Le président russe l’a admis en public : toute la question de la crise ukrainienne, du point de vue russe, résulte de la peur de voir l’OTAN installer des troupes et des missiles à proximité directe des frontières du pays, alors que l’Alliance atlantique a déjà « conquis » Pologne et pays baltes, tous des anciens satellites du Kremlin. La balle est dans le camp des Occidentaux.
Cela pourrait passer pour un aveu de faiblesse, mais pour un observateur attentif, c’est autour de cela que gravite la crise russo-ukrainienne depuis le début : la Russie ne veut pas que des troupes de l’OTAN puisse s’installer à proximité directe de ses frontières. C’est ce qu’a résumé le président russe Vladimir Poutine ce mardi devant un parterre de représentants militaires: « Ce que les États-Unis font en Ukraine est à notre porte. Et ils devraient comprendre que nous n’avons plus aucun endroit où nous retirer. Pensent-ils que nous allons rester les bras croisés ? Si la ligne agressive de nos collègues occidentaux se poursuit, nous prendrons des mesures de réponse militaro-techniques adéquates et réagirons durement aux mesures inamicales. »
Le traumatisme de l’invasion
Si on s’est surtout focalisé sur les craintes ukrainiennes, pour qui les préparatifs militaires russes ont tout des prémisses d’une invasion, d’un point de vue russe, l’analyse de la situation est toute autre : en voulant rejoindre l’OTAN, l’Ukraine permettrait aux troupes de l’alliance de stationner au plus près des frontières russes, s’installant durablement dans l’ancienne sphère d’influence du pays, et coupant surtout toute possibilité de repli à l’armée de la Fédération de Russie. Une situation stratégiquement inacceptable, d’autant qu’elle fait écho au grand traumatisme de l’URSS et de la Russie moderne : l’opération Barbarossa, en 1942, quand les armées allemandes et leurs alliés ont attaqué par surprise depuis les frontières directes de l’URSS, éliminant des centaines de milliers de soldats soviétiques en quelques semaines dans des encerclements géants.
Bien sûr, l’OTAN ne compte pas marcher sur Moscou. Mais si l’Ukraine rejoignait l’organisation, ses troupes seraient dans la meilleure position pour entreprendre une opération agressive, une tentative de reprendre la Crimée par exemple. Et face au risque d’escalade, la Russie ne pourrait riposter sans se retrouver en guerre contre l’OTAN dans son ensemble.
Des conditions classiques mais « inacceptables »
C’est tout le contenu des conditions que la Russie a présenté aux Occidentaux pour un apaisement des tensions : créer des « lignes directes pour les contacts d’urgence » certes, mais surtout de « ne pas déployer de militaires et d’armements supplémentaires en dehors des pays dans lesquels ils se trouvaient en mai 1997 » sauf accord de Moscou et surtout « d’exclure un nouvel élargissement de l’Otan », sous-entendu vers l’est. Des « conditions de sécurité » qui reviennent sur la table régulièrement… Depuis la dissolution de l’URSS et la tentation occidentale de ses anciens satellites européens, comme la Pologne et les pays baltes, qui ont depuis rejoint l’OTAN, rapprochant ainsi à chaque fois les positions militaires de l’alliance des frontières russes.
Selon l’ancien diplomate soviétique Vladimir Fédorovski, il ne s’agit ni plus ni moins que des assurances accordées par George H. W. Bush à Mikhaïl Gorbatchev en 1991, à la dissolution de l’URSS. Et qui ont été balayées par Bill Clinton dès son arrivée à la Maison Blanche.
Ces « conditions de sécurités proposées par la Russie, présentées comme négociables, ont déjà été jugées « inacceptables tant par l’OTAN que par ses partenaires non membres, comme la Suède, qui s’inquiète aussi d’une possible agression russe.