Les Verts feront-ils de la sortie du nucléaire une question gouvernementale ? Ce matin, du côté d’Ecolo, on tente de désamorcer la crise politique. La sortie du nucléaire doit être tranchée sur base technique, explique Jean-Marc Nollet, le co-président d’Ecolo, sur Bel RTL. Il rejoint par là l’approche du Premier ministre et de la ministre de l’Énergie Tinne Van Der Straeten (Groen). Mais dans le fond, les écologistes sont assez confiants pour faire passer le dossier.
Dans l’actu : les écologistes font désormais tout leur possible pour dépolitiser le débat sur le nucléaire.
- Ce matin sur Bel RTL, Jean-Marc Nollet reste persuadé que la sortie du nucléaire reste la bonne décision. « La situation n’est pas fort différente du moment où l’accord de gouvernement a été négocié », explique-t-il, mettant en avant le fait que la Belgique dépend bien plus de l’uranium russe ou de son pétrole (30% des importations) que de son gaz (6% du volume consommé en Belgique).
- Pour lui, le dossier doit être réglé sur le plan technique et attend le rapport d’Elia. « Si Elia dit qu’il n’y a pas de problèmes, on ira vers le plan A (la sortie du nucléaire). Si Elia dit qu’il y a un problème, on ira vers le plan B (la prolongation de deux réacteurs). La méthode de travail est claire et on se basera sur des faits »
- Le co-président d’Ecolo est confiant pour le plan A :
- Rappelons que lors de l’accord du 23 décembre, si le MR a pu obtenir que le dossier soit définitivement tranché le 18 mars, les rapports étaient à l’époque plutôt favorables au plan A. Cétait le cas d’une étude de l’université de Gand qui prévoyait un impact très limité de la sortie du nucléaire sur les prix. D’autre part, fin décembre, un deuxième rapport estimait que les capacités pour compenser la sortie du nucléaire étaient suffisantes.
- Il restait une incertitude concernant la centrale au gaz de Vilvorde qui peut ne pas obtenir de permis de la Flandre. Mais même en cas d’échec, le gouvernement se retournerait vers les déçus de la première enchère, en leur donnant une seconde chance, expliquait la ministre de l’Energie Tinne Van der Straeten.
- En janvier, toutefois, un rapport de l’Agence fédérale du nucléaire (AFCN) expliquait qu’une prolongation du parc nucléaire n’était pas impossible, comme le faisait croire Engie, moyennant toutefois une préparation orchestrée qui devait s’enclencher dès la décision du 18 mars.
- Par la suite, une étude de l’université d’Anvers a mis en garde contre le risque de blackouts et de montée des prix. Le MR en a profité pour relancer une énième fois le débat. Mais qui vient remettre en cause cette étude « trop brève » des trois chercheurs de l’UAntwerp ? Elia, le même qui doit rendre son rapport le 18 mars et trancher la décision.
- De son côté, la ministre de l’Énergie, en charge du dossier, a elle aussi voulu en faire une question technique à la Chambre ce jeudi: « Nous déciderons le 18 mars. Nous ne le ferons pas sur la base d’une publicité Facebook ou d’une intuition. Nous le ferons sur la base de chiffres précis, de rapports et d’études indépendants. C’est le professionnalisme que les citoyens et les entreprises attendent et c’est ce qu’ils obtiendront de moi. »
- La ministre en profite toutefois pour expliquer que la hausse des prix de l’énergie n’a pas entendu la sortie du nucléaire: « L’héritage auquel nous sommes confrontés après 20 ans d’immobilisme collectif est particulièrement douloureux. Nous avons les factures les plus élevées d’Europe. »
- Pour la ministre, le gouvernement a fait tout ce qu’il fallait et dans l’ordre: « Nous avons mis en place un mécanisme d’investissement. Nous étions à l’heure. Aujourd’hui, des dizaines d’entreprises sont prêtes à investir dans la transition énergétique. Cela signifie des emplois, la sécurité et des factures abordables. »
- Hier, le Premier ministre, qui ne s’est pas rendu à la Chambre suite à des obligations européennes, avait lui aussi plaidé pour dépolitiser le dossier sur Radio 1 : « À mon avis, il s’agit vraiment d’une discussion factuelle, où il faut regarder les analyses techniques. J’ai parfois l’impression que ce sujet est très fortement politisé et je pense que c’est une mauvaise approche. »
L’essentiel: Ecolo peut-il claquer la porte du gouvernement ?
- Certaines indiscrétions (que nous maintenons) nous laissaient entendre hier que les écologistes, et surtout Groen, en charge du dossier, étaient prêts à aller jusqu’au crash. Jean-Marc Nollet a démenti sur Bel RTL: « Je n’ai jamais travaillé avec des menaces (…). Le gouvernement travaille au consensus. »
- La présidente de Groen Meyrem Almaci a aussi balayé cette possibilité dans les couloirs de la Chambre: « Ce n’est absolument pas à l’ordre du jour ».
- Ce serait un énorme risque politique pour les Verts. Du côté francophone, Ecolo garde en horreur l’épisode fédéral de 2003. Isolé sur la question de l’interdiction des pubs pour le tabac, Ecolo avait fini par quitter le gouvernement, avant d’être sanctionné par les élections qui ont suivi.
- Le parti a beaucoup évolué depuis, s’est professionnalisé et s’est positionné comme un parti qui peut gérer les affaires publiques. De bons gestionnaires plutôt que des dogmatiques, même si ce principe n’est pas toujours apparu évident.
- Plusieurs fois, les écologistes, tant flamands que francophones, ont laissé la porte ouverte à une prolongation du nucléaire, voire même à des réacteurs de nouvelle génération. Histoire de justifier cette position de pragmatique et non de dogmatique, mais sachant très bien que la balance penchait en leur faveur. Les Verts sont toujours restés confiants sur la sortie du nucléaire, et ce depuis l’accord de coalition. Il fallait enfin faire aboutir un dossier vieux de 20 ans, datant de leur première participation à l’Arc en ciel de Verhofstadt.
- Ce n’est pas tant la prolongation des deux réacteurs pour une période très courte qui qui provoquerait le crash, mais le renversement complet de la loi sur la sortie du nucléaire, inscrite dans le marbre pour les Verts. Impossible pour eux de revenir en arrière sur cette question.
- S’il advient que sur un plan technique, la sortie du nucléaire n’est pas possible au niveau de l’approvisionnement, les écologistes s’y plieront, et le nucléaire sera prolongé.
- Les Verts pourraient même négocier cette prolongation en contrepartie d’investissements dans l’énergie verte pour ne pas perdre la face parmi les antinucléaires pur jus de longue date dans leurs rangs.
- Mais si la question devient uniquement politique, et que l’Open VLD, le CD&V et même Vooruit changent leur fusil d’épaule en fonction de l’opinion publique, qu’adviendra-t-il de la Vivaldi ? Il est clair que nos réacteurs nucléaires n’ont pu empêcher la montée des prix. Mais la crise ukrainienne et la flambée du gaz laissent une impression difficilement défendable d’un point de vue politique: abandonner le nucléaire pour du gaz, et donc accroître notre dépendance, et ce, même si c’est plus une perception que la réalité.
A suivre : La CREG, le gendarme de l’énergie, ouvre la porte à une taxation supplémentaire d’Engie.
- Le rapport tant attendu de la CREG sur les « surprofits » réalisés par les producteurs d’énergie grâce aux pics des prix du gaz est prêt. Le rapport a été demandé par les partenaires de la coalition Vivaldi, en raison de leur mécontentement face aux bénéfices d’un milliard d’euros réalisés par Engie sur ses centrales nucléaires.
- Et regardez : le rapport donne des munitions au gouvernement. Car oui, il est question de « bénéfices exceptionnels », conclut-il, au sujet des centrales nucléaires.
- Et la CREG fait remarquer qu’il existe donc une possibilité de percevoir des taxes supplémentaires, « comme en France », ajoutent-ils subtilement. Cela concerne principalement les réacteurs les plus récents : Doel 3 et 4 et Tihange 2 et 3, sur lesquels des taxes supplémentaires pourraient être prélevées.
- La question est de savoir si Vivaldi sera en mesure de le faire : il a également été souligné hier dans l’hémicycle que le gouvernement précédent, sous l’ancienne ministre de l’Energie Marie-Christine Marghem, est allé très loin dans ses concessions faites à Engie. Rompre les contrats conclus à l’époque et imposer de nouveaux prélèvements n’est pas une question juridique évidente.
- Mais ce n’est pas tout : indirectement, c’est lié à toute la position de négociation d’Engie vis-à-vis du gouvernement fédéral. Jusqu’à présent, les Verts voyaient dans le géant français de l’énergie un allié redoutable : Engie ne cesse de répéter qu’il veut fermer les centrales nucléaires. Si le gouvernement opte pour un plan B à Bruxelles, ils devront à nouveau négocier avec Engie, en position de faiblesse.
- Les socialistes et les CD&V insistent pour prélever le surplus de bénéfices, que les centrales soient fermées ou non. Pour Van der Straeten, cela représente un défi supplémentaire.