“Les Etats-Unis envisagent d’exclure l’Iran de SWIFT, et cela pourrait avoir des retombées sur l’UE (et la Belgique)”

L’administration Trump prépare une nouvelle salve de sanctions financières à l’encontre l’Iran, qui pourraient être imposées d’ici la fin de cette année. L’Europe, et en particulier la Belgique, doivent se préparer : elles pourraient être directement concernées par ces nouvelles mesures.

Selon un haut fonctionnaire de la Maison Blanche, ces nouvelles sanctions pourraient en effet porter sur les services de messagerie financières, comprenez, sur le système SWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication).

SWIFT a son siège à Bruxelles

SWIFT est un système qui connecte 11.000 banques de plus de 210 pays à travers le monde, en leur fournissant l’infrastructure nécessaire pour leurs opérations interbancaires. La plupart des opérations impliquant deux banques différentes sont gérées par l’intermédiaire de ce système. En juin 2018, il a ainsi pris en charge 31,97 millions de messages quotidiens. Comme SWIFT a son siège à Bruxelles, il est soumis à la loi belge, et donc à la loi européenne.

L’Iran avait été exclu de SWIFT en 2012

L’Iran avait déjà été exclu de ce système en 2012, suite aux sanctions imposées par l’UE à la République islamique et avait dû revenir au système de la “hawala” (‘transfert’, en arabe), un système traditionnel de paiement informel peu commode. En conséquence, compte tenu de la difficulté pour les étrangers de conclure des contrats commerciaux avec ce système, les recettes du pétrole s’étaient effondrées, passant de 92,5 milliards de dollars en 2011 à 52 milliards de dollars en 2012. La République islamique avait été reconnectée au réseau global en 2016, à la suite de la signature de l’accord nucléaire avec l’administration Obama en 2015.

S’il est de nouveau privé de son accès à SWIFT, le pays ne pourra plus effectuer de règlements à travers le monde, ni recevoir d’argent d’autres pays. L’exclusion risque également de supprimer toute possibilité de financement extérieure. Mark Dubowitz, qui préside le think tank Foundation for Defense of Democracies, a affirmé au site Axios que l’administration Trump a la ferme intention d’utiliser tous les moyens à sa disposition pour étrangler financièrement et économiquement le régime des ayatollahs.

De possibles sanctions individuelles contre les administrateurs de SWIFT

En mai 2018, lorsque les Etats-Unis se sont retirés de l’accord nucléaire, les Européens, désireux de maintenir son existence, se sont assurés que les banques iraniennes avaient conservé leur accès au système SWIFT. Comme l’UE, l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, la Chine et la Russie n’avaient pas dénoncé l’accord nucléaire de leur côté, SWIFT n’avait pas été obligé d’exclure les banques iraniennes de son réseau.

Même si l’Iran était douloureusement affecté par les sanctions économiques américaines, il pouvait toujours continuer de recevoir les paiements pour son pétrole, ce qui assurait la subsistance du pays. Mais des officiels du gouvernement américain affirment que les sanctions pourraient être dirigées contre les dirigeants de SWIFT s’ils maintiennent les banques iraniennes dans le réseau de télécommunications interbancaire.

SWIFT est dirigée par un conseil d’administration, composé de cadres supérieurs des plus grandes banques mondiales. En novembre, il devra se prononcer sur la suite à donner à ces nouvelles menaces. “Indépendamment des opinions des dirigeants politiques européens, SWIFT voudra peut-être protéger l’intégrité de sa plate-forme de messagerie financière contre les activités financières illicites des banques iraniennes qui seront à nouveau sanctionnées par l’administration », affirme Dubowitz.

Dans le cas contraire, le président américain pourrait décider de prendre des sanctions individuelles contre les dirigeants de l’Institution, comme les Etats-Unis l’avaient déjà fait par le passé contre les dirigeants de Citi etJ.P. Morgan, spécule le site Axios.

« Les USA n’ont pas intérêt à exclure l’Iran de SWIFT »

En mai, Leonid Bershidsky de Bloomberg avait souligné que les Etats-Unis prendraient un risque s’ils décidaient de sanctionner SWIFT directement : “Si l’on ne pouvait plus compter sur SWIFT, il y aurait une forte demande pour des systèmes d’information sur les transactions alternatifs, tels que ceux offerts par les startups de blockchain et les États autoritaires pour combler le vide. Selon certains rapporte, la Russie et l’Iran se pencheraient déjà sur des systèmes de paiement basés sur la blockchain comme alternative à SWIFT et comme moyen d’éviter les transactions en dollars. La Russie a mis au point une alternative à SWIFT à usage domestique, qu’elle commence à imposer aux banques et aux entreprises de l’Union eurasienne, un petit groupe de pays qui ont créé une zone de marché libre avec la Russie. L’intérêt de ce système, c’est que les messages sont bien moins chers que sur SWIFT”.

“Cette question ne suscite pas beaucoup d’attention pour le moment, mais elle pourrait devenir l’une des plus grosses bagarres entre l’administration Trump et l’UE”, conclut Axios.

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