Pertes d’argent, d’intérêt et de spectacle: une étude dézingue l’idée d’une Coupe du Monde tous les deux ans

Depuis quelques mois, le président de la FIFA Gianni Infantino évoque très sérieusement l’idée de l’organisation d’une Coupe du Monde tous les deux ans. Beaucoup de fans de foot lui sont rapidement tombés dessus. Et une étude vient renforcer leurs critiques.

L’idée émise par Gianni Infantino a notamment été soutenue par Arsène Wenger, illustre ancien manager d’Arsenal et actuel responsable du développement mondial de la FIFA. Il a même proposé un nouveau calendrier, avec une réduction du nombre de trêves internationales et de matches pour les qualifications.

Arsène Wenger a dit comprendre les critiques, « car il y a une partie émotionnelle là-dedans ». « On a tous grandi avec une Coupe du monde tous les quatre ans. Le cycle nous paraît naturel. Mais je suis ouvert à toutes les suggestions et toutes les critiques. Je n’en fais pas quelque chose de personnel. Je demande juste : critiquez le projet, donnez-en un meilleur et n’essayez pas de me décrédibiliser parce que je propose un projet. Je préfère qu’on critique et qu’on me dise pourquoi », a-t-il déclaré le mois dernier.

Justement, une étude (commandée par les ligues nationales, majoritairement opposées à l’idée, c’est important de le souligner) vient de sortir. Réalisée par KPMG et FTI Delta Partners, elle plombe totalement le projet.

Des milliards d’euros de pertes, essentiellement en droits TV

Le principal élément déployé par l’étude est de nature financière: ça tombe bien, c’est le nerf de la guerre. Selon les calculs mentionnés dans l’étude, le passage à une Coupe du Monde biennale causerait de très lourdes pertes aux 40 plus grandes ligues nationales du monde et aux compétitions de l’UEFA telles que la Ligue des Champions.

Le revenu total annuel des droits audiovisuels généré par les ligues tomberait de plus de 14 milliards d’euros à environ 9 milliards d’euros.

Selon le rapport, les pertes commerciales pourraient atteindre 2,16 milliards d’euros par saison, soit une baisse d’environ 25 %, et l’impact négatif sur les recettes des jours de match coûterait 1,2 milliard d’euros aux clubs, soit là encore une baisse d’environ 25%.

Au total, on se rapprocherait donc d’environ 10 milliards de pertes (droits TV, pertes commerciales et pertes de recettes) par an.

« Très risqué »

Les pertes en droits TV seraient principalement causées par trois éléments: une diminution du nombre de matches de clubs, une perte d’intérêt chez les spectateurs et un spectacle amoindri.

Plusieurs scénarios ont été envisagés. Mais dans tous, les ligues prévoient qu’à partir de la saison 2024-2025, elles seraient contraintes de réduire leur championnat à 18 équipes et de terminer leur saison début mai pour s’adapter aux plans de la FIFA.

François Godard, l’un des principaux analystes, a déclaré que l’organisation d’une Coupe du monde bisannuelle serait très risquée. Il y a, selon lui, un risque de désintérêt grandissant chez les téléspectateurs. Ce qui, automatiquement, induira une demande moindre de la part des annonceurs.

« Mon inquiétude est qu’à un moment donné la demande s’effondre. Le risque d’une chute soudaine et spectaculaire est énorme si vous affaiblissez le produit principal (les ligues nationales) », a expliqué M. Godard. « Si vous passez à ce nouveau modèle avec une Coupe du monde tous les deux ans et que les matchs doivent être déplacés du week-end au milieu de la semaine, que la saison globale est plus courte et que certains joueurs peuvent ne pas être disponibles à un moment donné, vous affaiblissez votre produit principal. »

Enfin, l’étude pointe du doigt la possibilité que les matches soient de moins en moins spectaculaires, car les joueurs seraient amenés à disputer davantage de rencontres. Les principaux acteurs en ressortiraient fatigués et plus souvent blessés: le niveau de jeu baisserait.

Décision dans un mois

La FIFA n’a pas directement réagi à cette étude qui torpille ses projets. Mais elle a déjà promis qu’elle livrerait sa propre étude de faisabilité.

Gianni Infantino s’est déjà ouvert aux critiques, assurant que, « ce qui est important pour lui et pour la Fifa, c’est de se soucier de ce qui est bon pour le football ». Il dit donc compter arriver à un consensus sur la question avant de prendre une décision définitive. Comme Arsène Wenger, il a également expliqué qu’une Coupe du Monde biennale coïnciderait automatiquement avec une refonte en profondeur des calendriers internationaux. De quoi, peut-être, détricoter les arguments avancés par l’étude.

Une décision devrait être annoncée le 20 décembre prochain, à l’occasion du prochain sommet de la FIFA.

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