Larry Fink est à la tête du plus grand gestionnaire d’actifs au monde. BlackRock jongle en effet avec quelque 10.000 milliards de dollars. L’ordre mondial qui était en place depuis la fin de la guerre froide est en train d’être bouleversé, selon lui.
Le PDG de BlackRock a le ton grave dans sa traditionnelle lettre aux actionnaires, qu’a pu lire CNBC: « L’invasion russe de l’Ukraine a mis fin à la mondialisation que nous avons connue au cours des trois dernières décennies ».
À la fin de la guerre froide, explique Larry Fink, dans son courrier, l’ex-URSS a été accueillie dans le système financier international pour lui donner accès aux marchés et aux capitaux du monde entier. Cela a engrangé une expansion de la mondialisation et a augmenté la croissance économique de la Russie.
Mais depuis l’invasion russe, les choses ont changé. Des sanctions sans précédent ont touché une grande puissance. Les États-Unis et l’Europe ont coupé la Russie des marchés, seuls les échanges de ses ressources fossiles subsistent encore pour l’Europe.
Larry Fink ne connait pas l’issue du conflit, mais il pense qu’il « a laissé de nombreuses communautés et personnes se sentir isolées et se tourner vers l’intérieur. Je pense que cela a exacerbé la polarisation et les comportements extrémistes que nous observons dans toute la société aujourd’hui. »
BlackRock a profité de la mondialisation
Le gestionnaire d’actifs participe à la guerre économique de l’Occident contre la Russie, au contraire de beaucoup d’entreprises françaises. BlackRock a pris des mesures pour suspendre l’achat de tout titre russe dans ses portefeuilles d’actifs ou indiciels.
« Au cours des dernières semaines, j’ai parlé à d’innombrables parties prenantes, y compris nos clients et nos employés, qui cherchent tous à comprendre ce qui pourrait être fait pour empêcher le déploiement de capitaux en Russie », a déclaré M. Fink.
La fin de la guerre froide, c’est la période à laquelle a été créé BlackRock justement. Et Larry Fink ne s’en cache pas: le gestionnaire d’actifs a bien profité de la mondialisation et de la croissance des marchés des capitaux. « Je reste un partisan à long terme des avantages de la mondialisation et de la puissance des marchés de capitaux mondiaux. L’accès aux capitaux mondiaux permet aux entreprises de financer leur croissance, aux pays d’accroître leur développement économique et à un plus grand nombre de personnes de connaître le bien-être financier. »
Un nouvel ordre mondial ?
En parlant de fin de la mondialisation, Larry ne surestime-t-il pas la puissance économique russe, qui a un PIB équivalent à l’Espagne pour une population près de quatre fois supérieure ?
Il faut sans doute voir au-delà de la Russie. La Chine continue de soutenir discrètement son allié russe, même si sa marge de manoeuvre est limitée. La Russie a aussi pu trouver une épaule avec l’Inde, deux pays qui dépassent le milliard d’habitants donc.
Plutôt que de fin de la mondialisation, certains parlent d’un « nouvel ordre mondial » sur le plan monétaire. Le « roi dollar » qui domine outrageusement les échanges internationaux est de plus en plus remis en cause. De par l’inflation, mais aussi de par les sanctions à répétition qui visent 1 pays sur 10 autour du globe, le dollar suscite de plus en plus de rejet comme devise mondiale. Les récentes discussions entre l’Arabie saoudite et la Chine pour vendre du pétrole en yuans sont un exemple parmi d’autres.
On a déjà annoncé la fin de la mondialisation. C’était en pleine pandémie. Et il est vrai que la crise sanitaire a provoqué chez certains pays des réflexes protectionnistes, l’Europe choisissant par exemple de rapatrier certaines industries, c’est en tout cas dans ses intentions. Mais comme pour les émissions de CO2, 2021 a marqué le retour en force du capitalisme mondial, business as usual. À voir si à la fin du conflit ukrainien, la Russie pourra réintégrer les marchés financiers, comme si de rien n’était.