Moins de 48h avant le lancement de la 5G aux USA, les compagnies aériennes annoncent un possible « chaos » dans le ciel

Les plus grands transporteurs de passagers et de fret aériens américains se sont fendus d’une lettre alarmante moins de deux jours avant le lancement des réseaux de 5G des géants des télécommunications AT&T et Verizon aux États-Unis. Selon eux, il y a un risque de crise aérienne « catastrophique ».

Dans une lettre rapportée par Reuters, les patrons de dix grandes compagnies américaines mettent en garde face à une crise aérienne « catastrophique » qui risque d’être provoquée par le déploiement de la 5G par AT&T et Verizon, prévu pour ce mercredi.

Le déploiement de cette technologie pourrait rendre inutilisable un nombre important de gros porteurs, ce qui « pourrait potentiellement bloquer des dizaines de milliers d’Américains à l’étranger » et provoquer le « chaos » pour les vols américains, préviennent les géants de l’aviation. « Une intervention immédiate est nécessaire pour éviter une perturbation opérationnelle importante pour les passagers aériens, les expéditeurs, la chaîne d’approvisionnement et la livraison des fournitures médicales nécessaires », écrivent-ils.

« Le commerce de la nation va s’arrêter »

L’Administration fédérale de l’aviation (FAA) avait déjà reconnu que les interférences potentielles pourraient affecter les instruments sensibles des avions, tels que les altimètres, et entraver considérablement les opérations par faible visibilité.

« Cela signifie que lors d’une journée comme celle d’hier (lire dimanche), plus de 1100 vols et 100.000 passagers seraient soumis à des annulations, des déroutements ou des retards », met en garde la lettre.

La FAA avait émis de nouvelles directives visant à limiter l’utilisation des altimètres dans certaines situations. Mais les compagnies aériennes américaines s’étaient élevées contre les potentiels coûts induits, et avaient appelé les autorités à trouver rapidement une solution.

Les inquiétudes concernent donc les vols opérés lorsque les conditions climatiques sont mauvaises, mais pas seulement. « De multiples systèmes de sécurité modernes sur les avions seront jugés inutilisables, causant un problème beaucoup plus important que ce que nous savions… Les constructeurs d’avions nous ont informés qu’une grande partie de la flotte en service pourrait devoir être immobilisée pour une durée indéterminée », alertent les compagnies américaines.

« Il est urgent d’agir », ont ajouté les compagnies aériennes dans une lettre notamment signée, entre autres, par American Airlines, Delta Airlines, United Airlines ou encore UPS Airlines et FedEx Airlines. « Pour être franc, le commerce de la nation va s’arrêter. »

Quelle solution ?

La lettre a été envoyée au directeur du Conseil économique national de la Maison Blanche, Brian Deese, au secrétaire d’Etat aux Transports, Pete Buttigieg, à l’administrateur de la FAA, Steve Dickson, et à la présidente de la Commission fédérale des communications (FCC), Jessica Rosenworcel.

AT&T et Verizon, qui ont remporté la quasi-totalité du spectre de la bande C lors d’un appel d’offres de 80 milliards de dollars l’année dernière, ont accepté début janvier de créer des zones tampons autour de 50 aéroports pour réduire les risques d’interférence et de prendre d’autres mesures pour réduire les interférences potentielles pendant six mois. Le déploiement du service avait également été retardé de deux semaines, jusqu’à ce mercredi, pour éviter temporairement une impasse en matière de sécurité aérienne, après avoir précédemment déjà retardé l’opération de 30 jours.

Dans leur lettre, les compagnies aériennes demandent que des mesures soient prises instamment pour que « la 5G soit déployée partout dans le pays sauf lorsque les tours sont trop proches des pistes d’aéroport jusqu’à ce que la FAA puisse déterminer comment cela peut être accompli en toute sécurité sans perturbation catastrophique. »

Boeing et Airbus inquiets également

Le mois dernier, les géants Boeing et Airbus s’étaient – chose rare – unis pour écrire une lettre commune, en vue de faire part de leurs inquiétudes vis-à-vis du déploiement de la 5G aux Etats-Unis. Les deux constructeurs d’avions commerciaux avaient émis les mêmes craintes que les compagnies.

Boeing a publié un nouveau communiqué lundi. « Avec les restrictions proposées dans certains aéroports, l’industrie du transport se prépare à une certaine perturbation du service. Nous sommes optimistes et pensons que nous pourrons travailler avec tous les secteurs et avec les pouvoirs publics pour trouver des solutions permettant d’atténuer autant que possible les répercussions sur les horaires », a déclaré le constructeur américain.

L’un des sujets de préoccupation est de savoir si les Boeing 777 seront capables ou non d’atterrir dans certains aéroports américains clés après le déploiement de la 5G. Les craintes concernent aussi certains avions cargo Boeing, ont déclaré des responsables de compagnies aériennes à Reuters.

La FAA distribue ses autorisations

Pendant ce temps, la FAA a déclaré qu’elle avait autorisé environ 45% de la flotte d’avions commerciaux américains à effectuer des atterrissages à faible visibilité dans de nombreux aéroports où la bande C de la 5G sera déployée. D’autres approbations devraient être délivrées avant mercredi.

Les compagnies aériennes ont réagi en faisant remarquer que la liste ne comprenait pas beaucoup de grands aéroports. « Même avec ces nouvelles approbations, les vols dans certains aéroports peuvent encore être affectés », a confirmé le régulateur.

Côté télécom, on se refuse à un nouveau report. Le groupe américain représentant les intérêts de l’industrie du sans fil CTIA a déjà déclaré que la 5G était sûre et a accusé l’industrie de l’aviation d’être alarmiste et de déformer les faits.

« Un retard causera un réel préjudice. Repousser le déploiement d’un an reviendrait à soustraire 50 milliards de dollars à la croissance économique, au moment même où notre pays se remet et se reconstruit après la pandémie », avait souligné Meredith Attwell Baker, directrice générale de la CTIA, dans un post de blog publié en novembre.

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