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« Je suis absolument convaincu que l’ancienne République Fédérale (d’Allemagne), non réunifiée, aurait mieux su gérer la crise de l’euro », écrit Wolfgang Münchau dans Der Spiegel, à l’occasion de la fête de l’héritage d’Helmut Kohl, le chancelier allemand à l’origine de la réunification allemande, mais aussi l’un des pères fondateurs de l’Europe. Helmut Kohl aimait présenter l’unité allemande et l’unité européenne comme les deux faces d’une même médaille, évoque-t-il, mais il s’est trompé, et en pratique, les deux projets sont devenus antinomiques.Pire, la réunification allemande a contribué à provoquer la crise européenne actuelle, et l’incapacité de l’Europe à la résoudre.
Münchau souligne que le coût astronomique de la réunification allemande, qui a coûté environ 2.000 milliards d’euros de transferts sociaux, est une des raisons qui expliquent la frilosité allemande lorsqu’il s’agit d’aider les autres Etats membres à se financer.
La réunification allemande s’est accompagnée d’un changement de capitale, ce qui a déplacé le centre de gravité de l’Allemagne vers l’est, et l’a rendue plus proche de Moscou que de Bruxelles, Paris ou Londres. Ce glissement s’est accompagné d’un changement de mentalité au niveau géopolitique, et les Allemands se considèrent désormais davantage comme une puissance autonome du G20, plutôt que comme un Etat membre de l’UE. Münchau prend pour exemple une interview que lui avait donnée un responsable de la CDU à propos de la coordination des politiques économiques au sein de l’Europe, qui lui avait dit que l’Allemagne coopérait au niveau du G20, et non pas de l’Europe. Ce détournement de l’Europe a été renforcé par l’arrivée au pouvoir de leaders politiques d’origine est-allemande, notamment Angela Merkel, qui, ayant passé leur jeunesse dans le bloc communiste, n’ont pas d’affinités particulières avec l’Europe Occidentale et le projet de l’UE.
Avant la réunification allemande, l’Europe reposait sur 5 grands pays européens de puissances comparables : Allemagne de l’Ouest, France, Royaume-Uni, Italie, Espagne. Mais la réunification allemande a rompu cet équilibre en créant un Etat membre bien plus puissant que les autres, ce qui a motivé les Britanniques à se désintéresser du projet européen, aggravant ainsi ce déséquilibre. Désormais, l’Allemagne est de loin le membre le plus puissant de l’UE, mais elle refuse d’en assumer la direction. Münchau affirme que sans la réunification, l’ancienne République Fédérale Allemande aurait certainement été un membre critique mais constructif, à l’image de l’attitude de la Hollande.
Très coûteuse, la réunification allemande a imposé des déficits à l’Allemagne, et l’euro était une monnaie trop forte pour elle au moment où elle l’a adoptée, ce qui a suscité sa marche forcée vers la compétitivité pour essayer de compenser. Mais ce faisant, elle a gagné une productivité hors norme qui l’a coupée des autres pays européens et a contribué à renforcer l’euro, et c’est cet euro trop fort pour les pays de la périphérie de la zone qui a été le creuset de la crise de la dette.
Le 25 septembre, Helmut Kohl est revenu au Reichstag, « entouré d’un bataillon d’eurosceptiques l’applaudissant poliment ». Aujourd’hui, « il a peur pour son grand rêve d’unité européenne. Et il a raison », écrit Münchau.