Jusqu’à présent, la Chine est toujours restée à l’écart des conflits régionaux au Moyen-Orient, louvoyant habilement diplomatiquement pour ne fâcher personne. Mais graduellement, l’Empire du Milieu se montre plus actif dans cette région.
Depuis que Xi est arrivé au pouvoir, les Chinois ont créé des groupes de réflexions qui s’intéressent au Moyen-Orient, et des bourses d’études pour aider les étudiants chinois à apprendre l’arabe. Des chefs d’entreprises chinois ont également commencé à s’installer au Moyen-Orient et à y ouvrir des usines.
Une chose est sûre : le récent renouvellement de mandat de président sans limitation de durée de Xi Jinping assure une certaine stabilité à ses décisions.
Le projet « Belt and Road »
Or, son gigantesque projet de « nouvelle route de la soie », « Belt and Road », vise à relier l’Empire du milieu à l’Occident. Il prévoit la construction d’un réseau de routes, de ports, de sites énergétiques et de voies ferrées, devrait s’étendre à travers l’Asie, l’Europe, et l’Afrique. De ce fait, il englobe une partie du Moyen-Orient, et devrait l’obliger à s’impliquer davantage.
Le projet « Belt and Road » intègre une voie ferrée du Kazakhstan à l’Iran, vouée à jouer un rôle de premier plan pour intégrer l’Asie centrale au Moyen-Orient. La Chine a également signé un accord de principe les Emirats Arabes Unis pour créer une place de bourse, le « Belt and Road Exchange ». Cette plateforme aurait pour objectif de financer les entreprises et les investisseurs impliqués dans le projet « Belt and Road ».
La Chine prête à prendre le contrôle du plus grand gisement de gaz naturel du monde
De même, le retrait des États-Unis de l’accord nucléaire iranien ouvre de nouvelles opportunités pour la Chine. Celle-ci est en effet le plus gros importateur de pétrole brut iranien (mais aussi celui du pire ennemi de ce dernier, l’Arabie Saoudite…), et elle a beaucoup investi dans la région pour assurer ses ressources énergétiques.
Les entreprises européennes devraient être les plus affectées par les sanctions américaines visant les entreprises et les nations qui font des affaires avec l’Iran. Leur départ ouvre de nouvelles opportunités à la Chine et la Russie, deux pays qui ne s’embarrasseront probablement pas des sanctions américaines.
Or, le pétrolier et gazier chinois, China National Petroleum Corporation (CNPC), avait signé un accord de partenariat avec le groupe pétrolier français Total pour exploiter le gisement de gaz naturel de South Pars, le plus grand gisement de gaz naturel du monde, au sud de l’Iran. Si Total, qui a réalisé un investissement de 1 milliard de dollars (environ 830 millions d’euros) sur ce contrat, et qui détient 50,1 % des participations, devait y renoncer en raison des sanctions américaines, CNPC, qui possède actuellement 30 % des parts (PetroPars, une filiale de la compagnie pétrolière publique iranienne NIOC, détient les 19,9 % restants), pourrait reprendre le flambeau. Elle a déjà fait savoir qu’elle était prête à cette éventualité.
La Chine établit des bases militaires en Afrique du Nord
La Chine est également en train de s’ériger en puissance navale au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. En effet, au cours des 10 dernières années, elle a tiré parti d’un effort international contre la piraterie pour augmenter sa présence maritime dans la région. Ce contexte lui a donné matière pour développer des relations avec les pays du golfe, pour des raisons logistiques, et afin de s’approvisionner en carburant.
En novembre 2017, une base militaire chinoise édifiée à Djibouti a ouvert ses portes. « La Chine a beaucoup misé sur Djibouti et sa position stratégique dans la Corne de l’Afrique. En cinq ans, Pékin a injecté quelque 14 milliards de dollars (11 milliards d’euros) dans l’économie djiboutienne », rappelle Le Monde. Le journal français cite Benjamin Barton, professeur de relations internationales à l’Université de Kuala Lumpur, qui explique qu’outre un premier port militaire, Djibouti offre une porte de sortie pour les expatriés chinois en cas de menace de guerre ou de crise grave.
Pékin aurait entamé des négociations avec la Namibie pour y construire une seconde base militaire, mais aussi avec le Sultanat d’Oman. L’empire du milieu convoite également les immenses chantiers qui devront s’ouvrir pour reconstruire la Syrie, lorsque les combats seront terminés. Il y en aurait pour 200 milliards de dollars (environ 166 milliards d’euros), en routes, écoles, réseaux d’assainissements, ou encore hôpitaux.
Un pays « qui a joué sur les deux tableaux »
Enfin, la Chine n’a pas d’ennemis au Moyen-Orient, du moins, pas encore. Le pays « a joué sur les 2 tableaux du conflit entre l’Iran et les pays du Golfe ; il ne se salira pas les mains en Syrie », explique Dan Blumenthal, ex-directeur de la Chine au ministère de la Défense américain, qui collabore aujourd’hui à l’American Enterprise Institute. Au conseil de sécurité des Nations unies, 6 des 11 vetos placés par la Chine depuis 1971 portaient sur des résolutions concernant la Syrie, rappelle de son côté le South China Morning Post.
« L’un des pires palmarès du monde concernant les droits humains des musulmans »
Mais le pays ne pourra pas rester neutre indéfiniment. De plus en plus de citoyens chinois expatriés sont attaqués par des terroristes. D’un autre côté, Pékin surveille de près les 10 millions de musulmans Ouïgours, une ethnie musulmane turcophone, établie dans le sud du Xinjiang, au nord du pays. Suivant les ordres du président Xi de « frapper les premiers » contre l’extrémisme islamiste après des attaques meurtrières impliquant des Ouïgours en 2013 et 2014, ainsi que des rapports sur des militants Ouïgours partis combattre en Syrie, la région est devenue l’un des endroits les plus surveillés du monde, et les violations des droits de l’homme y sont récurrentes.
« La Chine a l’un des pires palmarès du monde concernant les droits des musulmans. La question qui se pose est combien de temps les pays à majorité musulmane pourront-ils tourner le dos à tout cela? », se demande Blumenthal.