Pourquoi Huawei donne des cauchemars aux pays occidentaux

Cette semaine, Meng Wanzhou, la CFO de la société chinoise de télécommunications Huawei, a été arrêtée au Canada samedi dernier. Cette arrestation risque de raviver les tensions entre Washington et Pékin, compte tenu de son statut, car elle est la fille du fondateur de l’entreprise, Ren Zhengfei. Et derrière cette affaire, se profilent les craintes des agences de renseignement occidentales. 

Meng (46 ans) est accusée d’avoir permis la vente d’équipements de télécommunications contenant des composants fabriqués aux Etats-Unis à l’Iran. Elle fait maintenant l’objet d’une demande d’extradition de la part des Etats-Unis.

Meng est membre de l’élite de la nomenklatura chinoise

L’affaire ne serait sans doute pas si remarquable si la directrice financière de Huawei n’était pas la fille de Ren Zhengfei, fondateur de Huawei, l’un des hommes les plus influents de Chine, et la petite-fille d’un ancien vice-gouverneur de la province du Sichuan. Nommée vice présidente de Huawei au début de cette année, elle est pressentie pour succéder à son père, qui est âgé de 74 ans.

C’est donc rien de moins que l’une des membres de l’élite de la nomenklatura chinoise à laquelle les autorités canadiennes se sont attaquées, alors même que le le président américain Donald Trump avait célébré le même jour la trêve qu’il avait conclue avec son homologue chinois Xi Jinping dans la guerre commerciale américano-chinoise.

En outre, Huawei joue un rôle de premier plan dans les projets de Xi visant à faire de son pays un acteur dominant sur la scène mondiale des nouvelles technologies, notamment la 5G. Pékin n’a d’ailleurs pas tardé à réclamer des explications, et à exiger la libération de Meng. L’Empire du Milieu a également évoqué une atteinte aux droits de l’homme.

Pékin sa prévu d’envoyer des négociateurs commerciaux aux États-Unis la semaine prochaine pour plancher sur un règlement sur les échanges entre les deux pays, négocier des droits de douane. Cette affaire pourrait donc doter Trump d’une monnaie d’échange pour obtenir des concessions de Xi.

© EPA

L’enjeu de la 5G

Derrière ces circonstances, se dissimule un autre aspect : plusieurs pays occidentaux ont fait part de leur inquiétude concernant le fabricant d’équipements de télécommunications. Ils le soupçonnent d’entretenir des liens étroits avec le gouvernement chinois et s’inquiètent que celui-ci n’exploite ses relations avec la firme pour s’immiscer dans leurs réseaux de télécommunications.

Huawei a en effet conclu de nombreux contrats dans les pays européens avec des opérateurs de téléphonie tels que Dutch Telekom ou Vodafone, dans le cadre du déploiement des réseaux de la 5G l’année prochaine.

Non seulement ils permettront d’accélérer les transferts de données, mais les réseaux 5G permettront également d’améliorer la communication et la coordination des voitures autonomes, feux de circulation, réseaux de robots dans les usines, ou matériels militaires, entre autres. Le nombre d’appareils interconnectés devrait donc s’étendre considérablement, ce qui implique que les conséquences d’un piratage en seraient aggravées.

Huawei est soupçonnée de menacer l’intégrité des infrastructures des réseaux de communications

Huawei a également été soupçonnée de pratiquer l’espionnage pas le passé, et s’en est défendue, clamant qu’elle était  indépendante et ne donnait pas accès à ses équipements au gouvernement chinois. Mais les structures de sa direction demeurent opaques, et le fait que Ren Zhengfei ait été par le passé officier dans l’Armée populaire de libération de la Chine ne semble pas très rassurant.

La firme est le plus grand fabricant du monde de stations de base et d’antennes, des matériels que les opérateurs mobiles utilisent pour faire fonctionner les réseaux sans fil. Ces réseaux transportent des données nécessaires au fonctionnement d’un certain nombre d’infrastructures vitales : réseaux électriques, marchés financiers, système de transport… etc.

Certains craignent donc que des portes dérobées (sous forme de logiciels ou de matériels) aient été installées sur ces équipements, qui permettraient à la Chine de porter atteinte à ces réseaux pour désorganiser le pays en question en cas de crise. Un autre type de porte dérobée pourrait être également utilisé pour mener des écoutes et collecter des informations sensibles. 

Les grandes puissances occidentales inquiètes

Or, au mois de juillet, une instance britannique chargée de la supervision en matière de cybersécurité a indiqué qu’elle ne pouvait plus garantir que les équipements fournis par le fabricant chinois ne pourraient pas compromettre la sécurité nationale. Cet aveu a provoqué la suspicion du gouvernement britannique, et désormais, la firme lutte pour ne plus être écartée du marché la 5G au Royaume-Uni. Les gouvernements allemands et français témoignent des mêmes préoccupations.

Au début de cette année, des responsables des agences de renseignement américaines avaient déconseillé aux citoyens d’utiliser des Smartphones Huawei ou ZTE pour les mêmes raisons. Plus récemment, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont  interdit l’utilisation d’équipements Huawei dans leur infrastructure 5G.

© EPA

Plus