En Espagne, le Premier ministre socialiste Pedro Sanchez a décidé de convoquer des élections législatives anticipées. Mercredi, son projet de budget a été retoqué par le Parlement, ses alliés catalans ayant voté contre. Ces élections législatives seront les troisièmes en moins de 4 ans.
Investi depuis à peine 8 mois, le dirigeant socialiste aura dirigé le gouvernement « le plus court de l’histoire de l’Espagne démocratique », notent plusieurs médias.
Le soutien à double tranchant des indépendantistes catalans
Sanchez avait eu besoin du soutien des indépendantistes catalans pour soutenir sa motion de censure, et composer une majorité avec les socialistes, la gauche radicale, et les nationalistes basques. Cette majorité, quoique fragile, avait permis d’écarter du pouvoir Mariano Rajoy, le Premier ministre d’alors.
Le soutien des Catalans était conditionnel, et leur principale motivation était la perspective de mettre fin à l’ère Rajoy (qui, en vertu de l’article 155, privait les Catalans de leur autonomie). Le président de la Generalitat de Catalunya, Quim Torra, était en effet convaincu que Sanchez pourrait faire avancer la question catalane.
Mais cette « période de grâce » n’aura duré que quelques mois. Dès le début, Torra avait exigé que Sánchez promette d’organiser un «référendum internationalement reconnu sur l’autodétermination de la Catalogne» en novembre. Il avait menacé le Premier ministre de lui retirer son soutien s’il refusait de se plier à cette demande.
La victoire de Vox a compliqué la donne
Entretemps, le parti d’extrême droite Vox a remporté une victoire historique aux élections régionales de l’Andalousie, au mois de décembre. Or, ce parti défend ardemment l’unité de l’Espagne, et dans son programme, la première des propositions prévoit « de suspendre l’autonomie de la Catalogne jusqu’à la défaite des putschistes ».
Les indépendantistes catalans ont donc reproché au gouvernement espagnol de ne pas avoir respecté sa promesse de dialogue et de céder à la pression de l’extrême droite.
La presse espagnole redoute maintenant une nouvelle période d’instabilité, et juge que la date des élections sera cruciale. Le PSOE, le parti socialiste espagnol, n’a recueilli que 84 sièges lors des dernières élections, et risque une nouvelle défaite cuisante. Selon les observateurs, une date lointaine l’expose davantage au risque d’un nouveau fiasco.
Un « superdomingo » combinant plusieurs élections ?
Pour El Pais, les élections devraient avoir lieu le dimanche 26 mai, surnommé « superdomingo » par le quotidien. A cette date, les Espagnols devaient déjà voter non seulement pour choisir leurs députés européens, mais aussi pour élire leurs maires et leurs députés des chambres des régions autonomes. La combinaison de multiples élections sur la même journée pourrait permettre d’améliorer le taux de participation. Il y a fort à parier que les Espagnols commencent à ressentir une certaine lassitude au fil des convocations aux élections qui se succèdent de plus en plus rapidement.
Des élections anticipées qui n’arrangent ni l’UE, ni la Grande-Bretagne
Ces élections anticipées n’arrangent guère les affaires de l’UE. Si, après l’Italie, la quatrième économie de la zone euro tombe également en crise politique, les marchés financiers risquent de prendre peur. Cela pourrait faire grimper les taux d’intérêt, et déclencher potentiellement une nouvelle crise de la dette au sein de la zone monétaire.
La dissolution du gouvernement Sanchez n’arrange pas non plus le gouvernement britannique. Car les partis espagnols pourraient s’emparer du Brexit pour s’écharper sur la question de Gibraltar.
Sanchez lui-même l’avait employé comme moyen de pression lorsqu’il avait menacé la Première ministre britannique Theresa May d’opposer son veto à un possible accord sur le Brexit entre la Grande-Bretagne et l’UE. Ce faisant, Sanchez cherchait à rouvrir des négociations sur une possible souveraineté partagée sur le Rocher, une ambition de longue date de l’Espagne. La Grande-Bretagne avait été contrainte de préciser par écrit qu’un éventuel accord commercial entre le Royaume-Uni et l’UE n’inclurait pas nécessairement Gibraltar.
Dans sa course folle contre un « no-deal Brexit », la Première ministre britannique a déséspérément besoin du soutien de l’Espagne pour arracher un accord avec l’UE, ou repousser l’entrée en vigueur du Brexit. Et les politiciens espagnols ne laisseront sans doute pas passer cette opportunité pour obtenir gain de cause.