Les vacances d’été, c’est le moment idéal pour les équipes de communication expérimentées de révéler ou de lancer quelque chose. Au CD&V, le vice-Premier ministre Vincent Van Peteghem a déjà pleinement exploité le mécontentement concernant le faible taux d’intérêt sur les livrets d’épargne pour promouvoir son bon d’État, une obligation d’un an émise par le gouvernement. Une véritable ruée a suivi : 22 milliards d’euros levés, soit environ 5 % de l’argent qui se trouvait sur les livrets d’épargne.
- Immédiatement, Van Peteghem a réussi à transformer sa défaite concernant la réforme fiscale et à entamer la nouvelle saison politique avec un peu plus d’éclat. Quelques critiques ont été émises, mais aucun membre du CD&V ne semble y prêter attention.
- Pourtant, les critiques sont venues de plusieurs horizons. L’une des plus piquantes venait peut-être d’Eric Kirsch, qui a été le chef de cabinet de Jean-Luc Dehaene (CD&V) pendant de nombreuses années, puis directeur général des Finances. Il a suggéré que la « performance » de Van Peteghem, qui a soudainement accordé une réduction fiscale à au bon d’État, était plutôt arbitraire. Car la retenue à la source sur ce bon d’État est passée soudainement de 30 à 15 %, offrant ainsi un bonus aux épargnants.
- Sauf que c’est une possible discrimination envers d’autres investisseurs, a fait valoir Kirsch dans une tribune publiée dans De Tijd. Il a également critiqué le fait que cela soit difficilement compatible avec le principe général selon lequel les contribuables les plus aisés doivent supporter la charge fiscale la plus lourde. Car qui profite de ce bonus fiscal ? La souscription moyenne avoisine les 30.000 à 35.000 euros, ce qui ne correspond pas vraiment à des personnes dans le besoin.
Fair play
- De plus, le professeur Gert Peersman de l’UGent a fait remarquer que pour le gouvernement en lui-même, ce bon d’Etat n’est en aucun cas idéal. Car l’argent sert à financer la dette, mais il s’agit d’une dette à court terme, d’une durée d’un an : cela signifie qu’elle devra être remboursée à nouveau dans un an, alors que les taux d’intérêt à long terme sont beaucoup plus bas et donc plus avantageux pour lui. De plus, personne ne sait quel taux d’intérêt la Belgique devra payer dans un an sur de nouvelles dettes.
- Le gouvernement, avec le gouverneur de la Banque nationale Pierre Wunsch, mais aussi le chef de l’Agence de la dette Jean Deboutte, a déjà indiqué que trop d’argent avait été levé. La Belgique va réinvestir cet argent « avec un impact positif sur nos revenus », promet Van Peteghem. Mais Wunsch a déclaré ce matin sur Radio 1 « que l’opération ne devrait pas se répéter, car il y a actuellement trop d’argent dans les caisses » . Et, comme l’a souligné Peersman, « l’objectif ne peut pas être de détenir trop de dettes à court terme ».
- D’ailleurs, Wunsch, un libéral, n’a pas été très subtil sur ce dont Kirsch avait déjà parlé, à savoir un cadeau fiscal pour les plus fortunés : « Je trouve que le bon d’État est une pratique équitable. Les Belges sont sensibles à un avantage fiscal. »
- Le secteur bancaire a réagi de manière quelque peu cynique, bien que des milliards aient quitté ses caisses. Marc Raisière, le CEO d’une banque publique (Belfius), a tranquillement fait savoir qu’il s’attendait maintenant à ce que les banques augmentent leurs taux de crédit hypothécaire en réaction aux fonds qui ont migré vers le bon d’État.
- Il convient de noter qu’avec une inflation belge de 4,1 %, le bon d’État n’est toujours pas un produit d’investissement qui laisse le souscripteur en meilleure posture à la fin de l’équation, et qu’aucune grande banque n’a pour le moment relevé le taux d’épargne, suite à l’émission de l’obligation.
(SR)