Mercredi, après une longue flambée, les prix du gaz ont chuté. Une hémorragie qui a pris fin en grande partie suite au discours de Vladimir Poutine. Le président russe a annoncé que son pays était capable d’approvisionner l’Europe en grandes quantités de gaz. Mais est-il réellement en mesure de tenir ses promesses ?
« Nous pouvons atteindre un record de livraison de nos ressources énergétiques vers l’Europe, y compris de gaz ». Mercredi, cette déclaration de Vladimir Poutine a eu le don de rassurer (un peu) les marchés, avec des prix enfin à la baisse.
Dans un premier temps, les analystes ont vu là une stratégie permettant à la Russie d’obtenir les faveurs de l’Allemagne pour qu’elle certifie l’utilisation du gazoduc Nord Stream 2, qui acheminera le gaz russe vers l’Allemagne via la mer Baltique. La Russie attend en effet que le régulateur allemand de l’énergie donne son feu vert à ce gazoduc de 11 milliards de dollars.
Dans un second temps, au-delà des intentions de Poutine, les experts en viennent à s’inquiéter du réel potentiel de la Russie à mettre en pratique les discours de son président. Le pays a-t-il réellement les reins assez solides pour augmenter ses livraisons en Europe ? Rien n’est moins sûr, semble-t-il.
« Les stocks russes s’épuisent déjà »
Dans une note publiée ce jeudi, Adeline Van Houtte, analyste Europe à l’Economist Intelligence Unit, fait part de ses craintes. Et les étaye.
« Les commentaires de M. Poutine semblent avoir apporté un certain réconfort au marché. Cependant, que ces fournitures de gaz supplémentaires dépendent d’une approbation rapide de Nord Stream 2 ou non n’est peut-être pas la question principale », analyse-t-elle. « Actuellement, le marché intérieur russe du gaz reste tendu, avec ses stocks qui s’épuisent, une production déjà proche de son pic et également l’hiver qui s’annonce, ce qui limite la capacité d’exportation de gaz. »
« Il y a également peu de signes indiquant que Gazprom – le monopole russe des gazoducs d’exportation, qui fournit 35% des besoins en gaz de l’Europe – tente de pomper davantage de gaz vers les spot buyers européens via les routes existantes, et dans l’ensemble, étant donné sa faible marge de manœuvre, il est peu probable que Gazprom puisse livrer plus d’environ 190 milliards de mètres cubes à l’Europe cette année », ajoute-elle.
Sa conclusion: « les prix européens ne devraient pas se refroidir de manière substantielle en 2021 ».
« Extrêmement douteux » que la Russie puisse fournir davantage de gaz
Dans le même temps, Mike Fulwood, chargé de recherche principal à l’Oxford Institute for Energy Studies, a tenu un discours similaire sur le plateau de la CNBC.
« L’hiver dernier a été très froid en Russie et la production russe est en fait déjà en train d’atteindre des niveaux records. Elle est bien plus élevée que l’année dernière, lors de laquelle, bien sûr, la demande était en baisse. Mais aussi par rapport aux niveaux de 2019. La Russie a dû remplir ses propres réservoirs de stockage qui ont été gravement épuisés en raison du temps froid », a-t-il déclaré.
« Il est donc extrêmement douteux qu’ils puissent fournir davantage de gaz, quelle que soit la voie choisie », a-t-il ajouté.
L’Agence internationale de l’énergie reste confiante
Malgré ces analyses inquiétantes, le directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie, Fatih Birol, tient à rester optimiste. Selon lui, la Russie va bien être en mesure d’appliquer les annonces de M. Poutine. Dans une interview accordée au Financial Times jeudi, il l’a qualifiée de « fournisseur fiable », l’estimant capable d’augmenter ses exportations vers l’Europe d’environ 15%.
« Si la Russie fait ce qu’elle a indiqué hier [mercredi] et augmente les volumes vers l’Europe, cela aurait un effet apaisant sur le marché », a-t-il déclaré. « Je ne dis pas qu’ils le feront, mais s’ils le souhaitent, ils ont la capacité de le faire ».
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