La présidente de la Commission européenne se rend à la Maison Blanche ce vendredi. Objectif : obtenir des concessions pour que les entreprises européennes ne soient pas exclues des importants subsides que Washington donne aux technologies vertes « made in America ». Elle essayerait notamment de jouer sur les matières premières utilisées. En attendant, ces subsides fonctionnent comme un aimant : Volkswagen va installer une usine aux États-Unis, plutôt qu’en Europe.
Von der Leyen à la Maison Blanche : pourra-t-elle obtenir des concessions sur les subsides verts américains ?

Pourquoi est-ce important ?
L'Europe craint que ces subsides créent un grand exode de l'industrie, et que les entreprises préfèrent investir de l'autre côté de l'Atlantique. Elle juge ce texte anti-concurrentiel, déloyal et protectionniste.Dans l’actu : Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission européenne, va être en visite officielle en Amérique du Nord. Elle sera reçue par le président des États-Unis, Joe Biden, à la Maison Blanche ce vendredi.
- L’Inflation Reduction Act (IRA), loi américaine qui prévoit entre autres une enveloppe de 369 milliards de dollars pour le secteur des technologies vertes (si et seulement si les produits sont fabriqués aux Etats-Unis, avec des matières premières en grande partie américaines) sera clairement à l’ordre du jour.
- « Nous voulons parvenir à un traitement autant non discriminatoire que possible pour les produits et les entreprises de l’UE, en évitant les distorsions de concurrence », annonce un porte-parole de la Commission à CNBC.
Aussi dans l’actu : Ce choix d’investir aux USA, au détriment de l’Europe, se fait déjà. Volkswagen annonce la construction d’une usine à batteries aux États-Unis ce mercredi.
- En attendant une réponse de l’Europe au fameux IRA, VW met en suspens son projet de construction d’une usine en Europe de l’Est, rapporte le Financial Times. La priorité est donc donnée à la construction d’une usine aux États-Unis. VW estime pouvoir récolter dix milliards de dollars avec les subsides.
- Le constructeur allemand est loin d’être le seul à être attiré.
- Il y a deux semaines, Tesla a annoncé vouloir produire ses batteries, en entier, aux États-Unis. Initialement, le constructeur de véhicules électriques voulait assembler des batteries, de A à Z, en Allemagne, mais il ne fabriquera finalement que des parties des batteries dans cette usine.
- Le fabricant de batteries Northvolt va « prioriser » la construction d’une usine aux États-Unis, faisait-il part le même jour. Son projet de construction en Allemagne reste d’actualité, mais se concrétisera plus tard, même s’il date d’il y a plus longtemps que le projet américain.
- En novembre, le géant belge de la chimie Solvay a également présenté des plans de construction d’une usine aux États-Unis.
Von der Leyen pourra-t-elle obtenir des concessions ?
L’essentiel : La présidente de la Commission réussira-t-elle là où Emmanuel Macron a échoué ?
- Le président de la France s’était, lui aussi, rendu à la Maison Blanche, en décembre. Avec le même objectif : obtenir des concessions de la part de Biden. L’octogénaire a fait quelques promesses, mais depuis rien ne s’est concrétisé.
- Le même sort atteindrait Von der Leyen, estiment des observateurs. « Je ne pense pas que Von der Leyen parviendra à obtenir des concessions significatives de la part des États-Unis sur l’IRA. En fin de compte, l’objectif de l’IRA est de renforcer l’industrie américaine dans les secteurs liés à la transition écologique », explique la spécialiste de la géopolitique d’Amundi, Anna Rosenberg, à CNBC.
- « Par conséquent, l’IRA vise l’UE simplement parce que les entreprises européennes ont été jusqu’à présent des leaders dans ce domaine et que les États-Unis veulent les attirer. L’octroi de concessions significatives irait à l’encontre de l’objectif de l’IRA », argumente-t-elle.
Matières premières critiques
Sur l’ensemble du texte, obtenir un traitement favorable pour l’UE semble donc compliqué. Mais Von der Leyen pourra-t-elle avoir des concessions sur des aspects en particulier ?
- « L’essentiel est potentiellement un engagement sur les matières premières critiques », glisse un représentant officiel de l’UE à CNBC. L’idée serait de faire en sorte que les entreprises qui produisent en Europe pourraient être éligibles aux subsides si elles utilisent des matières premières américaines.
- Une clause de l’IRA prévoit en effet que les produits éligibles contiennent un certain pourcentage de matières premières issues des États-Unis ou des pays qui ont un accord de libre échange avec Washington. La Chine et la Russie, qui sont respectivement de très importants fournisseurs de terres rares et de nickel, sont exclues de la liste.
- Pour les « minerais critiques » utilisés dans les véhicules électriques, cette part est de 40% en 2023. En 2027, ce sera le double. Pareil pour les batteries : 50% des matériaux doivent venir des USA, du Mexique ou du Canada, en 2023. En 2029, ce sera la double.
- Des clauses strictes, qui feraient en sorte que bon nombre de produits pourraient finalement ne pas être éligibles aux subsides, selon une récente étude du think tank français CEPII. Des clauses strictes qui pourraient aussi avoir un impact négatif pour le secteur européen de ces matières premières (qui reste d’ailleurs à développer, tout comme son homologue américain).
Le détail : l’Europe aussi veut des seuils de matières premières critiques « maison ».
- C’est ce que montre un brouillon du Raw Materials Act, une loi européenne dont le but est d’assurer l’approvisionnement en matières premières critiques pour la transition énergétique. L’objectif est aussi de diversifier les fournisseurs, et de ne pas trop s’appuyer sur la Chine. Le brouillon sera présenté au parlement la semaine prochaine, mais a déjà fait l’objet de fuites dans la presse.
- Pour 2030, l’Europe veut que 10% des matières premières critiques consommées sortent de mines européennes, rapporte Euractiv. 15% des matériaux doivent venir du recyclage. 40% doivent avoir été raffinés ou transformés en Europe. Ces seuils ne sont pas une moyenne, mais comptent individuellement pour chaque matière première (il y en a environ 30). Autre critère : un seul et même pays tiers ne peut pas être le fournisseur d’une matière à plus de 70% (ce qui est actuellement le cas de la Chine dans de nombreuses catégories).
- Bref, la concession que Von der Leyen vise à obtenir pourrait se heurter à ce projet européen.