Une dépêche pour l’AFP

Il y a un peu plus d’une heure, un journaliste de l’AFP en poste à Bruxelles évoquait les joies de son métier d’agencier sur Twitter en racontant qu’il devait composer pour demain une dépêche de 600 mots pour expliquer les élections en Belgique. Serviable comme je peux l’être je la lui ai écrite. A ma façon. Il y prendra ce que bon lui semble. Mais j’avertis mes lecteurs que ce qui va suivre n’a rien d’un des billets usuels de ce blog. C’est un papier de 600 mots (611 exactement) conçu comme un rond-up du bureau de l’AFP à Bruxelles. Ça m’a bien amusé, comme un exercice pour garder la main. J’aurais pu fignoler, mais c’est plus cher… Top départ:

Elections en Belgique: deux pays, un casse-tête

Le 13 juin prochain, les Belges voteront pour renouveler les deux chambres du parlement fédéral, dissoutes après la chute du gouvernement d’Yves Leterme. Celui-ci réunissait cinq partis, deux flamands (chrétiens-démocrates et libéraux) et trois francophones (les mêmes, auxquels il faut ajouter les socialistes).

Après les élections de juin 2007, il avait fallu plus de six mois pour constituer cette coalition, déjà désertée en septembre 2008 par les nationalistes flamands de la N-VA, partisans de l’instauration d’un système confédéral. Elle a succombé en avril dernier, par la volonté des libéraux flamands, qui n’ont pas accepté la lenteur des négociations en cours sur la scission de la dernière circonscription électorale bilingue du pays, mieux connue en Belgique sous l’acronyme BHV (pour Bruxelles – Hal – Vilvorde).

Les pronostics sont réservés quant à une issue rapide de la crise. Partis flamands et francophones sont en effet plus divisés que jamais sur la nature et l’ampleur des mesures à prendre pour parachever ou simplement poursuivre – c’est selon – le processus de réforme de l’Etat entamé il y a quarante ans.

Les quelques sondages dont les résultats ont été publiés ces jours-ci suggèrent en effet que si l’électorat semble devoir rester plus ou moins stable dans le sud du pays, où les socialistes devraient redevenir la famille dominante après avoir été ébranlée par quelques scandales, il marquerait une tendance à la radicalisation communautaire des Flamands. La formation de M. Bart De Wever, la N-VA, est ainsi créditée d’une forte progression qui pourrait même la conduire à devenir le premier parti de Flandre, voire de tout le pays. Ce qui serait une première historique.

Le CD&V, parti du premier ministre sortant, M. Yves Leterme, avait remporté les élections de 2007, en cartel avec la N-VA, sur un programme communautaire très pointu comprenant une réforme approfondie des institutions dans le sens d’une autonomie accrue des trois régions (Flandre, Wallonie et Bruxelles) et des trois « communautés » (française, flamande et germanophone) qui constituent l’Etat fédéral.

Devant le refus obstiné des partis francophones de s’engager dans cette voie, il n’a pu concrétiser aucune des promesses qu’il avait faites à ses 800.000 électeurs flamands. Conscient de la pauvreté de son bilan dans ce domaine ultra-sensible, le CD&V met maintenant plutôt  l’accent sur les dossiers socio-économiques et s’est choisi sa nouvelle présidente, Mme Marianne Thyssen, pour conduire ses troupes à la bataille électorale, ce qui représente une forme de désaveu pour Yves Leterme..

Le problème principal est toutefois que le paysage politique est extrêmement morcelé, tant au niveau fédéral qu’au sein de la communauté flamande qui ne compte pas moins de sept partis disposant d’une représentation parlementaire significative.

Paradoxalement peut-être, il en résulte en Flandre une certaine bipolarisation entre les familles politiques traditionnelles d’une part, et les formations plus radicales sur le plan communautaire d’autre part. Et sans doute le principal enjeu de ce scrutin est-il là : la N-VA nationaliste se rendra-t-elle ou non incontournable pour la constitution d’un gouvernement fédéral?

Les francophones sont impuissants dans ce débat : leurs partis ne présentent de candidats qu’en Wallonie et à Bruxelles, comme les partis flamands n’en présentent qu’en Flandre. Plusieurs observateurs ont ainsi souligné que les élections prétendûment fédérales cachent en réalité deux scrutins, totalement distincts : un pour les électeurs flamands, un autre pour les citoyens francophones. Il en est ainsi depuis la scission de toutes les familles politiques en « ailes linguistiques » distinctes. On comprendra aisément le casse-tête que représente dès lors la formation d’un seul gouvernement à partir de ces deux « pays » qui ne lisent pas les mêmes journaux et ne regardent pas les mêmes programmes de télévision, outre qu’ils ne parlent pas la même langue…

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