Le Dow Jones a perdu 660 points jeudi, après qu’Apple avait averti d’une baisse de ses ventes mercredi soir. Le CEO d’Apple, Tim Cook, a évoqué les tensions économiques croissantes entre les États-Unis et la Chine. Désormais, une série d’économistes craignent une escalade de la guerre commerciale.
Seule la diplomatie peut protéger les États-Unis et la Chine d’une « catastrophe complète », a déclaré le célèbre économiste Jeffrey Sachs dans une interview donnée au journal chinois South China Morning Post.
Sachs est professeur et directeur du Earth Institute de la Columbia University (New York). Il a conseillé divers gouvernements sur la transition du communisme au capitalisme et était conseiller spécial de Ban Ki-moon, l’ancien secrétaire général de l’ONU.
Sachs a été pris pour cible en décembre parce qu’il avait critiqué l’arrestation par le Canada du directeur financier de la société de télécommunications chinoise Huawei. Dans un article intitulé « La guerre contre Huawei« , Sachs avait qualifié l’arrestation « d’hypocrite ». « Dans ce cas, pourquoi les dirigeants des grandes banques américaines n’ont-ils pas été arrêtés alors qu’ils se sont vu infliger une amende pour ne pas avoir respecté les sanctions contre l’Iran ? », se demandait-il. L’article avait été bien accueilli en Chine, mais sur les médias sociaux, il avait été accusé d’être la marionnette des sociétés de technologie chinoises. Sachs a maintenant fermé son compte Twitter.
En route vers une catastrophe complète
Sachs met en garde contre une guerre commerciale durable, visant les entreprises informatiques chinoises, et estime qu’elle rappelle « une époque de confrontation entre les grandes puissances qui a finalement conduit à une catastrophe totale ».
Selon l’économiste, l’affirmation selon laquelle la Chine tente de saper la sécurité et la prospérité des États-Unis est dangereuse et fausse, comme la Maison Blanche l’a affirmé dans sa doctrine de la sécurité nationale il y a un an. Le fait que les États-Unis se concentrent sur les entreprises chinoises doit être considéré comme une tentative de perpétuer « l’exceptionnalisme » américain dans la lutte contre les défis posés par la Chine et la Russie.
« La Chine n’est pas l’ennemi de l’Amérique à moins qu’elle ne soit poussée dans cette direction par la pensée « à somme nulle » de l’administration Trump. […] La Chine n’est pas un acteur malveillant qui doit être contrôlé par les États-Unis. La Chine est une civilisation formidable et juste qui lutte pour la prospérité de son peuple. La Chine et les États-Unis ont tout intérêt à travailler ensemble. Toutes les autres options sont folles et autodestructrices. »
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« Un grand nombre de sociétés américaines devront revoir à la baisse leurs prévisions de bénéfices »
Kevin Hassett, président du conseil de conseil économique de Trump, a également mis en garde jeudi contre un désastre encore plus imminent dans la guerre commerciale entre Washington et Beijing. Il a déclaré que l’avertissement d’Apple concernant des ventes décevantes adressé mercredi soir était « une chose à laquelle on pouvait s’attendre ». « Si les deux pays ne parviennent pas à un accord rapidement, un grand nombre d’entreprises américaines devront revoir à la baisse leurs prévisions de bénéfices », a déclaré Hassett. « Mais le ralentissement de l’économie chinoise pousse la Chine à un ‘deal' », a déclaré l’américain.
« La Chine vole environ 500 milliards de dollars de propriété intellectuelle par an »
« La situation est grave car, selon le Conseil économique et social, la Chine vole quelque 500 milliards de dollars de propriété intellectuelle par an et, à cause de nos actions, elle fait maintenant face à un sérieux ralentissement. On peut même parler de récession. »
« Trump est maintenant le Dr. Strangelove des marchés financiers »
Sur le site Project Syndicate, Nouriel Roubini, professeur d’économie à l’Université de New York, et l’un des rares économistes à avoir prédit la crise mondiale de 2007, ce qui lui a valu depuis son surnom de « Docteur Doom », écrit « que les marchés financiers semblent enfin avoir compris que Donald Trump est président de l’Amérique ».
« Jusqu’à présent, les investisseurs pensaient que Trump ne ferait qu’aboyer, et ne mordrait pas (…) et beaucoup faisaient confiance aux ‘adultes dans la pièce’ pour le garder sous contrôle », écrit Roubini. « Ces hypothèses ont été plus ou moins vérifiées, pendant la première année de mandat de Trump, lorsque la croissance économique et l’augmentation attendue des bénéfices des sociétés – résultant des réductions d’impôt à venir et de la déréglementation – ont entraîné une solide performance du marché boursier. (…) Mais les choses ont radicalement changé en 2018, et plus particulièrement au cour des derniers mois. (…)
Trump est maintenant le Dr. Strangelove des marchés financiers. Comme le fou paranoïaque du film classique de Stanley Kubrick, il flirte avec la destruction économique assurée mutuellement. (…)
En l’état actuel des choses, le risque d’un conflit géopolitique à grande échelle avec la Chine ne peut être exclu. Une nouvelle guerre froide conduirait effectivement à la dé-mondialisation, à la perturbation des chaînes d’approvisionnement existantes dans le monde, mais plus particulièrement dans le secteur de la technologie, comme l’indiquent les récentes affaires avec ZTE et Huawei.
Maintenant que les marchés voient le danger, le risque d’une crise financière et d’une récession mondiale s’est accru.
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