Mercredi, Facebook a rendu publiques les conclusions d’un audit de deux ans sur les droits civiques. Cette conférence de presse a eu lieu le lendemain de la réunion entre Facebook et un certain nombre d’organisations de défense des droits humains. Sur les 11 recommandations formulées par les militants, aucune n’a été satisfaite.
En outre, l’audit aboutit à un verdict accablant. Selon les analystes, l’approche de Facebook en matière de droits civiques est ‘gravement insuffisante’.
Facebook ‘semble ne pas être suffisamment conscient du problème de polarisation et de la manière dont ses algorithmes promeuvent un contenu extrême et clivant’, explique-t-il. De plus, la façon dont le CEO, Mark Zuckerberg a ‘créé une hiérarchie des opinions avec des règles différentes pour les politiciens donne à certains points de vue une priorité sur les autres’.
Facebook y a répondu via le blog de sa COO (Chief Operating Officer) Sheryl Sandberg. Avec des excuses traditionnelles et un discours sur leur engagement tout aussi habituel ‘à respecter davantage les droits civiques’.
Image et morale
Cependant, il ne faut pas s’attendre à des changements majeurs. Au cours des dernières semaines, plus de 1.000 entreprises ont rejoint le boycott publicitaire. On retrouve, entre autres, Starbucks, Unilever, Coca-Cola, Volkswagen, Lego ou encore Adidas. Ils veulent que Facebook prenne des mesures plus sévères pour lutter contre les messages de haine. L’entreprise affirme qu’elle le fera, mais le boycott fait plus de dégâts à son image et son éthique qu’à ses finances.
Selon le site internet The Information, Zuckerberg a cherché à rassurer son personnel en déclarant que ‘les annonceurs reviendront assez tôt’. En outre, les 100 plus gros clients de Facebook ne représentent que 6% des revenus. Même si 50 d’entre eux lui tournaient le dos définitivement, il ne se passerait pas grand-chose. L’entreprise compte près de 8 millions d’annonceurs. C’est avant tout le centre névralgique de la communication des PME, car il est facile de toucher un grand nombre de personnes rapidement et à bas prix. Et cela peut se faire en visant expressément leur public cible. Qui peut rivaliser avec une telle offre ?
Un Facebook payant
Un certain nombre de grosses pointures dans les entreprises technologiques américaines pensent qu’il serait possible de mettre fin aux controverses sur Facebook en rendant le site payant. Twitter, un peu moins controversé, pense d’ailleurs à prendre des mesures dans ce sens.
Selon ces initiés de la Silicon Valley, beaucoup de personnes seraient prêtes à payer une petite somme chaque mois. À condition, évidemment, qu’il soit débarrassé de toute publicité traditionnelle et politique et des messages de haine. Facebook pourrait maintenir ses revenus de cette manière. Et cela pourrait même bénéficier aux actions en bourses de la firme, car une formule d’abonnement crée plus de valeur pour les actionnaires.
Le triangle d’or: envergure, croissance illimitée et marge élevée
Facebook a sans doute le meilleur modèle commercial au monde. Il est basé sur le trio en or qui comprend une envergure, une croissance illimitée et des marges élevées. Un tiercé qui reste encore irréalisable pour les grandes entreprises comme Amazon, Google, Apple ou Netflix.
Forbes: ‘L’incroyable succès financier de Facebook peut se résumer à ces quelques chiffres : 50/50/50/500. Soit un chiffre d’affaires annuel de 50 milliards de dollars, qui augmente de 50% par an, avec une marge opérationnelle de 50%, générant une capitalisation boursière de 500 milliards de dollars.’ (Les données datent de 2018. Aujourd’hui, le chiffre d’affaires est de 64 milliards par an).
Le coût
Voyons maintenant ce que ça coûte à Facebook.
- Ressources gratuites : les utilisateurs et les entreprises fournissent gratuitement tout le contenu.
- Zéro coût marketing : Le bouche-à-oreille des utilisateurs et les effets viraux des réseaux sociaux assurent une croissance constante.
- Aucun coût de vente : Les emplacements publicitaires sont achetés via une plateforme automatisée en libre-service.
Quel entrepreneur serait prêt à tuer une telle poule aux œufs d’or ?
Un modèle payant est-il envisageable ?
Examinons un instant cette question. Un utilisateur en Amérique du Nord a permis à Facebook de gagner en moyenne 34 dollars au cours du premier trimestre. On obtient ce chiffre en divisant l’ensemble des revenus publicitaires par le nombre total d’utilisateurs. Multiplié par 4, cela représente 136 dollars par an. En considérant qu’avec un modèle payant, Facebook conserve 20% des utilisateurs, il faudrait multiplier 136 par 5, pour compenser la perte d’argent publicitaire et d’internautes. Cela reviendrait à un abonnement annuel de 680 dollars, soit 56 dollars par mois. C’est trois à quatre fois le prix de Netflix.
Les potentiels clients
Combien de personnes seraient prêtes à payer une telle somme pour se débarrasser des publicités et protéger leurs informations personnelles ?
Des recherches récentes ont montré que 64% des utilisateurs de Facebook seraient prêts à payer 3 dollars par mois. On ne sait pas combien d’entre eux seraient prêts à payer 12 fois plus. Mais la probabilité qu’ils soient 20% est faible.
Une autre enquête a montré que 11,6% des utilisateurs accepteraient de payer ‘15 dollars ou plus’ par mois pour un service sans publicité. Ces chiffres montrent que le modèle payant peut être jeté à la poubelle. Ou pour le dire avec les mots de l’inventeur du système commercial le plus ingénieux de tous les temps
‘La réalité est que si vous voulez développer un service qui relie tout le monde dans le monde, il y aura beaucoup de monde qui n’auront pas les moyens de payer. Par conséquent, et comme pour de nombreux médias, le modèle financé par la publicité est le seul modèle rationnel qui peut garantir le développement d’un tel service. Parce que si vous voulez créer une plateforme qui ne sert pas uniquement aux riches, vous devez proposer quelque chose que les gens peuvent se permettre.’
Une question d’argent
Zuckerberg et Sandberg ne manquent jamais une occasion de dire que ce n’est pas une question d’argent. ‘Nous apportons des changements, non pas pour des raisons financières ou sur la pression des annonceurs, mais parce que c’est juste’, a-t-elle écrit sur son mur Facebook.
Pour cela, l’entreprise ne diffère guère des autres. Car quand ils disent que ce n’est pas une question d’argent, c’est généralement que c’est une question d’argent.