L’initiative de Biden pour contrecarrer les « nouvelles routes de la soie » chinoises se dessine, mais certains pays comptent jouer sur les deux tableaux

Durant le sommet du G20 qui s’est tenu au début du mois à New Delhi, le président américain Joe Biden a annoncé le lancement d’un nouveau réseau d’interconnexion entre l’Inde, le Moyen-Orient, et l’Europe. Objectif assumé : contourner la Chine, avec l’aide indienne. Mais les flux économiques ne sont pas des flèches sur un champ de bataille.

Pourquoi est-ce important ?

Sur la scène économique internationale, le groupe des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) est vu de plus en plus comme un pôle concurrent au G7 (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni). Sauf qu'aucun de ces pôles n'est uni comme au sein d'une alliance militaire et, surtout, le reste du monde n'est pas forcé de choisir son camp. L'Inde soutient ainsi l'initiative de Biden face à son rival chinois, et les plus petits acteurs comptent bien jouer sur les deux tableaux pour leur propre prospérité.

Des rails de l’Inde à l’UE, et aussi en Afrique

Dans les faits : on en sait plus sur les corridors économiques que Biden voudrait tracer sur la carte du monde pour contrecarrer ceux de l’initiative « Belt and Road » chinoise, vieille de 10 ans.

  • Le premier, à l’est, doit connecter l’Inde aux pays du Moyen-Orient par un grand réseau ferroviaire.
  • Une branche au nord doit ensuite relier ceux-ci à l’Union européenne, avec là aussi un chantier ferroviaire pour compléter les voies maritimes existantes.
  • Biden a également annoncé un autre partenariat avec l’Union européenne pour une nouvelle ligne de chemin de fer dans le sud de la République démocratique du Congo et le nord-ouest de la Zambie via le port de Lobito en Angola, détaille CNBC.

Les premiers signataires de ce grand plan sont connus : l’Inde, les Émirats arabes unis, l’Arabie Saoudite, la Jordanie, Israël et l’Europe. Pourtant le premier de ces pays est un membre des BRICS, et le second se retrouve régulièrement en froid avec les USA sur la question de l’approvisionnement en pétrole. De quoi inquiéter Pékin ? Pas forcément.

Économie n’est pas idéologie

« Nous ne nous dirigeons pas vers un monde BRICS contre G7. La Chine a remporté une victoire importante lors du sommet des BRICS, obtenant l’invitation de six pays supplémentaires à rejoindre le groupe — malgré d’importantes réserves du Brésil, de l’Inde et de l’Afrique du Sud. Mais presque tous les BRICS+ s’opposent à l’idée d’une organisation dirigée par la Chine et ne veulent pas que l’adhésion aux BRICS limite leurs relations diplomatiques et économiques existantes — et dans la plupart des cas croissantes — avec les membres du G7. »

Ian Bremmer, fondateur et président du cabinet de conseil en risques politiques Eurasia Group

En économie, on ne choisit pas vraiment son camp : on profite des opportunités.

  • Pour l’Arabie saoudite, les USA restent un allié, certes, mais le pays dispose de ces intérêts propres, fort liés aux flux de pétrole, et il ne compte pas rompre totalement avec un partenaire de l’OPEP+ (la Russie) ou un très bon client (la Chine), même si les nouvelles connexions proposées par Biden lui profitaient amplement.
  • On peut d’ailleurs aussi noter que durant la G20, le président turc Erdogan a rappelé qu’on pouvait difficilement tracer un corridor Europe-Asie sans passer par son pays, d’autant plus quand on veut ouvertement contourner la Russie. Pourtant la Turquie n’a pas été conviée à signer ce traité – pour l’instant.

C’est dans ce contexte qu’une rencontre sino-américaine se dessine à Malte. Des entretiens « francs, substantiels et constructifs » ont eu lieu en prélude à une éventuelle rencontre entre Joe Biden et Xi Jinping en novembre, note The Guardian. Les deux grandes puissances actuelles (la Russie n’en est plus vraiment une) continuent à se parler, même si elles placent leurs pions. Mais il ne faut pas perdre de vue que chacun de leurs partenaires joue sa propre partie, avec ses liens et ses flux économiques qui lui sont propres.

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