la Hongrie, en l’état, cette formule n’est pas possible.
Il fallait s’y attendre. Ce n’est pas tant que la Hongrie joue un double jeu qui protègerait indirectement le Kremlin, avec lequel, on le sait, le président Viktor Orban entretient des liens amicaux. Non, la Hongrie craint vraiment pour sa sécurité d’approvisionnement.
Car comme la Slovaquie, la Hongrie est une terre enclavée dont le pétrole dépend à 100% de la Russie. Les deux pays ne sont reliés à aucun oléoduc européen, mais à un oléoduc russe.
« 3 à 5 ans », au mieux
La Commission avait anticipé cette problématique en proposant des exemptions pour ces deux pays, qui pouvaient continuer à s’approvisionner jusqu’en 2024 en Russie. Mais pour Zoltan Kovacs, le porte-parole du gouvernement de Viktor Orban, cette proposition, dans sa forme actuelle, « détruirait complètement la sécurité d’approvisionnement de la Hongrie ». Budapest entrevoit au mieux « une période de transition de 3 à 5 ans », ce qui repousserait le boycott effectif à 2027.
La Hongrie joue le mauvais rôle ici. Mais d’autres pays d’Europe de l’Est sont très inquiets également. La Slovaquie bien sûr, mais aussi la République tchèque et la Bulgarie qui veulent que l’accord garantisse noir sur blanc une solidarité européenne à toute épreuve au niveau de l’approvisionnement.
« L’essence même de la prise de décision en Europe est le consensus », a déclaré Kovacs. « Nous avons dit à Bruxelles et à tous les États européens, qu’au nom de la Hongrie, il est tout simplement impossible de faire ce qu’ils demandent. »
Dépendance inégale
C’est que la dépendance de l’Europe sur le pétrole russe est très inégale sur le continent. Sur papier, en 2021, la Russie a exporté 30% des besoins européens en pétrole brut et 15% des produits pétroliers. La dépendance va de 30% pour la Belgique contre 75 à 100% pour la Slovaquie, la Hongrie, la Bulgarie, mais aussi la Finlande. La Pologne et la République tchèque sont dans une situation intermédiaire.
Rappelons que chaque jour, la vente de ce pétrole rapporte 700 millions de dollars aux caisses de la Russie. Avec la hausse des prix, la Russie devrait percevoir environ 180 milliards de dollars de recettes fiscales cette année, en hausse de 45% par rapport à 2021. Cette guerre lui profite à moyen terme. Si le gaz est un pas trop loin, l’UE est bien décidée à se passer du pétrole russe après le charbon, dont l’embargo sera pleinement effectif en août. 45% du charbon consommé dans l’UE provenait de Russie, ce n’est pas rien.
Les prix
Ursula von der Leyen est consciente que « ce ne sera pas simple », mais veut montrer que la Russie payera sa guerre « au prix fort ». L’embargo sur le pétrole russe fera forcément augmenter les prix, mais l’Europe veut profiter des 6 mois qui arrivent pour réorganiser son approvisionnement.
Avec l’embargo, la Russie, qui ne dispose pas assez de capacités de stockage devra forcément réduire son offre, qui était de 3 millions de barils par jour ce mois-ci. L’Agence internationale de l’énergie s’attend à une baisse de production de 1,5 million par jour, les alternatives à court terme pour rediriger son pétrole – en Chine et en Inde – n’étant pas si simples à mettre en place.
Sur les marchés, le pétrole de brent a augmenté légèrement à 110 dollars, tandis que le WTI est à 108 dollars, ce n’est donc pas l’explosion. Mais les prix du pétrole ont déjà augmenté de 40% depuis le début de l’année, alors que le pétrole était déjà dans une phase ascendante suite à la reprise post-covid.