10 raisons pour lesquelles l’impôt sur les plus-values n’est pas une bonne idée d’un point de vue économique

La semaine dernière, le gouvernement fédéral est (enfin) parvenu à un accord sur l’introduction d’une taxe sur les plus-values réalisées sur les actions. En résumé, il s’agit d’une taxe de 10 pour cent sur les plus-values, avec une exemption de pied de 10 000 à 15 000 euros, et des exceptions pour les entrepreneurs (avec un intérêt substantiel). En rythme de croisière, cela devrait rapporter 500 millions d’euros par an en termes budgétaires.

Le gouvernement introduit ainsi une taxe qui existe depuis longtemps dans la plupart des autres pays industrialisés. Il ne s’agit donc pas du drame économique que certains en font. D’un autre côté, il est également difficile de voir comment cet impôt sur les plus-values s’inscrit dans des politiques fiscales, économiques ou budgétaires raisonnables. Voici 10 raisons pour lesquelles le nouvel impôt sur les plus-values n’est pas une bonne idée d’un point de vue économique :

1. Il ne contribue pas à notre potentiel de croissance, bien au contraire

Le potentiel de croissance de notre économie est le principal déterminant de notre prospérité future. Les perspectives actuelles sont peu encourageantes à cet égard. Pour les années à venir, nous tablons sur un taux de croissance d’environ 1 pour cent par an, ce qui est trop faible pour faire face à tous les défis qui nous attendent. L’impôt sur les plus-values est un impôt supplémentaire sur l’esprit d’entreprise, sur la prise de risque, sur la prise d’initiative, et il inhibe donc ce type d’activité qui favorise la croissance. Bien que l’impact réel sur la croissance de notre économie soit difficile à estimer pour l’instant, il ne sera certainement pas positif.

2. Un frein supplémentaire à l’esprit d’entreprise

Par rapport au reste de l’Europe, l’économie belge est moins performante pour toutes sortes d’indicateurs de l’esprit d’entreprise. Par exemple, nous avons le plus petit nombre de start-ups et le plus petit nombre de jeunes entreprises à croissance rapide de toute l’Europe. Cela a également un impact négatif sur le potentiel de croissance de notre économie. Nos politiques devraient viser à encourager l’esprit d’entreprise autant que possible. Il est évident qu’une taxe supplémentaire sur l’esprit d’entreprise ou sur l’apport de capitaux à l’esprit d’entreprise ne sera d’aucune utilité.

3. Une autre couche de complexité

L’un des principaux problèmes de notre système fiscal est sa grande complexité : il s’agit d’une combinaison de nombreuses réglementations différentes, avec des taux variables et de nombreuses exceptions. D’un point de vue économique, cela engendre des coûts inutiles dans l’application de la fiscalité et des ajustements comportementaux inefficaces (pour éviter les impôts). Cela se traduit par des dommages économiques supplémentaires. La théorie de la fiscalité optimale suggère que nous devrions nous orienter vers une complexité beaucoup moins grande, avec des taux plus bas et moins d’exceptions, afin de réduire ces dommages économiques inutiles. Cette taxe sur les plus-values fait exactement le contraire, en ajoutant une nouvelle couche de complexité.

4. Les décisions d’investissement en fonction de la fiscalité

En raison du traitement fiscal différent des différentes options d’investissement, les décisions d’investissement ne sont pas prises uniquement en fonction de considérations de risque/rendement, mais aussi en fonction de la fiscalité. Cela conduit à des décisions économiquement sous-optimales. Ce problème est connu depuis longtemps dans notre système fiscal (en particulier dans le contexte de l’imposition du capital). Cette taxe sur les plus-values ne résout pas ce problème, bien au contraire.

5. Cauchemar administratif

Compte tenu de la complexité du nouveau régime, il semble d’ores et déjà acquis que son application ne sera pas simple sur le plan administratif. Les banques ont déjà tiré la sonnette d’alarme à ce sujet. On ne sait pas encore comment cela se passera dans la pratique, mais les inévitables tracasseries administratives entraîneront également des coûts supplémentaires.

6. Cela n’aide guère le budget (ou pas)

Selon les dernières projections du Bureau du Plan, notre budget se dirige vers un déficit de 41 milliards d’euros d’ici 2030. Une taxe sur les plus-values de 500 millions d’euros n’y changera rien. En outre, en fonction de l’ampleur du préjudice économique, notamment en termes de perte d’activité économique (voir les points 1 et 2), l’impact budgétaire global sera plus faible (voire négatif). Après tout, ce préjudice économique se traduit par une diminution des recettes provenant d’autres taxes.

7. Risque de hausse des impôts

Si, dans les années à venir, le gouvernement fédéral doit chercher plus d’argent (une certitude compte tenu de notre situation budgétaire), il sera toujours plus facile d’augmenter le taux d’une taxe existante que d’en introduire une entièrement nouvelle. En ce sens, le risque est bien réel que l’introduction de la taxe sur les plus-values soit un premier pas et qu’à terme, le taux de 10 pour cent soit systématiquement augmenté, avec l’impact négatif supplémentaire que cela implique pour notre économie.

8. Incertitude supplémentaire

Les entrepreneurs sont aujourd’hui confrontés à une longue série de facteurs incertains, allant de la guerre commerciale de Trump à la géopolitique, en passant par l’approvisionnement en énergie à plus long terme (et bien d’autres choses encore). Cet impôt sur les plus-values, avec son ambiguïté quant à sa mise en œuvre concrète, son impact incertain sur notre économie et le risque réel d’une augmentation du taux au fil du temps, ajoute un facteur d’incertitude supplémentaire. Or, l’incertitude est pernicieuse pour notre potentiel de croissance à long terme, notamment en raison de son impact négatif sur les décisions d’investissement.

9. Nous avons déjà beaucoup d’impôts sur le capital

Toute réforme fiscale doit être envisagée dans la perspective plus large de l’ensemble de notre système fiscal. Et c’est ce qui manque dans cette réforme. Jusqu’à récemment, la Belgique était l’un des rares pays à ne pas avoir d’impôt sur les plus-values, mais d’un autre côté, nous sommes aussi depuis longtemps l’un des pays où les recettes provenant de toutes sortes d’impôts sur le capital sont les plus élevées, et où la charge fiscale sur le capital est la plus lourde. Notre système fiscal peut certainement faire l’objet de réformes qui pourraient être positives pour notre économie, notamment en abaissant les taux et en réduisant les exceptions. Cet impôt sur les plus-values ne va pas dans cette direction, mais plutôt dans la direction opposée.

10. Une mauvaise mesure qui sert d’introduction à de meilleures mesures n’est pas encore une bonne politique

L’introduction et l’élaboration de cet impôt sur les plus-values n’ont rien à voir, ou presque, avec une politique économique sensée, mais sont surtout des trophées politiques. Cet impôt sur les plus-values est utilisé comme passeport pour d’autres réformes, telles que la limitation des allocations de chômage dans le temps (nos allocations illimitées étaient également à peu près uniques au monde). Mais cela n’en fait pas une bonne politique pour autant.

Bart Van Craeynest
Économiste en chef chez Voka et auteur de « België kan beter »

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