Uber piégé dans une tempête parfaite

Vendredi, l’action Uber a clôturé son premier jour de bourse bien en deçà de son cours d’introduction, ce qui lui a conféré une valeur de marché de 82 milliards de dollars (73 milliards d’euros). C’est beaucoup moins que les 100 milliards que les banques d’affaires avaient prévus il y a quelques mois. C’est également moins que ce que les investisseurs ont payé pour le service de taxi alternatif lors de son dernier tour de table.

Au cours des cinq premières heures de son introduction en bourse, la société a dû céder au moins 6 milliards de dollars de capitalisation boursière. Dara Khosrowshahi, le CEO de la société, a évoqué des circonstances atténuantes, notamment l’avalanche de ventes déclenchée par le différend commercial sino-américain relancé plus tôt cette semaine. Elle a ainsi fait dévisser l’indice boursier Dow Jones de 300 points. Bien qu’il se soit redressé par la suite, le sentiment à l’égard de la bourse semble s’être inversé chez les investisseurs. En d’autres termes : Uber a réalisé son introduction sur le marché boursier à la fin de la pire semaine boursière de l’année jusqu’à présent. Les circonstances géopolitiques ne sont pas non plus de bon augure : il y a l’escalade de la guerre verbale entre les États-Unis et l’Iran, les nouveaux essaisb du « Rocket man » nord-coréen et l’impasse persistante au Venezuela.

Wall Street s’interroge sur les « licornes »

Mais selon les experts, il y a définitivement un signe qui ne trompe pas. Le fait que l’une des introductions en bourse les plus attendues de ces dernières années soit aussi décevante n’est pas normal. Après des années d’argent bon marché, Wall Street commence enfin à se poser des questions sur ce qu’on appelle les « licornes ». Il s’agit de start-ups qui s’attribuent une valeur de plus d’un milliard de dollars. La plupart de ces entreprises ont une chose en commun : elles perdent de grandes masses d’argent.

Une de ces sociétés est Lyft, un concurrent direct d’Uber, dont l’introduction en bourse a eu lieu fin mars. Là aussi, les investisseurs semblent avoir été perdants. Cette semaine, la société a publié des résultats décevants et mis en garde contre des pertes importantes en 2019. L’action est maintenant inférieure de plus de 35 % à son prix de lancement. Ce n’est pas le marché boursier, mais les investisseurs en capital de risque qui semblent considérer que leurs propres investissements sont trop élevés, et qu’ils les ont payés trop cher.

Uber, « l’Amazon du transport » ?

Uber s’illustrera de toute façon dans les livres d’histoire, car aucune entreprise n’a perdu plus d’argent au moment de son introduction en bourse que la société de taxis alternatifs. Selon Khosrowshahi, il ne faut pas s’en formaliser : l’entreprise est vouée à devenir « l’Amazon du transport ». Cette société a également subi de lourdes pertes pendant de nombreuses années avant de devenir l’une des favories de la bourse.

Mais pour beaucoup, le modèle commercial d’Uber n’est pas tenable : il faut constamment subventionner les chauffeurs et les clients d’Uber pour qu’ils reviennent. Plus l’entreprise grandit et plus les pays dans lesquels Uber démarre ses activités sont nombreux, et plus les pertes sont importantes. La seule façon de s’en débarrasser est de faire monter les prix. Personne n’a besoin de cela.

En levant 8 milliards de dollars vendredi, Uber a de nouveau rempli ses caisses de guerre, mais le modèle économique suscite de plus en plus d’inquiétudes. Si Khosrowshahi & co ne parviennent pas à élaborer un modèle d’entreprise durable, ils seront bientôt dépassés par la réalité. D’ici-là, il sera plus prudent de prendre un Uber que d’en acheter des actions.

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