Quatre heures de rencontre avec des interventions sans fin: le fonctionnement du ‘super kern’ (Conseil ministériel restreint, élargi aux présidents de 10 partis) pose problème. En juin, les pouvoirs spéciaux de l’actuel gouvernement de Sophie Wilmès seront évalués. Se dirige-t-on vers un nouveau gouvernement? Le sujet est discuté.
Le ‘super kern’ a pris de nouvelles mesures ce week-end. Elles sont assez marginales. Le plus intéressant est sans doute ce qui n’a pas été décidé ou très discuté.
- Les primes: toutes sortes de primes ont été mises sur la table la semaine dernière. Mais concrètement, le mécanisme a du mal à se mettre en place. Les ministres De Croo (Open VLD) et Muylle (CD&V) voulaient mettre en place des exonérations fiscales, notamment concernant la sécurité sociale. Mais aucun accord final n’a pu être trouvé.
- Les SAC (sanctions administratives communales): beaucoup de discussions autour de ces amendes, jusque-là illégales, quant au respect du confinement. La question de savoir si le Conseil d’État devait s’en mêler a finalement été mise de côté. Mais des questions se posent toujours. Notamment sur le fait de savoir quand s’appliquent ces sanctions de manière précise, mais aussi leur montant: 250 euros, soit tout ou rien.
Bart De Wever a fait une sortie remarquée dans la presse, entre autres concernant ces SAC. ‘Je ne vais pas empêcher les gens de s’asseoir sur un banc’, expliquait-il sur Radio 1, alors que 300 PV avaient été dressés dans sa ville d’Anvers.
- Par ailleurs, il ne fait aussi aucun doute que le ministre de l’Intérieur a été replacé sur le devant de la scène. Un peu trop pour l’Open VLD et surtout le sp.a qui n’a pas donné la confiance au gouvernement pour que Pieter De Crem ‘joue les shérifs’. Le ministre s’en défend: ‘La Belgique n’est pas et ne sera pas un État policier’, a-t-il répliqué sur VTM. Il s’est notamment dressé contre les perquisitions en temps de crise sanitaire et les couvre-feux. Il ressort de cette séquence que le ministre de l’Intérieur devra nécessairement passer par le kern et éviter les initiatives en solo.
‘Inefficace’
Il y a un certain malaise au sein du ‘super kern’. La réunion de ce week-end a duré quatre heures: ‘Nous avons de moins en moins de points à discuter, mais une heure est ajoutée chaque semaine. Dire que cela fonctionne de manière efficace serait contraire à la vérité’, nous explique l’un des participants. ‘Cette construction va connaître des ennuis’, peut-on entendre ailleurs.
- L’attitude des ‘petits’ partis ennuie certains: cdH, DéFI, mais aussi Groen, prendraient beaucoup de temps dans leurs interventions. Ce qui irrite en interne: ‘Le nombre de votes divisé par son nombre de mots est très proche de zéro’, nous indique un participant en visant les interventions de Meyrem Almaci (Groen). ‘Et la Première ministre laisse trop faire, elle n’intervient pas’.
Outre ces avis, qu’ils soient partagés ou non par tous, la forme du gouvernement Wilmès pose toujours autant question. Le gouvernement Wilmès II à proprement parler ne dispose que de 38 sièges sur 150 à la Chambre, soutenu il est vrai par des partis extérieurs (à l’exception du PTB, du Vlaams Belang et de la N-VA). La formule des pouvoirs spéciaux reste fragile, et sera d’ailleurs évaluée au mois de juin, soit 3 mois après le vote de confiance, comme prévu.
- Pourquoi passer par une formule compliquée à dix partis sous forme d’un ‘super-kern’ quand cela peut se faire au sein de la Chambre? Si l’efficacité et le consensus ne sont pas au rendez-vous, cette question fait sens. Du côté de ‘l’opposition’ francophone également, on se pose des questions. Si tout le monde peut discuter, certains sentent qu’ils n’ont pas vraiment de poids sur les décisions, ou pas assez.
Il nous revient que cela discute pas mal au sein des partis. La question est de savoir si ce ‘super-kern’ est davantage un lieu de conflit qu’un lieu de consensus.
Quand on sait que les questions les plus importantes – économiques et sociales – devront trouver une réponse dans les prochaines semaines et prochains mois, on comprend que les pouvoirs spéciaux, limités et discutés, ne seront sans doute plus suffisants. L’heure des grands choix et des grands arbitrages doit encore intervenir.
Par ailleurs, le gouvernement a été impacté par la gestion de la ministre de la Santé, Maggie De Block (Open VLD). Les critiques ont fusé. Surtout dans le sud du pays, il est vrai, où la question d’une commission d’enquête se fait pressante. Un nouveau gouvernement pourrait-il amener un second souffle à Wilmès II ? L’apport d’autres partis francophones pourrait en tout cas modifier la communication jugée maladroite et peu sensible de la ministre. Un argument en plus. Qui sait, un changement de casting pourrait même intervenir: Maggie De Block a d’ailleurs confié ne pas être attachée à son ‘poste ministériel comme la Reine d’Angleterre à sa couronne’ dans Het Laatste Nieuws.
Vers une Vivaldi?
Pour répondre aux défis cruciaux à venir, la solution serait bien sûr un gouvernement de plein exercice. Avec les pleins pouvoirs. Se repose alors la question de la formule: les verts et les socialistes vont-ils se jeter à l’eau? On sait que PS et sp.a sont désormais fâchés. Mais la pression de la crise sanitaire sera encore très présente durant tout le mois de mai.
Du côté du CD&V, on voudrait reprendre la température d’une formule PS/N-VA, comme l’a rappelé Hilde Crevits ce week-end dans Het Nieuwsblad. Le Soir rapporte un autre son de cloche, d’un membre du parti démocrate-chrétien, qui constate l’isolement de la N-VA ces dernières semaines, qui, il est vrai, connait une séquence difficile. Le CD&V, dont Pieter De Crem et Koen Geens, aurait repris goût au pouvoir. Bref, le cœur balance au sein du CD&V… Rien de neuf sous le soleil.
Sans doute plus décisif: les lignes bougent au sein de l’Open vld. On le sait, l’élection présidentielle au sein du parti libéral est en stand-by suite à la crise sanitaire. Le clan de Gwendolyn Rutten veut donc agir, dès maintenant. Egbert Lachaert, qui est vu comme le successeur, n’est pas favorable à la formule Vivaldi. L’actuelle présidente a pour le moment les mains libres et veut donc agir, son dernier tour de force.
Que cela se fasse en juin (3 mois), en septembre (6 mois) ou dès maintenant, la question de la limite des pouvoirs spéciaux va devoir se poser, entraînant avec elle de nouvelles négociations fédérales.