Surprise: le président de la Croatie, membre de l’Alliance, veut bloquer l’entrée de la Suède et de la Finlande dans l’OTAN

Alors que l’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’OTAN semblait devenir une formalité, le président croate entre dans la danse. Y voyant une « aventure dangereuse », il émet une condition pour ne pas bloquer la procédure: un changement de loi électorale en… Bosnie-Herzégovine. De quoi provoquer pas mal de remous.

Plus les semaines avancent, moins il y a de doutes. La Finlande et la Suède vont très bientôt demander leur adhésion à l’OTAN, la guerre en Ukraine ayant démultiplié leurs craintes vis-à-vis de la Russie et leur besoin de s’assurer un lourd soutien militaire si le pire venait à se produire. A priori, cette procédure ne devait se heurter à aucun gros obstacle, les grandes puissances otaniennes ayant toutes déjà annoncé que les deux pays scandinaves étaient les bienvenus dans l’Alliance.

Mais voilà qu’un pays vient tenter de mettre un grain de sable dans l’engrenage. Ou plutôt une personne. Car ce n’est pas l’ensemble des autorités croates qui y trouvent à redire dans ce dossier, mais bien le président, Zoran Milanovic.

« Aventure très dangereuse »

Ce mardi, rapporte Euractiv, Milanovic a indiqué que le parlement croate « ne devait pas ratifier l’adhésion de quiconque à l’OTAN » tant que la Bosnie-Herzégovine n’avait pas modifié sa loi électorale. Pour lui, la probable future entrée de la Suède et de la Finlande dans l’Alliance est une « aventure très dangereuse« , « un charlatanisme très dangereux ».

« En ce qui me concerne, laissez-les rejoindre l’OTAN… Mais tant que la question de la loi électorale en Bosnie-Herzégovine ne sera pas résolue, tant que les Américains, les Anglais, les Allemands, s’ils le peuvent et le veulent, ne forceront pas [les responsables bosniaques] à modifier la loi électorale dans les six prochains mois et à donner aux Croates leurs droits fondamentaux, le Sabor (le Parlement croate, ndlr) ne doit ratifier l’adhésion de personne à l’OTAN », a-t-il déclaré à la presse croate.

Nous demandons seulement que la Finlande et la Suède « disent aux Américains de résoudre ce problème », a ajouté Milanovic. « Pour moi, c’est un intérêt national vital de l’État, de la nation et du peuple croates, que la BiH soit un État qui fonctionne. »

Le président croate s’est aussi étonné du fait que la Finlande puisse rejoindre l’OTAN « du jour au lendemain », là où la Bulgarie et la Roumanie ne peuvent pas rejoindre Schengen, la Macédoine du Nord et l’Albanie ne peuvent pas entamer les négociations d’adhésion à l’UE et le Kosovo n’a pas été reconnu, . « Nous sommes dans une situation terrible », a-t-il résumé.

« Si c’est un dur, qu’il aille le dire lui-même à Biden »

Milanovic a assuré avoir soulevé cette question avec ses homologues français et allemands, mais a indiqué que le Premier ministre croate, Andrej Plenkovic, en raison de sa fonction, avait beaucoup plus de marge de manœuvre pour cela. « Mais il néglige cela consciemment et lâchement », a-t-il déclaré.

Des déclarations qui ont suscité l’ire du Premier ministre. « Qu’il bloque [la procédure] immédiatement, en tant que personne qui siège aux sommets de l’OTAN, pourquoi transfère-t-il cela au Parlement ? », s’est interrogé Plenkovic, avant d’ajouter que si le président était un « dur », il devrait aller bloquer lui-même l’adhésion de la Suède et de la Finlande devant Joe Biden.

Sur le fond du dossier, les deux hommes sont pourtant d’accord. Plenkovic souhaite lui aussi une réforme électorale en Bosnie-Herzégovine (BiH). Les deux hommes souhaitent que les Croates de BiH voient leur poids électoral renforcé afin que ce soit le candidat qu’ils soutiennent majoritairement les représente effectivement dans la présidence tripartite (bosniaque, croate et serbe) du pays. Ainsi, le plus grand parti croate en Bosnie (HDZ), qui appartient à la coalition actuellement à la tête de la Croatie, ne reconnaît pas l’actuel représentant croate à la présidence de la BiH, estimant qu’il a été élu essentiellement grâce aux votes des Bosniaques.

Mais, vous l’aurez compris, si le président croate est prêt à mettre ce dossier dans la balance pour empêcher la Suède et la Finlande d’intégrer l’OTAN, le Premier ministre ne veut pas aller jusque-là.

La Finlande vient aux nouvelles

Face aux déclarations pour le moins perturbantes de la part du président croate, le ministre finlandais des Affaires étrangères, Pekka Haavisto, a contacté son homologue croate, Gordan Grlic-Radman. Et visiblement, ce dernier s’est aligné sur la position de son Premier ministre, rassurant Helsinki.

Si la Finlande décide de demander son adhésion à l’OTAN, le gouvernement et le parlement croates y seront favorables. Peu importe l’évolution du dossier bosnien, a-t-il promis.

Notons que si les propos de Milanovic ont pu surprendre, certains experts indiquent qu’il fallait s’y attendre, tous les moyens étant bons, pour certains, pour tenter de faire avancer des dossiers sur lesquels ils ne parviennent pas à obtenir leur dû. Et celui de la loi électorale en Bosnie-Herzégovine – et plus globalement de l’accroissement des tensions dans les Balkans – est particulièrement inflammable.

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