Vladimir Poutine et Kim Jong Un prêts à élever leur relation au niveau supérieur : une réelle menace ou un aveu de faiblesse de Moscou ?

La Maison-Blanche est persuadée que les deux dictateurs se rencontreront plus tard ce mois-ci et brandit un échange de lettres pour attester de leur collaboration approfondie au sujet des armements. Une double menace pour Washington, qui voit d’un bien mauvais œil le rapprochement de ses deux ennemis.

Dans l’actu : Selon la porte-parole du Conseil national de sécurité des États-Unis, Adrienne Watson, Vladimir Poutine et Kim Jong Un se réuniront pour discuter armements plus tard ce mois-ci.

  • Cette rencontre devrait avoir lieu à Vladivostok, à l’extrême est de la Russie, au nord de la Corée du Nord.
  • Pas de date précise, mais la réunion se tiendrait à l’occasion de Forum économique de l’Est, du 10 au 13 septembre, sur le campus de l’Université fédérale de l’Extrême-Orient, avance le New York Times.
  • Le leader nord-coréen s’y rendrait en train blindé depuis la capitale nord-coréenne, Pyongyang. Un trajet qui sera placé sous très haute sécurité : les ennemis de Kim Jong Un sont nombreux.
  • Cette rencontre découle sans doute de la venue du ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, en Corée du Nord fin juillet. Après l’avoir accueilli « chaleureusement » à Pyongyang, Kim Jong Un a avancé des idées pour renforcer leur coopération militaire et avait évoqué le désir de voir Poutine effectuer une visite dans son pays. En réplique, le ministre russe de la Défense a proposé que Kim Jong-un fasse le déplacement en Russie.
  • « Pourquoi pas, ce sont nos voisins. Il y a un vieux dicton russe : on ne choisit pas ses voisins et il vaut mieux vivre en paix et en harmonie avec ses voisins« , a déclaré lundi Sergueï Choïgou, cité par l’agence de presse Interfax, confirmant les craintes de Washington.

Entre les lignes : À quoi jouent Vladimir Poutine et Kim Jong Un ?

  • La dernière rencontre entre les deux leaders en Russie remonte à avril 2019, bien avant l’invasion de l’Ukraine. Elle a lieu à Vladivostok également.
  • Selon le porte-parole du Conseil national de sécurité américain John Kirby, « les négociations d’armement entre la Russie et la Corée du Nord progressent activement ». Washington est persuadé que Poutine ambitionne de persuader Kim Jong-un d’envoyer en Russie des munitions d’artillerie et des missiles antichars. Selon Washington, les deux dirigeants ont exploré la possibilité d’une éventuelle vente d’armes à travers… des échanges épistolaires. Interrogé également sur la possibilité d’exercices conjoints entre les deux pays, Choïgou aurait répondu que cela était « bien sûr en discussion ».
  • De son côté, le dirigeant nord-coréen nourrit l’espoir que la Russie lui fournisse des technologies de pointe pour les satellites et les sous-marins à propulsion nucléaire. Il cherche également une aide alimentaire pour son pays, qui est économiquement affaibli et affame ses citoyens.
  • Et ce partenariat pourrait s’étendre à une tierce partie : l’agence de renseignement sud-coréenne avait précédemment affirmé que Choïgou, lors de sa visite à Pyongyang, avait proposé à Kim que leurs pays organisent un exercice naval en collaboration avec la Chine.

« La contre-offensive est un échec »

La réalité : Vladimir Poutine a cruellement besoin du soutien militaire de son ami nord-coréen.

  • Plus d’un an et demi après le début de l’invasion de l’Ukraine, toujours pas de victoire à l’horizon pour l’agresseur russe. Les Ukrainiens tiennent bon et ont lancé plusieurs contre-offensives de succès, bien que la dernière s’enlise depuis de longs mois.
  • La Russie dépense sans compter pour garder la face et maintenir sa fierté dans ce conflit qui n’en finit plus. Si les données économiques du pays restent obscures et en grande partie confidentielles, les dépenses pour l’armement ont véritablement explosé, quitte à sacrifier d’autres secteurs de l’économie – et les citoyens russes.
  • Lundi, le président russe a à nouveau qualifié la contre-offensive ukrainienne « d’échec » après une réunion avec le président turc Recep Tayyip Erdogan au sujet de l’accord céréalier.
    • Il a minimisé l’importance de la contre-offensive ukrainienne, qui a pourtant repris plusieurs centaines de kilomètres carrés de territoire depuis son lancement en juin de l’année précédente.
    • Poutine estime que l’Ukraine a subi des pertes considérables dans sa tentative de reprendre du territoire, principalement dans le sud pour briser le corridor entre le Donbass et la Crimée annexée.
    • De son côté, le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, a souligné que l’armée russe avait détruit des chars ukrainiens et des drones sous-marins. En réponse, le ministre de la Défense ukrainien sortant a affirmé que plus de 50 % du territoire occupé par la Russie avait été libéré par l’Ukraine au cours de la première phase du conflit.
  • Dans cette guerre aussi bien d’armements que de communication, les signes ne trompent pas : si Vladimir Poutine cherche à se rapprocher de Kim Jong Un, c’est bien car il a besoin de son aide pour obtenir des munitions d’artillerie et repousser la contre-offensive ukrainienne.
  • Ce n’est pas tout : la Russie cherche également à s’appuyer sur cette collaboration pour contourner les sanctions américaines et occidentales qui rendent plus difficile la poursuite de sa guerre.
  • Ce faisant, il espère sans doute faire peur à l’ennemi américain (et, plus largement, à l’Occident), qui scrute ses moindres faits et gestes pour prévenir ses prochaines actions. C’est certainement réussi, tant une rencontre entre ces deux hommes aussi puissants qu’imprévisibles menace l’Occident. Leur adversaire commun les rapproche inéluctablement.

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