La Corée du Nord est en grande opération d’essais militaires. Après avoir lancé des missiles de croisière à longue portée le week-end dernier, voilà qu’elle a tiré deux missiles à courte-portée depuis… un train. Très spectaculaire, la manœuvre est-elle pour autant réellement inquiétante ?
Ce mercredi, les médias étatiques nord-coréens ont annoncé que leur pays avait procédé au lancement de deux missiles à courte-portée depuis un train. L’essai a été effectué par le Railway Mobile Missile Regiment et constituait une sorte de validation de principe de l’aspect pratique du « système de missiles mobiles ferroviaires ». Le système a été « déployé pour la première fois pour l’action » lors de cet essai.
« Le système de missiles transportés par voie ferrée constitue un moyen de contre-attaque efficace, capable de porter un coup dur à plusieurs reprises aux forces menaçantes », a commenté Pak Jong Chon, maréchal nord-coréen et membre du présidium du Politburo du Parti des travailleurs de Corée au pouvoir, qui a supervisé le test, selon KCNA.
Le haut responsable militaire nord-coréen a également déclaré que « le déploiement du système de missiles ferroviaires conformément à la ligne et aux politiques de modernisation de l’armée définies lors du huitième congrès de notre Parti revêt une très grande importance pour accroître la dissuasion de guerre du pays », a précisé l’agence de presse.
Le leader nord-coréen Kim Jong-un n’a pas supervisé le tir d’essai, ont précisé les médias locaux.
Les grandes puissances haussent le ton
Dans la foulée de ces essais, les membres du Conseil de sécurité de l’ONU se sont réunis en urgence. A l’issue de cette discussion de 45 minutes, la France, le Royaume-Uni et les États-Unis ont chacun fermement condamné cette nouvelle opération nord-coréenne.
Pour Nicolas de Rivière, représentant permanent de la France, ce dernier essai balistique constitue une « menace majeure pour la paix et la sécurité ». « C’est une violation claire des résolutions du Conseil », a-t-il dénoncé, précisant que les missiles étaient tombés « dans la zone économique exclusive du Japon ».
La Corée du Sud avait précédemment indiqué que les missiles avaient été tirés depuis la zone centrale intérieure de Yangdok.
« Tout le monde est très préoccupé par cette situation », a ajouté M. de Rivière.
Discours similaire en provenance du Royaume-Uni. La secrétaire d’État des Affaires étrangères, Liz Truss, a condamné le test comme une « violation claire » des résolutions du Conseil de sécurité et une « menace pour la paix et la sécurité régionales ». « Nous exhortons la Corée du Nord à s’abstenir de nouvelles provocations et à reprendre le dialogue avec les États-Unis », a-t-elle déclaré, via un communiqué.
Même chose du côté des États-Unis, qui y ont eux aussi vu une « violation des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies » et « une menace pour les voisins de Pyongyang ».
La Corée du Nord, qui est dotée de l’arme nucléaire, ne cesse de développer ses systèmes d’armement. Ce qui empêche de débloquer les négociations visant à démanteler ses arsenaux nucléaires et de missiles balistiques en échange d’un allègement des sanctions américaines.
« Relativement bon marché et fiable »
D’après les médias nord-coréens, Pyongyang prévoit d’agrandir son régime de missiles ferroviaires dans un avenir proche et de mener des entraînements afin d’acquérir « une expérience opérationnelle pour une guerre réelle ».
D’après les experts, cette nouvelle façon de lancer des missiles peut être utile pour la Corée du Nord. Mais elle ne doit pas non plus alerter plus que de mesure.
« Les missiles mobiles sur rails sont une option relativement bon marché et fiable pour les pays qui cherchent à améliorer la capacité de survie de leurs forces nucléaires », a déclaré sur Twitter Adam Mount, chercheur principal à la Fédération des scientifiques américains. « La Russie l’a fait. Les États-Unis l’ont envisagé. Cela a beaucoup de sens pour la Corée du Nord ».
Dans un long thread, Adam Mount explique que cette technique complexifiera la tâche des armées étrangères cherchant à suivre et à détruire les missiles avant qu’ils ne soient tirés. Mais vu du du réseau ferroviaire relativement limité et parfois peu fiable de la Corée du Nord, le défi ne sera pas non plus insurmontable.
Ankit Panda, chercheur principal au Carnegie Endowment for International Peace (États-Unis), a tenu un discours semblable sur Twitter. Il pense que ces missiles ferroviaires ne sont « pas très rentables » et « beaucoup plus complexe sur le plan opérationnel qu’une force plus réduite et intégrée verticalement ».
Il pense que malgré ses annonces, il ne faut pas s’attendre à ce que la Corée du Nord se mette à déployer ces systèmes en grand nombre. Il pourrait surtout s’agir d’une simple « démonstration technologique », c’est-à-dire un afflux de mots et d’images inquiétantes plus spectaculaires qu’autre chose.
M. Panda estime que les États-Unis et la Corée du Sud ne doivent toutefois pas négliger cette nouvelle technique. Et agir en conséquence, pour s’y adapter. Il faudra tenir les évolutions à l’œil, car le système ferroviaire présenté mercredi pourrait éventuellement servir de base au développement d’un système capable de lancer un missile balistique intercontinental (ICBM) plus grand et doté d’armes nucléaires, a-t-il précisé.
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